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Olembé: Revers et envers du stade Paul Biya

Le quartier fait face à l’insécurité conjuguée au boom immobilier et démographique qu’entraîne le chantier de construction de l’infrastructure sportive. 

D’ici quelques mois, le chantier sera clos.

Olembé. Son nom seul suffit à remuer une histoire, un lieu où jadis, triomphèrent avec majesté, les Yanda et les Tsinga. Depuis l’octroi de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2019 au Cameroun, le stade Paul Biya, actuellement en construction, écrit une autre histoire, sur ce tapis rouge déroulé par les autochtones de ce quartier situé à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Yaoundé. L’anecdote est claire: «Olembé, depuis les temps immémoriaux est le symbole d’ordre et de morale ; c’est pour cela que le président a décidé que le stade qui porte son nom soit construit ici», brandit François-Xavier Ntsama.

Boom

Si ce notable Yanda se montre suffisamment assertif, c’est que le quartier vit… «Au propre comme au figuré», selon la formule de Marcien Dongmo, pour qui l’immobilier est devenu ici, l’actif le plus dynamique du moment. «Depuis que le stade est lancé, en moyenne 2,1 chantiers s’ouvrent tous les deux mois dans le quartier», appuie le directeur général de Horizon BTP, une société qui revendique la construction de plusieurs logements de divers standings dans la zone. «C’est le boom !», atteste-t-il, pour expliquer le flux populaire constaté.

De son point de vue, les nouveaux venus misent sur deux choses: les emplacements pensés en fonction des lignes de transport et le risque locatif presque nul. «En substance, ces deux avantages drainent toutes les catégories sociales», souligne Emile Andzé Andzé, le maire de la commune urbaine d’arrondissement de Yaoundé 1er, se gargarisant de la construction du stade. A quelques mois de la livraison de l’infrastructure sportive, Olembé est dans la spirale de la transformation progressive. A côté des logements sociaux, l’on remarque la montée des buldings qui se ressemblent tout en prônant leurs singularités architecturales.

Tout à côté, de nombreuses bicoques. Elles sont nouvelles ou anciennes. Par leurs designs, elles semblent être là pour équilibrer l’équation socioéconomique du coin, et affirmer qu’ici, il y a des riches et des pauvres. Tous les jours, souffle-t-on, au moins une famille issue de cette dernière catégorie sociale cherche un toit. «Jamais, en effet, les logements modestes n’ont été recherchés comme aujourd’hui. Le petit peuple part des autres quartiers de Yaoundé pour s’établir chez nous, chercher du travail dans les parages du stade», tranche un homme qui se fait appeler le «Baron d’Olembé», en échos à la palette de petites cités dont il est le bailleur. Et puis, flairant le filon généré par le complexe sportif, il explique que, par ses soins, d’autres petites maisons sont en ébauche, pour la location.

Une chose qui a pour effet d’exploser les ventes de terrain. Maître Jude Mbong, notaire associé à Horizon BTP, confirme d’ailleurs la tendance à la hausse des volumes des transactions. «Environ 10%, parce que les gens veulent anticiper sur les effets induits par le stade à sa finition», dévoile le juriste. Sur ce thème de l’anticipation, des quincaillers sont à la pointe. De l’avis de l’un d’eux, «c’est le moment, le bon». Dans ce propos qui a tout d’exhaustif, on devine que rien n’échappe à la sagacité des hommes d’affaires. Les aveux glanés auprès de ces derniers mettent en avant un «bilan globalement positif» jusqu’à présent. Et sur le coup, ils espèrent que le stade, dès sa finition, augure de bons horizons pour leurs business.

Hic

Seulement, la problématique qui se fige dans tous les esprits et sur toutes les lèvres reste celle de l’insécurité ambiante. Malgré les efforts des pouvoirs publics pour faire montre d’un contrôle de la sûreté publique, cette problématique revient régulièrement affleurer à l’occasion d’incidents de plus ou moins grande envergure qui émaillent l’actualité du quartier.
«La question rejaillit aujourd’hui avec une acuité accrue qui dépasse les cas isolés de violence : depuis plusieurs mois, Olembé et ses alentours sont frappés par une vague de violences sanglantes attribuables à des brigands», remarque François-Xavier Ntsama. Ce fut déjà le cas au milieu du mois dernier au lieu dit «Rail de Berlin» où, en pleine journée, une famille entière a été tenue en respect par des malfrats. «Ce fait divers est venu alourdir substantiellement les statistiques macabres dans le quartier», ajoute l’adjudant Médard Chrysostome Abena du Groupement de gendarmerie mobile de la capitale.

Pour le pandore, cela dépasse le strict cadre d’Olembé et remet quelque peu en question l’image d’un quartier réputé être sûr. «On pensait que pour avoir été choisi pour abriter le stade, le calme continuerait», regrette François-Xavier Ntsama. «Au contraire, c’est devenu la nouvelle vitrine de l’insécurité», ajoute le Yanda qui trouve le moyen de dissocier les indicateurs délictuels de la célébration sportive à venir. A l’en croire, cette dernière dépendra davantage d’une conjonction de facteurs circonstanciels, corrélés aux lignes de conduites adoptées sur le moment par les forces policières, et déterminés en définitive par la démarche régalienne des autorités.

Ainsi, au commissariat central N°2 territorialement compétent, l’on signale que tout est fait pour éviter que l’appréhension sécuritaire ne ruine le rendez-vous de la Can qui approche. Plus spécifiquement, les chiffres mis en exergue dans cette unité donnent l’impression d’un apaisement intégral des contextes délictuels. «De bonnes lignes sécuritaires ont d’ores et déjà été retenues et sont améliorées au fil des jours», indique-t-on. A cet optimisme, l’on associe la passion des Camerounais pour le football et la fierté d’accueillir la Can. «Au niveau d’Olembé, tout cela a un réel pouvoir fédérateur qui devrait jouer en la faveur du bon déroulement de la compétition», projette Emile Andzé Andzé.

Les gradins sortent de terre.

Livraison du stade au plus tard le 28 décembre 2018

Ce 25 juin 2018, Sam Thamin, le directeur général de l’entreprise Gruppo Piccini chargée de construire le stade Paul Biya, a toutes les raisons de se vanter devant les journalistes en visite dans son chantier. Sa fierté se mesure à la hauteur des formes déjà visibles des gradins. A ce jour, deux sont construits. Sam Thamin annonce d’ailleurs que leur installation en cours va s’achever le 15 juillet 2018. 

Au niveau de la tribune présidentielle, le deuxième étage attend la pose des gradins en éléments préfabriqués. Le gros du travail reste au niveau de cette tribune avec un chronogramme arrêté pour la dernière semaine du mois de juillet-première semaine d’août. Déjà terminés, le premier et le deuxième étage au niveau de la structure métallique. On a commencé à poser la dalle. Pour ce qui est des deux stades annexes, ils sortent également de terre. D’une capacité de 2000 places, ces stades seront livrés en décembre 2018 comme le grand stade.

D’après l’entrepreneur le gros œuvre va s’achever à la fin du mois de juillet prochain pour l’un et pour l’autre à la première semaine du mois d’août. Pour ce qui est de la qualité des ouvrages, le DG de Gruppo Piccini se veut rassurant. «La garantie, c’est la marque Piccini. C’est la norme, le système qu’on utilise. Nous ne sommes pas ici pour tester ce qu’on n’a jamais fait avant. Nous sommes ici pour construire le stade des Camerounais qui va être livré le 28 décembre 2018 dans des normes de qualité», déclare-t-il.

Jean René Meva’a Amougou

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