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«On anticipe à peu près 80% de taux de couverture de nos réserves de change»

Abbas Mahamat Tolli

Toutes les économies ne sont pas les mêmes. Quand vous voyez les économies développées, la structure même de leur PIB en grande partie, ce sont les services. L’inflation frappe tout le monde de manière uniforme. Elle est présente dans les pays développés, les pays émergents, pays producteurs des matières premières. Les Banques centrales n’ont pas beaucoup d’outils pour agir sur l’inflation, de débourser les taux, mais de jouer sur le volet de liquidités qu’elle rejette dans le canal bancaire.

L’inflation, le niveau des réserves de change de la Cemac et la situation politique au Gabon étaient au cœur des échanges le 27 septembre dernier à Douala entre la presse et le gouverneur de la Beac, ci-devant président statutaire du Comité de politique monétaire. Morceaux choisis.

 

Les chiffres communiqués au cours de la séance précédente ne concordaient pas avec ceux de ce jour. Qu’est-ce qui peut expliquer cet état des choses?
Les données font l’objet d’une remise à jour, une nouvelle programmation. La situation au niveau des agrégats macroéconomiques a des évolutions qui sont observées et cela, d’une réunion à l’autre. Normal qu’on n’ait pas forcément les mêmes chiffres. La situation est dynamique, les analyses suivent un peu la tendance et donc, nous mesurons le progrès des évolutions des agrégats périodiquement et il arrive que des mises à jour sont effectuées.

Est-ce que nos économies dépendent de celles des pays occidentaux?
Il faut observer que le monde n’est pas totalement en silo. Les économies s’interconnectaient, c’était aussi le phénomène de la mondialisation. Nous exportons nos produits bruts. Pour ceux qui les transforment, s’il n’y a pas de demande à l’extérieur, il va être observé une baisse sur la valorisation des prix des produits que nous exportons. Si en revanche il y a inflation à l’extérieur, nous allons le ressentir. Parce qu’aujourd’hui, la composante la plus importante dans la constitution et la formation de l’inflation, c’est l’inflation qui nous vient de l’extérieur par le biais de toutes nos importations. Puis les prix des produits se renchérissent, l’inflation est alors plus élevée que dans notre zone à l’extérieur. Et quand on importe ces produits, ils vont nous coûter beaucoup plus cher. Au niveau des transactions financières, le monde est inter relié. Nous ne sommes pas dans un îlot totalement isolé. On ne vit pas en autarcie comparativement au reste du monde. Les économies sont quand-même inter reliées et des situations émergent dans certaines économies qui sont aussi nos clients (nous leur fournissons les matières premières, ils nous fournissent des produits manufacturés). Et donc à cet égard, il y a quand-même des interdépendances qui font que nous ne sommes pas totalement isolés.

En ce qui concerne les augmentations de taux, la Banque centrale a été avant-gardiste. On a ressenti l’arrivée de l’inflation avant toutes les banques centrales. Nous avons eu des augmentations successives à pratiquement 5%, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à 3,50%, taux de niveau d’inflation plus élevé que notre zone, la BCE à 3,75%. Le processus d’augmentation des taux de resserrement de leurs conditions de politique monétaire est intervenu un peu en décalé par rapport aux décisions que nous avons en zone Cemac. Tout le monde est dans l’expectative parce qu’on ne sait pas de quoi sera fait demain. Les taux restent partout au-delà des cibles que les différentes banques centrales se sont fixées. Normalement, nous avons un objectif de 3% au sein de la Communauté. On reste à 5,7%, c’est un peu élevé. L’objectif en Europe c’est 2% pour un niveau d’inflation créé au-dessus de ce que nous avons ici en zone Cemac. Je ne peux pas préjuger des décisions qu’ils vont prendre, mais dans l’immédiat au moins, une chose est certaine, c’est que pour ceux qui ne vont pas augmenter encore, ils vont observer un peu comment cela va évaluer. Et si l’inflation donne des indications que ça baisse, c’est à ce moment qu’il peut y avoir des ajustements, soit en hausse soit en baisse dépendamment de l’orientation. Mais, tout porte à croire que l’inflation doit diminuer parce que l’orientation au niveau des principales Banques centrales pour essayer de réduire l’inflation. Toutes les Banques centrales ont pour mandat unique la maîtrise de l’inflation. L’inflation c’est une perte de pouvoir d’achat pour les citoyens, sinon une forme de dévaluation pour leur propre monnaie et le coût économique est beaucoup plus élevé que l’augmentation des taux d’intérêt qui peut avoir pour conséquence le ralentissement de la croissance économique.

Les investisseurs du Gabon sont inquiets suite au changement institutionnel. Que peut dire la Beac pour rassurer ces investisseurs et aussi quelles sont les perspectives pour l’économie?
Au Gabon, on a écouté dans la déclaration des nouvelles autorités, le respect des engagements internationaux du pays. Nous n’avons pas observé du moins au niveau des opérations de refinancement sur les marchés de type PP des interventions du pays, ça ne nous donne aucune indication de défiance par rapport à la situation que nous observons au Gabon. Et nous ne ressentons pas une quelconque réticence de la part des investisseurs, puisque les papiers de la dette du gouvernement du Gabon continuent à être encore prisés et les gens se l’arrachent. Et par rapport aux engagements internationaux du pays, un respect a été confirmé par les nouvelles autorités. Tout cela est un peu récent. Je pense qu’il faut observer les politiques économiques qui vont être menées par les nouvelles autorités. Tout cela va être apprécié par les investisseurs et les partenaires économiques du pays. Donc, il est assez hâtif de tirer une conclusion, mais ce qu’on observe ce n’est pas encore une défiance.

Le Comité a noté une baisse de nos réserves de change passé de 4 mois d’importation à 3 mois. Comment expliquez-vous ce niveau de baisse ou est-ce la conséquence de la politique monétaire engagée par la Beac ou est-ce aussi une cause extérieure?
Nous vous avons indiqué ici qu’en 2023, on sera à cinq virgules quelque chose en termes de mois d’importation. Alors que l’année dernière, nous étions à 4,94% mois d’importation. Je pense qu’il y a une consolidation qui s’est observée. On rappelle qu’au mois de juillet dernier, on a atteint plus de sept mille et quelques milliards FCFA et des constitutions de nos réserves de change. À ce niveau, il n’y a pas une baisse, mais comparé à la situation d’il y a quelques mois, je pense qu’il y a une baisse de 10% du niveau des réserves extérieures. Cela se comprend parce que les pays commencent à payer la dette à la suite des initiatives de suspension du service de la dette. Les factures d’importation du fait de l’inflation nous reviennent un peu plus cher et en particulier l’énergie que nous produisions. Le pétrole et les produits finis sont dans la plupart des pays exportés. Et cela à un coût, ça revient beaucoup plus cher de même que les produits alimentaires et les intrants agricoles qui reviennent beaucoup plus cher puisque nous ne payons pas comme par le passé. Et donc10%. Il y a également des éléments de saisonnalité en termes de transfert sortant un peu de la zone. Nous restons à des niveaux confortables quand on sait que le minimum c’est 20% de taux de couverture. Alors que nous, on anticipe entre 2020-2023 à peu près 80% des taux de couverture de nos réserves de changes. Autrement dit, il n’y aura pas de diminution à ce niveau à moins que vous n’ayez pas les chiffres que nous avons communiqués.

Nous avons remarqué que le taux de sortie est en baisse. Pourquoi augmenter les taux d’intérêts?
En général, les taux au niveau des banques ne sont pas totalement influencés de manière spécifique par le taux directeur, mais il y a d’autres considérations qui entrent en ligne de compte. D’abord, cela dépend de la nature des prêts. Est-ce que c’est des prêts aux entreprises, aux particuliers, des prêts de long terme et de court terme? Mais aussi, il y a des réalités de place parce qu’aujourd’hui, dans les taux des banques, l’élément le plus important, c’est la prime de risque. La perception des risques amène les banquiers à rehausser les taux. Quand en France le client n’apporte pas de garantie suffisante, quand il y a des défauts importants qui sont enregistrés, en général les banques se protègent en ajustant un peu les taux. Et la difficulté que nos banques ont à réaliser la sureté qu’elles reçoivent en couverture de prêt qu’elles accordent aux entreprises, quand il y a un défaut, c’est que vous allez en justice, mais c’est souvent compliqué de réaliser des hypothèques. Toutes ces difficultés accroissent la réticence des banques à accorder des prêts. Et lorsqu’elles consentent à le faire, c’est souvent des taux qui sont un peu plus élevés. À ce niveau de taux d’intérêt, nous observons une élasticité par rapport aux taux directeurs.

Lorsqu’on fait la comparaison, en sachant que la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) est l’alter ego de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), ils ont relevé leurs taux directeurs de 3% à 3,25%. Puisque nous vivons les mêmes difficultés, pourquoi est-ce que nous restons dans la même dynamique que la fois passée?
Toutes les économies ne sont pas les mêmes. Quand vous voyez les économies développées, la structure même de leur PIB en grande partie, ce sont les services. L’inflation frappe tout le monde de manière uniforme. Elle est présente dans les pays développés, les pays émergents, pays producteurs des matières premières. Les Banques centrales n’ont pas beaucoup d’outils pour agir sur l’inflation, de débourser les taux, mais de jouer sur le volet de liquidités qu’elle rejette dans le canal bancaire. Parfois, ils obligent aussi les banques à augmenter les niveaux de réserves de change pour que quand il y a moins de liquidité dans l’économie, il y ait aussi moins d’inflation.

Propos rassemblés par
Diane Kenfack

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