Mondial 2026 : la realpolitik et le foot-business contre l’Afrique

Vraisemblablement en 2018, Maroc et Coupe du monde de football ne font pas bon ménage.

Le 13 juin, le Royaume chérifien perd l’organisation du mondial 2016 au profit du trio nord-américain: Canada, Mexique et Etats-Unis. Le 20 juin, suite à une seconde défaite d’affilé, le Maroc est éliminé de la coupe du monde de football 2018. Une sacrée douche froide en l’espace de sept jours. Rabat a encore le masque. Même Hervé Renard, sélectionneur de l’équipe nationale marocaine, a des larmes aux yeux !

Le positionnement de la candidature «Maroc 2026» était-elle africaine, Arabe ou Marocaine? Sur cet échiquier censé être un réservoir de voix pour le Royaume chérifien, des défections sérieuses étiolent le poids de l’ambition marocaine. Au final, sur 203 associations réunies à Moscou au congrès de la Fifa, 65 fédérations votent en faveur de «Maroc-2026». 134 soutiennent «United 2026». Il y a trois abstentions (Cuba, Slovénie et Espagne) tandis que l’Iran rejette les deux candidatures. Ce vote est l’expression réelle des relations internationales telles qu’elles se présentent aujourd’hui.

Realpolitik

Qui ne se rappelle pas du tweet du Premier ministre libanais Saad Hariri le 9 avril dernier? En compagnie de Mohammed VI, Roi du Maroc et du Prince héritier d’Arabie Saoudite Mohammed Ben Salman, ce selfie en tenues décontractées affiche une complicité des trois hommes à Paris. On évoque la nouvelle génération des leaders dans le Moyen – Orient. En Afrique, l’offensive géo-économique marocaine se traduisant par des investissements et accords de coopération économique multiformes lui ont facilité une (ré)adhésion à l’Union africaine.

Mais face à la télécommande, le réalisme a repris le dessus. Liban, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis votent pour la candidature atlantique. En Afrique, onze défections sont enregistrées. La plus grande défection vient de la partie australe du continent sous la conduite de l’Afrique du Sud. Cette inimitié est profonde sur le politique (Sahara occidental), mais aussi le sportif (rivalités et contentieux sur l’attribution du mondial 2010). Au final, le Benin, le Cap vert, la Guinée, le Libéria, le Lesotho, le Mozambique, le Namibie, la Sierra Leone, l’Afrique du sud, le Zimbabwe et le Botswana ont rallié le trio de l’Alena.
Le tweet du 27 avril 2018 du président américain y serait pour quelque chose? Dans son canal de communication favori, Donal Trump prévient que «ce serait dommage que les pays que nous avons toujours soutenus fassent campagne contre la candidature nord-américaine.

Pourquoi soutiendrions-nous ces pays quand ils ne nous soutiennent pas ?» Le Maroc n’a-t-il pas été naïf de ne songer qu’à la programmation ? Naïf de laisser reposer son sort sur la passion du foot ? Alors que les USA ont fait campagne sur les intérêts politiques et économiques des Etats auxquels appartiennent les fédérations. Le pays de Mohammed VI aurait peut être gagné à faire campagne sur les frustrations internationales de la nouvelle présidence américaine. Qui, au sein même du trio organisateur, s’illustrent en construction de mur (frontière avec le Mexique) et dénonciation des accords préférentiels de coopération économique.

Foot-business

Regardons les choses en face! Les récentes mutations de la Fifa, marquées par l’éviction de Sepp Blatter, sont toujours attribuées aux frustrations américaines. Disposant de deux voix, le président de l’instance faitière du football mondial aurait soutenu la candidature nord-américaine. Par ailleurs, il est connu que la coupe du monde 2026 sera la première à se jouer à 48 équipes. Soit 50% de délégations en plus que les éditions actuelles. Et au niveau infrastructurel, le trio de «United 2026» est de loin le plus loti. Lorsque le Maroc fait simplement des promesses d’investissements dans les stades, les hôpitaux, hôtels et routes.

Pour l’attribution de ses compétitions, la Fifa est outre regardante sur les bénéfices (droits de retransmission, sponsors, ventes des billets…) Selon Pascal Boniface, spécialiste de la géopolitique du sport, «Infantino a milité pour la candidature des États-Unis à la coupe du Monde 2026 pour sa plus grande rentabilité. Il espère aussi que la justice américaine et le FBI seront plus cléments envers la Fifa, pardonnant l’affront de 2022. C’est quand même bizarre de voir les Etats-Unis co-organisés une Coupe du Monde avec la frontière de laquelle ils veulent construire un mur pour que les mexicains ne passent plus, et avec un autre qu’ils insultent. C’est déjà un trio un peu curieux !»

Et si cet échec était celui de la Confédération africaine de football (Caf) ? Qui n’aurait pas su fédérer ses membres ? On n’en saura jamais assez. Il faut cependant saluer le courage et l’œuvre du Maroc dont la candidature a connu des soutiens de poids. Des pointures du football ont adoubé les efforts de «Maroc 2026», c’est le cas du Brésil, de la France, de l’Italie et de la Belgique. D’autres plus symboliques pour le poids géopolitique ont été encourageantes comme la Chine et la Palestine. Le Maroc a d’ores et déjà annoncé sa candidature pour l’organisation du mondial 2032. Qu’il sache tirer les leçons de ses échecs russes.

Zacharie Roger Mbarga

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