Maurice Kamto : Ce « héros » que Paul Biya a fabriqué

D’après une certaine opinion, le président du MRC ne se contente plus d’assurer la publicité de ses actions politiques. Il exploite juste la façon dont celles-ci sont relayées ou réprimées.

Maurice Kamto était à Bafoussam le 7 novembre dernier. Officiellement, le leader du MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun y était pour rendre hommage aux victimes du glissement de terrain survenu à Gouache le 28 octobre 2019. Par la mise en récit de cette actualité, la sortie de l’homme politique est vite apparue comme l’un des éléments structurants de l’agenda médiatique en fin de semaine dernière au Cameroun. Sur la foi des images tournées par la chaîne de télévision privée Canal 2 international, la présence de Maurice Kamto dans le chef-lieu de la région de l’Ouest a réussi à « réincarner ce qui s’est passé », selon la formule de Louis Edgard Ntep. Lequel observe qu’un corpus d’autres articles de presse en ligne, de reportages radio sont venus le faire autrement plus.

Mise à profit

Du point de vue du psychosociologue, « la foule nombreuse venue à la rencontre du tireur de pénalty est surtout applaudir l’endurance de ce dernier face à ce qu’on a, à tort ou à raison, qualifié de persécutions de la part du régime en place ». Depuis sa sortie de prison le 5 octobre dernier, l’intéressé semble exploiter cet ingrédient dans un format interactionnel avec son public. « Parce qu’il sait que son séjour derrière les barreaux est murmuré parmi ses militants comme un joli conte de Noël, son discours laisse peu de doutes sur l’identité de celui qui l’a fabriqué comme héros », commente Denis Yonda.

Au sémiologue de tenir un exemple repéré dans un entretien que le président du MRC accorde à Radio France internationale (RFI) le 15 octobre 2019. Répondant à la question de Carine Frenk, (« Saluez-vous le geste du président Biya ?), Maurice Kamto rétorque « Que faut-il saluer là-dedans ? Saluer que l’on vous restitue votre liberté, après neuf mois de détention injustifiée, illégale, à la suite d’une arrestation arbitraire ? Je ne vois pas un geste ou un acte de magnanimité quelconque ». En soulignant les non-dits sous l’angle d’une métaphore héroïque, Denis Yonda fait constater que « l’auteur de ces  propos abuse sans retenue du vocabulaire du résistant, de capitaine qu’aucune tempête ne fera plier en se barricadant derrière le statut d’ancien prisonnier politique ; Et du coup, il ne se contente plus d’assurer la publicité de ses actions politiques, il exploite juste la façon dont celles-ci sont relayées».  Et de conclure : « le pouvoir a fabriqué un demi-dieu sans le savoir ».

Contre-effet

Dans le même registre, Sylvain Mpai pense que la mise aux arrêts du N°1 du MRC sert à ce dernier d’ «ingrédient communicationnel indéniable ». Pour le spécialiste camerounais de la communication politique, même si la logique du « coup par coup » entretenue par quelques gros bonnets du parti au pouvoir s’attache à des objectifs de communication, « elle a construit progressivement un référent politique à la Mandela ». Car, explique l’universitaire, la prégnance des interdictions de manifestations amplifiée par les réseaux sociaux a inscrit durablement une image héroïque dans le paysage politique. A l’arrivée, un contre-effet pour Etoudi. « Le héros que le public contemple ne s’est pas le produit d’un travail politique (au sens propre) abattu par l’intéressé. Inconsciemment, ses adversaires l’ont promu à ce niveau depuis  la dernière présidentielle », théorise  Sylvain Mpai.

Ongoung Zong Bella

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