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Nouvelle politique française en Afrique : Ce «baratin» qui rend sceptique

Détachée des jeux d’influence et des informations appointées, la jeunesse du continent analyse le discours du président Macron comme une grossière tentative de maquiller publiquement en œuvre de bienfaisance les crimes de ses ancêtres.

Photo de famille à l’ouverture du One forest Summit

«L’âge de la Françafrique est révolu». Depuis Libreville, ainsi parle Emmanuel Macron ce 2 mars 2023. Pour marquer la première étape de sa tournée en Afrique centrale, le discours du chef de l’État français ne manque pas de mettre en évidence des éléments de langage prédictifs de la nouvelle orientation de la politique africaine de Paris. En mettant en avant l’engagement de son pays, le dirigeant français évoque spécifiquement «la réorganisation du dispositif militaire français sur le continent, appelant à de nouveaux partenariats, loin des liens opaques et du soutien aux dirigeants en place». Sur le coup, le dispositif de commentaires de la jeunesse africaine offre un régime d’opinion qui se déploie sur fond de scepticisme. En même temps que certains insistent sur des rappels historiques, d’autres dénoncent un révisionnisme qui s’entête à réinventer, sans pudeur, l’histoire des relations Afrique-France. Pour l’essentiel, les idées sous-tendues par les avis majoritairement exprimés sont en congruence avec le passif géopolitique de Paris en Afrique. «À vrai dire, nous connaissons le slogan de la France, elle n’a pas d’amis, elle n’a que ses intérêts», dégaine Levis Ravel Matondo. Dans le choix des mots en appui de ses propos, cet étudiant congolais résidant à Yaoundé ne fait pas faire abstraction de ses émotions. «Je ne m’attends à rien, puisque la France est loin de changer de paradigme dans sa relation qui la lie aux pays africains; lesquels sont considérés comme des comptoirs», dit-il.

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Selon Andy Obame (étudiant gabonais installé dans la capitale camerounaise), la visite d’Emmanuel Macron s’inscrit dans le but «de redorer l’image de la France en Afrique et Afrique centrale en particulier, au regard des discours anti-français qui naissent au Mali et au Burkina Faso notamment». Dans son angle d’analyse, le jeune gabonais mobilise le thème de la spoliation économique et culturelle. «La France, avec son Franc CFA et sa langue, compromet notre développement et notre identité culturelle. On est donc loin d’imaginer un changement soudain», soutient-il.

Concurrence
Dans ces conditions, rebondit Levis Ravel Matondo, Paris est à la recherche des solutions privilégiant une réponse immédiate plutôt qu’une réponse différée à la présence d’autres puissances dans ce qu’elle considère comme son pré-carré. «À travers le discours de Macron, on comprend bien que la France met en œuvre son stratagème pour ne pas lâcher l’Afrique; elle se positionne face à la concurrence de la Russie et de la Chine», fait-il valoir.

D’après Mohamed Amisi, les nouvelles prétentions géopolitiques déclinées par Emmanuel Macron au Gabon révèlent une France en quête de nouveaux modes de compréhension de sa propre histoire en Afrique et de nouveaux moyens pour faire face aux défis qui pèsent sur son paradigme traditionnel. Et de fait, pour l’étudiant originaire de la République Démocratique du Congo, Paris actualise simplement son «potentiel de domination en laissant croire qu’elle renonce à ses capacités de nuisance en terre africaine».

À tout cela, devant la communauté française au Gabon ce 2 mars 2023, Emmanuel Macron répond: «J’ai parfois le sentiment que les mentalités n’évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j’entends, je vois qu’on prête encore à la France des intentions qu’elle n’a pas, qu’elle n’a plus».

Olivier Mbessité

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