Depuis le 9 mars 2020, entre Paul Atanga Nji et quelques médias locaux (Le Jour, STV, Équinoxe télévision et Radio Balafon notamment), c’est une histoire de désamour. On peut l’entendre comme ça, après la phrase du ministre de l’Administration territoriale (Minat) comparant ces organes de presse à la très tristement célèbre «Radio mille collines» du Rwanda.
C’était on ne peut plus clair. Le pic de cette ère glaciaire, c’est que Paul Atanga Nji est désormais convaincu que ces médias sont contre la paix au Cameroun. Aux yeux du Minat, l’ultime preuve de la mauvaise foi de ces supports se lit dans la façon dont ils ont traité certaines actualités relatives à la crise anglophone. Quant à l’avenir de ces quatre entreprises médiatiques «désobéissantes», Paul Atanga Nji l’imagine sombre.
En tout état de cause, le Minat aime la presse. Il la lit, la décortique. Il a dit aussi que c’est un signe de vitalité démocratique que la presse critique le pouvoir.
Souvent, il se montre satisfait du niveau des journalistes qui n’entourent pas leurs questions de guet-apens. Souvent aussi, lors des conférences de presse, quelques privilégiés ont droit à des bribes de «off», car aux yeux du ministre, les journalistes ne sont jamais meilleurs que quand on leur dicte leurs articles. Souvent aussi, le ministre, droit comme un «i» devant son pupitre, tient ses «troupes médiatiques».
Et celles-ci le lui rendent bien. Par l’activisme du ministre, sa capacité à surprendre, son tempérament, son impudeur, ces troupes-là se glorifient de disposer d’un bon client. Elles se glorifient surtout d’avoir un ministre qui, de temps en temps, vole à leur secours tout en se félicitant de l’indépendance de la presse. Jalouses de tout cela, certaines mauvaises langues disent qu’au Minat, il y a un entre-soi des chroniqueurs de cour et des directeurs de publication qui ne sauraient être dérangés par un journalisme d’information et d’enquête.
Selon les mêmes mauvaises langues, il s’agit d’une horde de petits fous du roi. Ceux-là, dit-on, détestent l’enquête journalistique et ont fait de l’impertinence de salon leur fonds de commerce. En tout cas, assument encore d’autres mauvaises langues, les relations entre Paul Atanga Nji et quelques patrons d’entreprises de presse sont plus passionnelles qu’elles ne l’ont jamais été avec ses prédécesseurs. Ces derniers, regrette-t-on, s’échinaient à distinguer ceux qui sont journalistes de ceux qui ne le sont pas. Passons!
Le Minat aime la presse. Sauf qu’il n’aime pas trop quand l’hostilité d’une certaine presse envers Yaoundé atteint des niveaux quasi pathologiques.
Comme un amoureux déçu, il est dépité lorsque la presse se montre dure avec le prince. Alors, il enrage. Il disserte des lignes éditoriales contre lesquelles il délivre quelques haïkus incandescents. Et là, des voix s’élèvent pour dire non à celui qui tape sur les doigts comme un maître d’école. Tchounkeu, Bojiko et Mana qualifient la démarche du Minat d’attentatoire à la liberté d’informer.
Véhéments, ils disent que Paul Atanga Nji signifie à lui tout seul l’ordre juste du monde. Véhéments aussi, Tchounkeu, Bojiko et Mana accusent le ministre de vouloir être tout à la fois: la clef de voûte du régime Biya, et l’architecte performatif d’un monde meilleur qui est aussi à ses yeux «le meilleur des mondes».
Jean-René Meva’a Amougou