Suite aux différentes revendications sociales qui ont marqué le Cameroun en 2017 notamment la crise dite « anglophone », le gouvernement camerounais veut « accélérer le processus de la décentralisation », a annoncé le Président de la République, son Excellence Paul Biya, lors de son traditionnel message de vœux à la Nation le 31 décembre 2017. Nous allons donc, si l’on s’en tient à ce vœu du Président, inexorablement vers la mise en œuvre effective du processus de décentralisation et donc de l’autonomisation des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Comment aider les CTD à se faire vendre, valoriser leur potentialité pour un développement local durable, participatif et citoyen ?
Etat des lieux…
Au de-là des discours, afin de rendre effective le processus de la décentralisation, l’Etat du Cameroun transfère progressivement les ressources aux Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). D’après les derniers travaux de la première session ordinaire du Conseil National de la Décentralisation, tenu le 21 Novembre dernier, au titre des exercices 2016 et 2017, « près de deux milliard trois cent millions (2.300.000.000) de francs CFA ont été répartis aux Communes à faibles revenus ou exposées à des contraintes particulières, dans le cadre de la Dotation Générale de Fonctionnement », annonce le communiqué qui a sanctionné les travaux. En revanche, les recettes fiscales locales mobilisées au titre des trois premiers trimestres de l’année 2017 s’élèvent à cent cinquante-trois milliards deux cent quarante-cinq millions (153.245.000.000) de FCFA, pour un paiement effectif de quatre-vingt-quinze milliards trois cent soixante-cinq millions (95.365.000.000) de FCFA. Performance relativement faible au regard des besoins exprimés et des potentialités que regorgent les CTD…
Pour poursuivre dans la même dynamique, le Fonds Spécial d’Equipement et d’Intervention Intercommunale (FEICOM) compte investir 34,810 milliards de FCFA pour le développement des communes en 2018. Cette enveloppe, d’après La Nouvelle Expression (LNE), parue le 26 décembre 2017, était de 34,529 milliards de FCFA en 2017. Soit une augmentation en valeur absolue de 281 millions de FCFA.
Malgré toutes ces bonnes initiatives, la décentralisation effective devant permettre aux CTD de planifier et de mettre en œuvre en toute autonomie leur modèle de développement reste une équation difficile à résoudre pour les pouvoirs publics.
Sur le plan juridique et législatif, les lois d’orientation du 22 juillet 2004 relatives à la décentralisation, conformément aux dispositions de la constitution du 18 janvier 1996, en font ressortir les deux objectifs majeurs. Selon ces textes, « la décentralisation au Cameroun vise, en premier lieu, l’approfondissement du processus démocratique par une adaptation de l’administration aux objectifs et aux exigences du pluralisme en vue de permettre la promotion d’une démocratie locale ». En second lieu, au plan économique, elle a pour but « la promotion du développement local et régional à travers l’émergence d’initiatives par les différents acteurs ainsi que la mise en place d’un cadre de développement défini à partir des préoccupations, des ressources, des innovations et du savoir-faire des populations locales ». Les enjeux pour la démocratie et le développement socio-économique au plan local sont donc importants. Cependant, au regard de leurs configurations actuelles, l’on peut difficilement compter une municipalité qui peut quel que soit sa volonté et ses moyens, prendre entièrement en charge les compétences qui lui sont transférées par l’Etat et bien plus la charge du développement local.
Fort de ce constat, les CTD sont soutenues au quotidien par des institutions d’appuis à la décentralisation et autres catégories d’acteurs sociaux. C’est dans la perspective de cette appropriation pour tendre vers les objectifs visés avec le maximum d’efficience et d’efficacité que les pouvoirs publics organisent des séminaires, ateliers d’information et de formation, forum etc. à l’attention de tous les acteurs concernés : autorités administratives, élus locaux, journalistes, personnels des collectivités territoriales décentralisées.
Malgré toutes ces bonnes initiatives, la décentralisation effective devant permettre aux CTD de planifier et de mettre en œuvre en toute autonomie leur modèle de développement reste une équation difficile à résoudre pour les pouvoirs publics.
Dans un environnement où les territoires sont désormais en concurrence, le marketing territorial est l’outil des communicants pour asseoir une stratégie de différenciation et de mise en valeur des CTD.
Il se pose donc légitimement les questions suivantes : Les CTD peuvent-elles se développer sans compter exclusivement sur les ressources de la décentralisation ? La planification stratégique peut-elle être un levier pour le développement des CTD ? Quelles politiques ou stratégies mettre sur pied pour vulgariser les investissements réalisés auprès des CTD ? Comment faire-valoir les richesses inexploitées, sous exploitées de nos territoires ? Comment impliquer les populations locales à la conception, mise en œuvre et suivi des politiques de développement durable des localités ?
L’implémentation des agences de Développement Territorial (ADT) capable de faire vendre, faire-valoir, faire connaître les CTD s’appuyant sur les techniques et stratégies du marketing territorial apparaît comme une solution efficace pour renforcer les compétences et la compétitivité des CTD. Objectif : attirer les investissements locaux et les IDE, lutter contre l’exode rural, promouvoir les emplois locaux…
Dans un environnement où les territoires sont désormais en concurrence, le marketing territorial est l’outil des communicants pour asseoir une stratégie de différenciation et de mise en valeur des CTD. La « city branding », s’impose. Avec l’objectif de vendre l’identité et les spécificités d’un territoire aux citoyens et aux acteurs économiques, le marketing territorial doit être global, décloisonné, cohérent et servir une réalité. S’il est important de promouvoir son territoire pour attirer notamment des entreprises, des médecins, des professionnels ciblés ou tout simplement de la population, le marketing territorial doit être compris comme l’accomplissement du Service public et la mobilisation des forces vives du territoire sur un projet de vie.
Historique (Modèle français)
Née dans les années 1970 en France, la communication territoriale a connu cinq grandes périodes, passant de la propagande au marketing territorial. Une première phase (années 70) : la phase journalistique où l’émetteur, la ville ne se préoccupe pas vraiment de savoir si son message est reçu et encore moins compris. Une deuxième phase (années 80) : la communication publicitaire durant laquelle les villes rivalisent à coup de slogans, pas toujours représentatifs d’une réalité terrain. Troisième phase (années 90) : la phase « high-tech » avec le minitel, les bornes interactives et les prémices d’internet. Quatrième phase (années 2000) : la phase relationnelle durant laquelle les villes se rendent compte que le citoyen joue un rôle essentiel en matière d’image. On retourne aux fondamentaux : mettre en relations les élus et les habitants, créer du lien et favoriser les échanges. Et puis, cinquième et dernière phase (depuis 2010) avec le marketing territorial. Les territoires vont choisir de se positionner, en dégageant une identité et une image qui leur soient propres. La communication n’est plus centrée sur l’institution mais sur le partage d’un territoire autour de projets portés par tous.
Agenda 21 local
Le développement des CTD a longtemps été pensé par des acteurs étatiques, non-étatiques et des partenaires au développement loin des véritables aspirations des populations locales. Une situation qui, jusque-là, n’a pas fait décoller le développement économique et social de nos localités. Pour cause : la non prise en compte des réalités endogènes (culturelle et interculturelle). Pour pallier à ce problème, lors du sommet de Rio de 1992, les Nations-Unis ont lancé le programme agenda 21 local.
La montée en puissance des réseaux sociaux (Facebook et Twitter), des blogs et des sites internet jouent un rôle dans la construction d’une identité numérique territoriale, mais pour réussir la composante digitale de son marketing territorial trois grands principes doivent être respectés.
Il s’agit d’un plan d’action pour le 21e siècle. Les agendas 21 locaux sont nés d’une recommandation de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement qui s’est tenue en 1992 à Rio. Un agenda 21 local est un projet territorial de développement durable, porté par une collectivité locale, et qui prend la forme d’un programme d’actions (programme d’actions pour le 21ème siècle). A cet effet, il peut être adopté par toute collectivité, quelle que soit son échelle territoriale (commune, communauté de communes, agglomération, pays, Parc naturel régional, département, région). Son objectif est de mobiliser, sensibiliser et associer l’ensemble des acteurs à la construction d’un développement durable du territoire, c’est à dire un développement qui cherche à concilier la protection de l’environnement, le développement économique et le progrès social. Il donne à la collectivité un cadre pour agir sur le court, moyen et long terme. Coordonner l’ensemble des actions de la collectivité dans une approche globale (et non pas sectorielle), qui permet notamment de mutualiser des moyens et de faciliter la maîtrise des dépenses publiques.
Pour faciliter la mise en place des Agendas 21 locaux, il est organisé au sein des CTD des Forum agenda 21 local. Son principe est axé sur le triangle de communication publique territoriale : élus/ agents/ citoyens. Cette relation triangulaire doit s’effectuer en simultané pour vérifier la cohérence de la communication et ainsi éviter les dysfonctionnements et les couacs. Le but de cette méthode est l’implication des populations dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des projets qui leurs sont destinés pour une gouvernance participative et intégrée. Ainsi, le Marketing Territorial englobe l’ensemble des actes de communication qui se produisent à l’intérieur d’une organisation. On peut déterminer quatre enjeux : L’enjeu stratégique, L’enjeu structurel, L’enjeu social, L’enjeu technologique…
Les médias sociaux au service de la « city branding »
La montée en puissance des réseaux sociaux (Facebook et Twitter), des blogs et des sites internet jouent un rôle dans la construction d’une identité numérique territoriale, mais pour réussir la composante digitale de son marketing territorial trois grands principes doivent être respectés.
- Maîtriser les réseaux sociaux
Ils doivent être utilisés comme des outils au service de la stratégie globale et en fonction des secteurs et domaines concernés.
- Travailler et penser « collaboratif »
Le marketing territorial repose en partie sur le concept du collaboratif : impliquer le citoyen dans les stratégies de marketing territorial est la condition de la réussite, tout comme relayer les actions d’associations ou d’entreprises, à partir du moment où elles créent du dynamisme et relaient les valeurs portées par le territoire.
- Travailler avec des spécialistes
Il est essentiel de préserver l’instantanéité qui fait le fondement, la règle du « jeu » du web social. Il faut donc en donner la responsabilité aux Community managers. La surveillance régulière est aussi incontournable et donc la modération.
Actuellement, au Cameroun, des cabinets à l’instar de Knowledge Consulting possèdent une expertise locale et internationale dans l’accompagnement des CTD : renforcement de leurs capacités mise sur pied des Agences de Développement Territorial (ADT). Le développement local tant espéré passe par de tel accompagnement.
Benjamin OMBE-Journaliste (Social Media Manager)
Chief Executif Officer, Knowledge Consulting