En revalorisant les droits universitaires d’environ 1700 % en troisième année de licence et en année de master pour les étudiants non européens, le gouvernement français a porté l’estocade à la population estudiantine africaine, qui en constitue une immense majorité.
À compter de la rentrée 2019, le gouvernement français souhaite augmenter les frais de scolarité pour les étudiants étrangers inscrits à l’université publique. Un étudiant extra européen va devoir multiplier ses frais par seize. Pour son année de licence, il payera 2.770 euros au lieu de 170 euros. Pour son master et son doctorat, il devra débourser 3.770 euros à la place de 243 euros en master, et 380 euros en doctorat.
Cette nouvelle donne intègre la stratégie gouvernementale «Bienvenue en France». Dans sa globalité, elle consiste à favoriser l’attractivité des universités françaises par l’octroi des facilités à l’obtention des visas, l’offre accrue de bourses, l’ouverture des campus à l’étranger et l’augmentation des frais de scolarité. De l’avis du Premier ministre français Édouard Philippe, «l’objectif est de gagner la bataille de la concurrence internationale, en accueillant les étudiants les plus brillants et les plus méritants, qu’ils viennent de Pékin ou de Kinshasa, qu’ils étudient l’intelligence artificielle ou la linguistique médiévale». À sa décharge, le patron du gouvernement français estime qu’ils «resteront très en dessous des 8000 à 13.000 euros de nos voisins néerlandais, et des dizaines de milliers de livres en Grande-Bretagne, et de la plupart des pays européens, sans évoquer, bien sûr, la situation sur le continent nord-américain».
Grogne
La nouvelle politique universitaire française a été accueillie avec dédain par une panoplie d’acteurs se recrutant dans la classe politique ou dans l’écosystème universitaire français. C’est le cas de M’jid El Guerrab, député des Français du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest. Il dit être «en colère contre cette mesure injuste. On ne va pas laisser faire». Pour lui, «le principe d’égalité constitutionnelle est bafoué». Deux risques s’entrechoquent: «la chute des flux d’étudiants étrangers, mais aussi l’accroissement de l’exclusion des étudiants étrangers pour des raisons économiques».
Selon Lilâ Le Bas, présidente de l’UNEF, le principal syndicat des étudiants en France. «Les étudiants venant des pays d’Afrique sont particulièrement nombreux et ce sont les premiers touchés par cette annonce qui mènera les frais d’inscription à plus de 3000 euros en master… Ce sont des frais très importants et des barrières que l’on met à l’accès à l’enseignement supérieur et encore une fois pour toujours les mêmes».
Rêve brisé ?
Au contact de cette nouvelle mesure, c’est la douche froide pour beaucoup d’étudiants. Salim Zuwaina, 28 ans, Omano-Burundaise qui étudie à Rennes, en Bretagne. «J’ai organisé mes études avec un certain budget pour les finir. La nouvelle m’a choquée et surtout étonnée». Elle s’interroge sur la façon dont elle va poursuivre ses études. «Je me dis que j’avais le projet de commencer un doctorat après mon master, mais aujourd’hui je me demande si ce sera toujours possible. Devrais-je rentrer ou faire mon doctorat ici? Je ferai ma thèse peut-être dans un autre pays qui m’offrira beaucoup plus d’avantages qu’ici. Ce ne sera plus possible de pouvoir financer autant d’argent. Donc, nous sommes nombreux à songer à rentrer ou même peut-être changer carrément de pays afin de pouvoir finir les études».
Cedric Tsimi, étudiant camerounais à Paris, s’interroge, lui, en ces termes: «pourquoi les étudiants extra européens payeraient plus cher l’université publique alors que ce sont ces mêmes extra européens qui sont les plus boudés sur le marché du travail, les plus mal payés dans les usines, les plus frappés par le chômage et la précarité, les plus mal logés, les plus suspects de délinquance?».
Zacharie Roger Mbarga