Le contentieux relatif à la désignation du groupement franco-camerounais a cours par devant le Comité chargé des recours. Le ministère des Marchés publics demande au ministère des Finances de «surseoir toute action sur la procédure querellée en attendant l’aboutissement des investigations et la décision de l’autorité des Marchés publics.
Mardi 18 juillet 2023, la presse économique locale relaie une annonce du ministre des Finances relative à la désignation du cabinet Bekolo and partners et du groupe français Ledcoop Ledc pour mener des études sur la politique actionnariale de l’Etat du Cameroun. Un projet qui devrait, à terme, changer le système de gouvernance des entreprises publiques dans le but de les rendre plus performantes. Du discours circonstanciel de Louis Paul Motaze, les retombées attendues portent sur la capacité à éviter « la passivité ou l’intervention excessive de l’Etat actionnaire ou de la puissance publique dans les affaires qui devraient relever de la seule compétence de l’entreprise et de ses organes décisionnels». Cette visée sera concrétisée au moyen d’une politique orientée vers la fixation des objectifs de dividendes; la réduction progressive des subventions aux entreprises à faible niveau de performance; l’introduction dans le marché boursier des grandes entreprises publiques des secteurs industriels; la privatisation de la gestion des entreprises publiques évoluant dans les secteurs hautement concurrentiels; et la mise en place des mesures d’accompagnement des entreprises publiques basées sur une meilleure exploitation du marché local.
L’identité du prestataire retenu par la Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques le 15 juillet est dévoilée à Yaoundé à l’occasion du lancement de ladite étude. Le cahier de charges du consultant est également rendu public. Il dispose de trois mois pour: «présenter un diagnostic de l’état des lieux» suivi de «différents scenarii de vision de la politique actionnariale» et du «rapport final sur la politique actionnariale». Les enjeux sont de taille pour le Cameroun, mais aussi pour certains bailleurs de fonds comme le Fonds monétaire international (FMI), qui préconise depuis fort longtemps de telles réformes.
Recours
Le groupement Bekolo and partners/Ledcoop Ledc va mener à bien cette mission. Juliette D’Aboville, experte des questions d’Etat actionnaire, est l’actionnaire unique de la PME française Ledcoop, d’un capital social de 100 euros. Sa structure emploie deux employés, a appris Intégration, après consultation des annuaires numériques d’entreprises françaises. Dans cette union, le cabinet Bekolo partners apporte sa riche expérience des problématiques camerounaises.
Il y a pourtant péril sur le démarrage de l’étude sur la politique actionnariale. Et pour cause, la procédure ayant conduit à la désignation de ce consultant fait l’objet d’un contentieux par devers l’autorité des marchés publics. Le 17 juillet, un jour avant la cérémonie de lancement de l’étude, l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP) se prononce sur la question. Elle enjoint le ministre des Finances de « surseoir toute action sur la procédure querellée en attendant l’aboutissement des investigations et la décision de l’autorité des Marchés publics». Le courrier y relatif, dont Intégration a obtenu copie, évoque une contestation des résultats de l’évaluation des offres techniques soumises suite à l’appel d’offres international du 16 janvier 2023.
Ledit recours est porté par le groupement Finactu International /UHY BBI Advisory and audit. Les deux structures cumulent plus de 20 années d’expériences sur le continent, dans les domaines de l’assurance, banque et garanties, private equity, protection sociale et appuis aux gouvernements, apprend-t-on sur le site de Finactu International.
Ce soumissionnaire fait partie des recalés de la procédure de recrutement susmentionnée avec une note technique de 68/100. En deçà des 70/100 exigés. À ses côtés, trois autres entreprises ont échoué, en l’occurrence les cabinets GB2A Avocats (67,5/100), AXYS (60/100) et Price Waterhouse Coopers (45/100).
Le plaignant demande « que les offres soient examinées par une sous-commission indépendante et que les références produites par les candidats soient authentifiées, en s’assurant de la pertinence des références produites en lien avec la mission». Dans une requête soumise le 19 juin 2023 au Comité chargé des recours, la partie contexte la notation des différentes offres techniques. Notamment la note de 83/100 attribuées au groupement Bekolo and partners/Ledcoop. « La notation des propositions techniques témoigne d’un biais outrancier en faveur du candidat déclaré vainqueur de l’appel d’offres. Alors que le concurrent victorieux présente de nombreuses faiblesses qui mettent à mal les intérêts de l’Etat», écrit la partie, qui pointe du doigt la jeunesse de l’entreprise Ledcoop (créée en 2018), le manque de transparence en matière financière, la non maîtrise du contexte africain et des problématiques camerounaises, entre autres.
Le second motif de contestation soulevé porte sur la régularité du processus. Lequel, apprend-on, est entaché par un manque de communication des résultats aux soumissionnaires avant publication officielle. « Pour les offres ouvertes en deux temps, une offre financière témoin scellée est transmise à l’organisme chargé de la régulation des marchés publics pour conservation. Lors de la séance d’ouverture des offres le 13 avril 2023, séance à laquelle nous avons pris part, le groupement Bekolo and partners/Ledcoop n’a pas produit une offre financière témoin», souligne également le plaignant. Notre tentative d’en savoir davantage auprès du maitre d’ouvrage de ce marché est restée infructueuse.
Louise Nsana