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Non-remboursement des crédits bancaires : Passes et impasses autour d’une infraction

Coups de sonde dans l’appropriation de la loi N°2019/021 du 24 décembre 2019 quatre ans après sa mise en application.

 

Ses détracteurs la considèrent comme du «sur mesure pour les banquiers». «Faux! C’est juste une épée de Damoclès vis-à-vis des emprunteurs qui, en ayant eu connaissance, devraient œuvrer pour ne point verser dans la défaillance, au risque de se voir priver de liberté», rétorquent généralement les argentiers. En cause, la loi N°2019/021 du 24 décembre 2019 fixant certaines règles relatives à l’activité de crédit dans les secteurs bancaire et de la microfinance au Cameroun qui, entre autres éléments, comporte un volet pénalisant le non-remboursement des crédits. «En effet, l’incrimination du non-remboursement a fait une entrée royale dans le droit pénal camerounais, sur la base des articles 20 et suivants de la loi.

Aux termes de l’article 20, «est punie d’un emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans et d’une amende de cent mille (1 00 000) à cent millions (1 00 000 000) de francs CFA, ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui, de mauvaise foi, n’a pas remboursé le crédit qui lui a été accordé par un établissement assujetti», explique Pr Kamwe Mouaffo-Kengne. L’enseignant du Droit des affaires poursuit: «Il s’agit d’une infraction de commission, car la mauvaise foi de l’emprunteur doit être établie. Cette condition de la mauvaise foi sera certainement appréciée par le juge, même si en matière de dette d’argent, elle est aisée à établir. Il encourra dès lors les sanctions cumulées d’une amende et d’un emprisonnement dont les somme et durée seront fonction du montant du crédit dû».

Cependant…
Loin de remplir le rôle dissuasif qu’on pourrait être tenté de lui prêter en droit, ledit texte n’est pas unanimement interprété, trois ans après sa promulgation et son entrée en vigueur au Cameroun. «Certains établissements de crédit ou de microfinance ont engagé des procédures pénales qui n’ont pas prospéré au motif pris des difficultés de compréhension dont auraient fait l’objet les agents ou officiers de police judiciaire chargés de diligenter les enquêtes préliminaires consécutives aux plaintes.

Des magistrats qui ne comprennent pas toujours les dispositifs processuels convoqués par le législateur pour régir les procédures de mise en œuvre de l’action pénale; des avocats qui bien que nantis de la volonté d’accompagner leurs clients demandeurs ou défendeurs à l’instance, souffrent d’un déficit de compréhension des notions techniques et parfois complexes, tirées de la complexité même du droit bancaire; ce qui a contribué à paralyser l’écosystème dans son ensemble», argumente Herve Wouemetah, président du Centre régional d’arbitrage et de médiation du secteur financier.

Selon ce dernier, les définitions de la mauvaise foi des clients ou du non-remboursement du crédit sont des données qui entraînent des situations conflictuelles. Des tensions apparaissent au niveau du décalage entre l’information disponible et l’interprétation que la banque et le client. «Leur définition, tout comme leur opérationnalisation, en dépendent fortement», appuie Vincent Watsock, expert financier.

Fondamentalement, assure-t-il, «certaines informations ne sont disponibles que pour les banques, ce qui constitue une asymétrie informationnelle». On en parlera lors d’un séminaire sur le sujet prévu les 1er et 2 novembre prochain à Douala.

Jean-René Meva’a Amougou

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