EDITORIALINTÉGRATION NATIONALE

Pompe militaire

À la sortie Est de Douala le 7 septembre 2019, Gaston Eloundou Essomba a dû revoir une ligne de son interview parue sur le site internet du quotidien Cameroon Tribune le 1er août 2019.

Ce jour-là, le ministre de l’Eau et de l’Énergie (Mineé) garantissait, au nom du gouvernement, «la qualité du carburant distribué dans les stations-service». Au-delà de soupçonner que M. le Ministre a voulu jouer avec son image médiatique, il reste que la réalité du terrain vient d’absorber et destituer la force de son ancien propos dans les colonnes du journal à capitaux publics. De ce qui est arrivé au Mineé en posture de consommateur lambda dans une station-service à Dibamba, le premier niveau de synthèse s’effectue donc sous les auspices d’une émotion collective au sujet de la qualité du carburant servi aux usagers. Eau dans la cuve, mauvais mélange, impuretés… Les plaintes viennent des usagers anonymes. Ironie fatale: cette fois, le réservoir de la luxuriante cylindrée de M. le Ministre a, nous apprend-on, pris du mauvais carburant. L’entourage de Gaston Eloundou Essomba parle des dommages sur la pompe à injection, les injecteurs et le circuit de carburant. Il se dit également que le montant total du devis est colossal, changement de la courroie de distribution compris.

Et c’est ici le second niveau de synthèse, sous l’aiguillon du déploiement assez exhaustif d’une certaine administration impliquée dans la distribution des produits pétroliers ici chez nous. On aurait dit que ce déploiement dans les médias gouvernementaux suppléait à l’absence de visibilité observée depuis quelque temps. Tout cela n’a rien de nouveau au Cameroun, même si ce grand coup de lampe torche est venu apporter un peu de lumière dans ce théâtre d’ombres des produits pétroliers.

À l’arrière de tout ceci, ce qui est arrivé à M. le ministre lui a avait déjà permis de parler du carburant militaire. Chez nous, il coule à flots dans le circuit civil. Pas étonnant de voir les voies qui mènent dans les casernes peuplées de voitures, même des taxis appartenant aux hommes en tenue ou à leurs amis. En tout cas, à quelques happy few de chez nous. On dit qu’il est le meilleur en termes qualité-prix. Très difficile de savoir comment on fait pour être admis dans les stations-service où officient des hommes en tenue. Sur ce sujet, les partisans de l’indulgence plaident on ne sait trop quoi à l’aide de langage soutenu et de raffinement verbal. Pas étonnant que les commissions de contrôle soient sans force, car «les volumes de carburant militaires sont secrets», à partager dans un entre-soi.

Chacun sait de quoi il retourne: les loups ne se mangent pas entre eux. Et depuis, on est juste frappé par la continuité et la vulgarité du business. De jour comme de nuit, l’usager lambda peut aller consommer dans une station-service militaire. Tout contrôle d’identité s’incline devant une conciliation permanente des intérêts en présence. À Bonanjo (Douala), à la Gendarmerie nationale à Yaoundé, à Ebolowa-si, civils et militaires se servent à la pompe. L’affaire, bien enracinée depuis des lustres, imprègne tellement bien le quotidien que pratiquement personne ne soulève le problème. On y voyait au contraire «les avantages militaires naturels».

Ongoung Zong Bella

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