Mgr Kleda-Minsanté : Mal au centre

Contrairement aux structures sanitaires relevant de l’Église catholique, les hôpitaux publics peinent à s’intéresser et à appliquer le protocole de traitement proposé par l’archevêque métropolitain de Douala.

         Dr Manaouda Malachie                                              &                                                                           Mgr Samuel Kleda

Selon une indiscrétion révélée au cours de sa conférence de presse le 5 juin dernier à Douala, Mgr Samuel Kleda est particulièrement agacé par le «mépris» subi par ses deux produits (Elixir-Covid et l’Adsad Covid) mis au point pour traiter les patients atteints de coronavirus au Cameroun. Bénéficiaire, il y a quelque temps des louanges entonnées par la communauté nationale, le prélat attend que les pouvoirs publics fournissent les clés d’accès dans les hôpitaux publics à son protocole de traitement.

Au moins, il vide son sac devant les journalistes: «Je regrette une chose, parce que certains médecins, surtout dans les hôpitaux publics, refusent que le traitement soit appliqué à leurs patients. Ils en ont pleinement le droit, mais c’est pourquoi je me tourne vers le gouvernement, vers nos autorités pour que ce problème soit résolu. Pour les hôpitaux publics, il faut être clair, les produits ne sont pas déposés là-bas. En y réfléchissant, je me dis qu’ils n’ont pas reçu l’autorisation de leur hiérarchie d’appliquer ces produits».

Prêche au désert
Sur le terrain, rien n’a changé. À l’hôpital Jamot de Yaoundé ce 16 juin 2020, trois médecins commis à la prise en charge du Covid-19 scrutent encore l’horizon des prochaines semaines «pour valider ça ici», selon la formule de l’un d’eux. En attendant, tous disent être informés du rapport de force existant entre Mgr Samuel Kléda et quelques fonctionnaires du ministère de la Santé publique (Minsanté).

Dans les parafeurs de ces derniers, apprend-on, l’équation de «l’introduction de ce protocole dont la formule est encore en étude». Pour Dr Gervais Atedjoe, secrétaire général de l’Ordre national des médecins du Cameroun, «en médecine dite moderne, pour qu’un produit soit utilisé et recommandé, il faut que le médicament ait été homologué. Je ne dis pas que ce médicament marche et je ne dis pas non plus qu’il ne marche pas, pour la simple raison que je n’ai aucun élément pour ce faire».

C’est probablement sur cette ligne que l’on évolue à l’Hôpital central de Yaoundé. Ce 17 juin 2020, une thèse informée avance que les praticiens attendent une certaine expertise. Laquelle? Sous leurs blouses, ils parlent de celle du Conseil scientifique. «En tout cas, cette histoire de remède contre remède est à priori sans objet ici. Nous avons nos protocoles, ils ont les leurs», tranche bruyamment un médecin.

Au ministère de la Santé publique, la cellule de communication laisse entendre qu’elle ne maîtrise pas ce dossier, et notamment celui de l’«acceptation» de Elixir-Covid et l’Adsad Covid dans les formations hospitalières publiques du pays.

L’archevêque métropolitain de Douala a beau s’inscrire dans le fichier des «guérisseurs du Covid-19» (3 000 guérisons d’après lui-même), après avoir été reçu («sur instructions du président de la République») par le Premier ministre à Yaoundé le 26 mai 2020, un air de fausse patience flotte sur sa potion.

À cette aune, initiatives parallèles se multiplient. Pour leurs proches malades, certaines familles délèguent un membre dans un centre de santé catholique. «Comme ils savent que nous avons les produits de Mgr ici, des gens se passent pour des malades. Si la présentation du dossier médical est la seule exigence, on ne peut pas réellement savoir qui sera le vrai consommateur du remède», explique sœur Jackie Ngono de l’hôpital de Tom, près de Mfou.

Jean-René Meva’a Amougou

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