Passeport camerounais : En dernière classe

Dans l’index publié en fin de semaine dernière par Henley & Partners (H&P), le document de voyage délivré par le pays de Paul Biya pointe au 93e rang sur 107.

H&P ne croit pas aux vertus du passeport camerounais. Le cabinet anglais vient de publier le classement 2019 des passeports les plus puissants au monde. À en croire H&P, celui délivré par les autorités camerounaises ne donne accès qu’à 49 pays sans visa. Le cabinet qui examine depuis 2006 la réglementation des visas de tous les pays et territoires des quatre coins du monde, s’est basé sur des critères tels que l’état de l’économie dans son ensemble (notamment l’indice de développement humain), l’ordre public, la stabilité ou encore la possibilité de déménager d’un pays à l’autre.

H&P dit s’être également appuyé sur des données régulièrement mises à jour par l’Association internationale du transport aérien (AITA). Il a pris en compte la législation en cours autour des visas sur plus de 220 destinations de voyage. Sur son site internet, H&P livre d’autres détails: «Lorsqu’un passeport ne nécessite pas de demande de visa supplémentaire pour se rendre dans un pays ou très peu, le pays émetteur gagne un point. Si, au contraire, davantage de démarches sont nécessaires comme une lettre d’invitation ou un entretien au consulat, le pays n’obtient aucun point. Les scores reflètent le poids des différents pays dans les relations diplomatiques».

Eu égard à ce nouveau classement, la cote du passeport camerounais n’a pas beaucoup évolué. En 2018, il pointait au 92e rang mondial (sur 199 pays répertoriés), et au 28e rang africain du «Henley Passeport Index». Cette année-là, indiquait alors H&P, ses détenteurs pouvaient, sans obtenir de visa, visiter avant le départ ou à l’arrivée, 45 destinations.

«Guides»
À l’interprétation, être Camerounais se révèle particulièrement désavantageux, dès qu’il s’agit de quitter le territoire national. En effet, commente Lazare Tchapdeu, ministre plénipotentiaire à la retraite, «si certains passeports ouvrent sans problème les portes de nombreux pays, celui du Cameroun oblige parfois son propriétaire à se livrer à de nombreuses démarches pour voyager». Il ajoute: «Si vous ne vous intéressez qu’aux critères internes, et donc à ceux qui ne voyagent jamais et ne partent pas vivre à l’étranger, il suffit de parler du pays et non de la nationalité.

Car ailleurs, nos passeports ressemblent le plus souvent à des laissez-passer pour des affaires obscures. C’est une porte grande ouverte pour ceux qui ont les poches pleines et un passif à cacher». Conséquence: «le pays a perdu de sa crédibilité à l’étranger, où 20 passeports sur 100 sont contrôlés faux. Et partout là-bas, l’on commençait à croire que les autorités camerounaises étaient complices de ces malversations», expliquait, dans les colonnes du quotidien Cameroon Tribune du 7 avril 2010, le commissaire divisionnaire Beaulys Djom, alors directeur de la Police des frontières.

Du côté des agences de voyages et de tourisme que nous avons contactées, elles ne semblent pas s’inquiéter plus que cela. Elles redoutent beaucoup plus l’effet dissuasif du classement H&P, pointant surtout les enjeux géopolitiques à l’échelle internationale. «Tout ça, c’est pour dire aux Camerounais de rester chez eux, au regard de l’activisme d’une certaine diaspora», fulmine Roseline Tsoungui, responsable marketing dans une agence basée à Tsinga (Yaoundé II). Au-delà, beaucoup souhaitent l’ouverture d’une réflexion sur les modalités d’obtention des visas afin de faciliter les échanges entre le Cameroun et d’autres pays. «Ces modalités sont torpillées, le marché étant infesté de non-professionnels», fait constater Omer Lagan Mvelem, membre du syndicat des agents de voyages et tourisme du Cameroun.

Jean-René Meva’a Amougou

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