Constitués en collectif, les commerçants victimes de l’explosion survenue le 22 juillet 2015 hurlent pour la concrétisation des mesures d’accompagnement annoncées par l’État.
«On est fatigué d’attendre!» C’est ainsi que Lawan Madi, résume, auprès d’Intégration, l’ambiance au sein de ce qui est désormais connu comme le «Collectif des victimes des attentats du marché de Maroua». L’objet de la colère de ce groupe de commerçants: le manque général de vigueur et d’élan dans l’application des mesures d’accompagnement annoncées par les pouvoirs publics au lendemain de l’attentat survenu le 22 juillet 2015. «Ce jour-là, en plus des collaborateurs décédés ou gravement blessés, nous avions perdu toutes nos boutiques dans l’explosion», raconte Oumarou Adamou. Joint au téléphone par nos soins ce 1er février 2020, le porte-parole du Collectif explique aussi que «par la suite, le gouvernement avait promis de venir à notre secours dans la reconstitution de notre patrimoine». Toujours en puisant dans ses souvenirs, il évoque un groupe de travail mis en place et chargé de plancher sur l’application, le calendrier et certains détails techniques (recensement des commerçants et leurs rapports avec l’administration fiscale, nature des biens perdus notamment). «Tout ça semble s’embourber depuis 5 ans!» fulmine Oumarou Adamou.
Visions croisées
Las du silence des autorités régionales en charge du dossier, le Collectif a décidé de changer de méthode, d’accélérer et, surtout, de monter au front pour se faire entendre. Dans un mémorandum dont nous avons reçu copie, les commerçants s’adressent au ministre de l’Administration territoriale (Minat). Aux oreilles et aux yeux de Paul Atanga Nji, les «plaignants» expriment leur principal vœu: «des réponses et des actes concrets en faveur des 15 boutiques impactés par l’explosion de la bombe».
«C’est justement ce à quoi l’on s’active!», rétorque-t-on à la direction de la protection civile du Minat à Yaoundé, où l’on affirme avoir reçu le mémorandum daté du 14 novembre 2019. Dans la même institution, un agent fait observer le «caractère fourre-tout» du document tiré sur 4 pages. «À la fois, on a des noms des personnes décédées ou blessées à côté des noms des commerçants qui réclament de l’aide», argue-t-il, n’excluant pas un toilettage de la liste dans un délai que notre interlocuteur peine à préciser. Sur la foi des remontées d’informations, il indique cependant qu’à Maroua, sur la place du marché central, «tout travail avec les propriétaires des boutiques sinistrées et reconnues comme tels, c’est toujours un flot presque ininterrompu et par moment incohérent».
Au moins, les activités ont repris dans cet espace commercial classé parmi les plus fréquentés de l’Afrique sahélienne. Mais ce qui reste ancré dans les esprits des uns et des autres, c’est la date du 22 juillet 2015. En début d’après-midi, deux femmes kamikazes avaient tué 13 personnes en se faisant exploser au marché central de Maroua et dans un quartier voisin. Les autorités avaient attribué l’attentat aux adeptes du groupe terroriste nigérian Boko Haram. «Le 22 juillet, j’ai entendu une explosion alors que je me trouvais au restaurant. Mon petit-frère m’a appelé quelques minutes plus tard: c’est lui qui m’a dit qu’elle avait été causée par un attentat. Il travaillait au Marché central, et l’explosion s’était produite à une vingtaine de mètres de sa boutique, dont le toit a été soufflé. Par chance, il n’a pas été blessé. Il a rouvert sa boutique, comme la plupart des autres commerçants du Marché central», relate Lawan Madi cinq ans après.
Jean-René Meva’a Amougou