Passeports nouveau régime : L’ancien prix fait lever la brume

Des usagers refusent de s’enrôler au système de délivrance du document et font le procès de la DGSN.

Le bâtiment siège du Centre de production des passeports à Yaoundé.

Le cœur serré, Erik G. déambule dans la cour du Centre de production des passeports sis à Étoudi (Yaoundé). «Moi je n’ai plus d’argent à débourser!», souffle-t-il avec une angoisse qui fait dérailler son accent anglophone. Tantôt, il parle de la nécessité «de tenir compte de ceux qui ont déposé des dossiers avant», tantôt il s’alarme sur «le silence des décideurs». Ce qui est constant en tout cas, c’est une critique portée par ceux qui disent avoir «déboursé près de 80 000 FCFA dans l’ancien temps».

Ce 5 octobre 2021, d’autres récits entendus dans la cour de ce haut-lieu dévoilent l’interaction entre l’inflexibilité de la Délégation générale à la Sureté nationale (DGSN) et celle de ces usagers se réclamant justement de «l’ancien temps». Selon des informations puisées à bonnes sources, la première exige aux seconds de s’enrôler au système de délivrance du nouveau passeport en payant 110 000 FCFA. «Ici, nous ne créons pas l’information, nous la relayons juste !», confie un fonctionnaire de police; allusion faite aux dispositions réglementaires actuellement en vigueur en matière de délivrance des passeports au Cameroun.

Discours
Sur le coup, des voix s’élèvent et émettent un discours construit sur «le respect de l’ancienne procédure et la longue attente imposée aux usagers». «J’ai fourni un dossier complet pour un coût moyen de 5 000 F CFA chacun (documents légalisés auprès des administrations); j’ai payé la somme de 2 000 F CFA pour la production des photos et j’ai versé 75 000 FCFA de droit de timbre. Et depuis plus de deux ans je suis sans suite», brandit une femme.

À tendance démonstrative, d’autres prises de parole fonctionnent comme un lieu de confrontation entre une doléance et l’intransigeance de la DGSN. «Il faut bien que ces gens acceptent qu’avant que le taux de 110 000 FCFA ne soit imposé, nous avions déjà nos dossiers dans leurs services; ils doivent en tenir compte», fulmine quelqu’un visiblement galvanisé par le passage d’un commissaire de police à quelques mètres. S’invitant à la conversation, le flic ironise en estimant qu’ «il est tout aussi pertinent de s’interroger sur la vérité lorsque chacun a le sentiment de savoir de quoi il parle».

Menaces
Et parmi ceux qui parlent, il y a la Fondation camerounaise des consommateurs (Focaco). Le 7 octobre dernier, son président Alphonse Ayissi Abena a écrit au DGSN. S’appuyant sur la loi-cadre du 6 mai 2011 portant protection du consommateur, l’activiste de la société civile exhorte le patron de la police «à procéder sous quinzaine en guise de compensation et sans frais supplémentaires à la délivrance des nouveaux passeports biométriques entrée en vigueur le 1er juillet 2021 à ces nombreux usagers en attente de la délivrance des anciens passeports».

Selon Alphonse Ayissi Abena, la posture de l’autorité policière est à prendre au sens de «refus de délivrer aux usagers leurs passeports». De ce point de vue, cela est le fond qui permet «de saisir la justice sur la nécessité de condamner la DGSN à payer à ces usagers outrés des dommages-intérêts».

Pour rappel, le coût de délivrance du passeport au Cameroun est passé de 75 000 à 110 000 FCFA, soit une hausse de 35 000 FCFA (+46,66 %) depuis le 1er juillet 2021. Selon le gouvernement, cette augmentation vise à donner les moyens nécessaires pour moderniser et sécuriser ce document d’identification et de voyage.

Jean-René Meva’a Amougou

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