Pagne du 8 mars : Le diktat du marché noir

Selon nos sources, les revendeurs obtiennent 10 % de bénéfice par pièce vendue, là où les spéculateurs se taillent la part du lion.

À en croire Jasper Nleme, les spéculateurs engrangent d’énormes gains sur la vente du pagne. L’attaché commercial de la Cicam en service à Ecotex (agence de Madagascar) révèle que même ceux des commerçants qui passent des commandes à l’avance font une marge 10 % par pièce vendue. «Les acteurs-revendeurs qui financent la production de ce pagne souscrivent et on leur vend au prix de gros. Au lieu de 6800 FCFA, on leur vend cela à 6120 FCFA soit 10 % de réduction. Et puisqu’ils doivent vendre le tissu au prix de 6800 au moins, ils obtiennent alors 680 FCFA de bénéfice par pièce vendue», explique l’agent de la Cicam.

Partenaires tricheurs
Dans ses dires, le spécialiste de la vente de pagne constate que les adeptes de l’inflation glanent plus d’argent que l’entreprise productrice du tissu. «Je dirais que les spéculateurs ont plus de bénéfice que la Cicam. Puisqu’ils acquièrent le pagne à 6120, et le revendent à 8000 FCFA, 9000 FCFA et même 10 000 FCFA, la pièce. Vous comprenez donc qu’ils obtiennent énormément d’argent», explique-t-il. Et les bénéfices par pièce varient entre 1 880 FCFA et 3 880 FCFA, voire plus. Pour Jasper Nleme, les acteurs de l’inflation sont simplement de mauvais joueurs. «Nos partenaires trichent. Parce qu’il y a déjà une quantité importante de pagnes mise sur le marché. Mais, ils créent le manque apparent pour qu’il y ait une flambée de prix». La preuve, s’offusque le diplômé en commerce, les revendeurs «ont acquis les pagnes auprès des points de vente de la ville de Yaoundé qui ont été approvisionnés dimanche dernier. Et ce n’est pas seulement Ecotex, c’est dans tous les points de vente de la ville. Mais curieusement, les gens s’alignent pour acquérir le pagne. Et on se demande bien où sont partis les stocks qu’on leur a livrés».

Pagne subventionné
Pourtant, explique-t-il, des mesures ont été prises en amont pour éviter la situation de surenchère. «Notre hiérarchie a même fait deux réunions à l’hôtel Somatel pour sensibiliser les partenaires grossistes sur le prix du pagne. On leur faisait comprendre que, quand on leur donne le pagne, ils doivent le rendre disponible, et à des prix raisonnables.» D’ailleurs, il ajoute que le pagne du 8 mars est financé par le gouvernement camerounais. C’est la raison pour laquelle, cette pièce d’étoffe coute moins cher par rapport à d’autres pagnes évènementiels.

Cependant, il n’y a pas que l’État qui défalque de l’argent pour la production du 8 mars chaque année. Il y a également des partenaires au rang desquels, les revendeurs grossistes. Ils ont droit aux premiers pagnes confectionnés. «Lorsque les commerçants déposent de l’argent, la première production du pagne leur revient parce que ce sont eux qui contrôlent le marché. Il faut d’abord résorber l’enveloppe des déposants avant de rentrer dans ses stocks. Et lorsque nous leur livrons ces pagnes, nos boutiques sont vides. Conséquence, ce sont eux qui contrôlent le marché, qui fixent le prix. C’est pour cela qu’il y a souvent la flambée des prix.»

Pour déjouer la carte des spéculateurs, il y a des mesures de sensibilisation. Le commercial a sa petite idée. «Le délégué régional a promis que le pagne sera fabriqué jusqu’au 5 mars. Donc, il y aura le pagne. Quand nous serons dans nos stocks, les partenaires qui ne veulent pas revoir leur prix risquent de se retrouver avec des invendus. On demande aux femmes d’être patientes parce que des mesures sont prises pour que le pagne soit disponible. Elles pourront le coudre en deux jours».

Joseph Julien Ondoua Owona (Stg)

Le «prêt-à-porter» pour contourner la pénurie

Face à la pénurie de l’étoffe, le «kaba» payé cousu est la solution alternative pour de nombreuses femmes.

«Au lieu d’aller m’aligner pour acheter le pagne au prix fort, je préfère venir acquérir un kaba déjà cousu». La scène se déroule au marché Mokolo ce 20 février 2020. Celle qui s’exprime ainsi n’est autre que Alice. La sexagénaire est venue se procurer une robe déjà confectionnée à en prélude à la célébration de la Journée internationale de la femme qui se célèbre le 8 mars de chaque année. En réalité, explique-t-elle, c’est la première fois qu’elle se procure un vêtement pour la célébration. Et, ajoute-t-elle, il s’agit d’une manœuvre pour contourner la pénurie actuelle de pagnes.

À quelques pas de là, Alima se livre au même exercice. Pour la trentenaire, c’est le moyen sûr et approprié pour «fêter le 8 mars en pagne». De plus, explique la jeune camerounaise, «la célébration du 8 mars me revient un peu moins cher ainsi».
Du côté de la commerçante, les prix varient en fonction du commerçant. «Ici les prix vont de 7000 à 12 000 FCFA» brandit une commerçante. Dans ses évocations, elle décline les catégories qui influencent le prix: «le prix dépend de la corpulence la femme. Plus elle est grande, plus le vêtement coute cher».

Non loin de là, un autre commerçant se targue de vendre le précieux sésame aux prix défiant toute concurrence. «Je vends le pagne à 8000 FCFA», lance-t-il fièrement. Si les vêtements qu’il offre sont faits pour des femmes de petite corpulence, c’est surtout parce que l’homme gagne un peu plus ainsi. Le mécanisme est simple. «Lorsque j’achète un pagne à 6800 FCFA, je remets au couturier à qui je demande de produire trois robes, à raison de 3000 francs CFA par robe cousue. Et moi je reviens vendre la même robe à 8 000 FCFA. Et si le client discute, je peux lui laisser l’habit à 7500 FCFA», raconte-t-il. Ainsi, pour une pièce d’étoffe, le commerçant investit 15 800 FCFA en tout, pour un bénéfice de 8200 FCA par pagne.

Comme lui, plein d’autres commerçants se prêtent au jeu, dans ce contexte de pénurie du pagne du 8 mars 2020. Et les affaires marchent, comme sur des roulettes. «Compte tenu de la rareté du pagne sur le marché, il y a plusieurs femmes qui viennent acheter. Les kaba se vendent quand même», confie un commerçant au marché central.

JJOO

Évaluation

Le Cameroun placé en sursis par le FMI

Alors que le pays affiche des arriérés de paiement et un contexte sécuritaire délicat dans sa partie anglophone, ses perspectives économiques semblent s’améliorer légèrement.

 

Selon des prévisions, le pays de Paul Biya pourrait connaitre des lendemains meilleurs cette année. C’est l’information que livre Fitch Solutions Macro Research. Selon ce cabinet de consultants sur l’environnement macroéconomique, la croissance camerounaise atteindra 5 % en 2020, contre 4,5 % en 2019.

Et, la situation pourrait s’améliorer, au regard du soutien financier dont vient de bénéficier le pays. En effet, l’État camerounais a récemment reçu deux décaissements du FMI. Le premier, estimé à 76,2 millions de dollars a été réceptionné en juillet 2019 et le deuxième, soit 76,1 millions de dollars, en janvier 2020.

Contexte
Selon l’institution de Breton Woods, il faut noter que ces décaissements successifs interviennent alors que les performances économiques du Cameroun sont «relatives». À ce sujet, Mitsuhiro Furusawa a indiqué que «les réformes structurelles avancent, mais avec des retards». Les propos du directeur général adjoint du FMI sont contenus dans le journal Jeune Afrique, édition du 20 février 2020 (publié à 9 h 33).

Contrairement aux recommandations de l’institution internationale, Yaoundé accumule des arriérés de paiement. En dépit de cet épineux manquement, le pays de Louis Paul Motaze (ministre des Finances) a bénéficié d’une dérogation du FMI, qui a pris en compte les «mesures correctives» désormais adoptées.

 

Joseph Julien Ondoua Owona (Stg)

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