Maintien du Franc CFA : Cap sur Washington… juste pour des formalités

Franc… sans fard 

Le 11 octobre 2019 à Paris, le rideau est tombé sur la réunion d’automne des ministres des Finances de la zone Franc. Rendez-vous dans 6 mois à Libreville. De ces assises, on retient surtout la moue de Bruno Le Maire: «La zone Franc est un espace de stabilité et de prospérité. Elle permet à tous les États membres de travailler ensemble, d’être solidaires, de faire converger davantage les économies. Être ensemble, ça protège! C’est vrai pour les États de la zone Franc et c’est vrai pour les États de la zone euro». Sans parler cash, à lui seul, le propos du ministre français des Finances a suffi à tuer toute discussion franche. «Sur la ligne tout comme sur la stratégie, on a tous compris que la France n’entend pas laisser filer un bifteck qu’elle dévore depuis des années», constate Belinga Zambo. Du point de vue du politologue camerounais, ces mots, infestés d’une ambiguïté délibérée, cognent à la vitre des consciences africaines sur lesquelles, une fois encore, l’Hexagone a semé des petits cailloux sémantiques pour éviter qu’enfin les choses soient dites clairement.

À tous égards, ce qu’il s’est passé à Paris est signifiant. Que les mots aient ou non évité ce qu’on avait prévu d’entendre, la France a montré qu’elle n’envisage pas de courber l’échine. En feignant d’ouvrir une nouvelle page avec les pays africains, en même temps, la France veut les amener là où elle veut. Cela est très visible dans le discours de Bruno Le Maire: «Nous sommes ouverts, avec le président de la République, à une réforme ambitieuse de la zone Franc. Nous sommes disponibles et nous sommes prêts; c’est aux États membres de décider de ce qu’ils souhaitent. C’est à eux et à eux seuls». Traduction: la France veut accompagner ses «auditeurs», mais leur explique qu’il faudra quand même le suivre sur la voie qu’elle trace pour eux.

 

 

Dans la capitale américaine, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) tiennent leurs assemblées annuelles, du 14 au 20 octobre 2019. Les analystes parlent d’une occasion pour mieux légitimer la position française sur ladite monnaie.

Bruno Le Maire: langage ambigu sur le Franc CFA

Officiellement terminé à Paris, le grand débat autour du F Cfa devra passer cette fois sur la table du FMI et de la Bm. Au cours de leurs assemblées annuelles annoncées du 17 au 19 octobre courant, les deux institutions financières internationales vont prendre le temps de traiter la masse d’informations avant d’annoncer leurs propositions sur l’avenir de la monnaie commune à 14 pays africains. On attend donc que les conseils des gouverneurs donnent les grands axes de réponse à ce qu’il s’est dit à Paris, et le sens de la direction à suivre.

Quelles sont les propositions qui pourraient en ressortir? «Il ne faut pas imaginer qu’un beau soir, au journal de 20 heures, il y aurait une grande déclaration autre que celle de la France», prévient Isabelle Mbita. «Une synthèse des travaux pourrait être rendue publique. Mais, il est évident qu’elle évitera des propositions de remise à niveau des arguments français», ajoute l’experte camerounaise en finance internationale.

En clair, la tonalité des conférences annuelles du FMI sera ajustée au millimètre à celle que Paris a donnée à la réunion des ministres des Finances. Cela est d’autant plus évident que le représentant de la France auprès du Conseil des gouverneurs du FMI est habituellement le ministre des Finances ou le gouverneur de la Banque de France.Et depuis le 28 mars 2019 à Niamey, on connait le phrasé de Bruno Le Maire: «Je voudrais insister sur la nécessité d’avoir une discussion très libre sur la zone Franc, sur la situation économique et sur ce qui mérite d’être amélioré». Or, alors qu’il était encore en poste comme ambassadeur de France au Sénégal, Christophe Bigot avait déclaré que son pays ne va jamais se désengager du F CFA.

«Bêtisier»
Dans le fond, la perspective d’un possible rétropédalage est davantage habitée par le doute que par la certitude. «On va devoir assister à un grand bêtisier où les institutions de Bretton Woods feront mine de découvrir de manière éberluée tout ce à quoi aspirent certains pays de la zone Franc», projette Isabelle Mbita. Elle pense d’ailleurs que, une fois de plus, le discours français va régenter les assises de Washington. «Dans sa version la plus pure, ce discours se fait un devoir de mettre en avant la spécificité de l’approche de Paris par rapport au débat sur le CFA: maintien de la zone Franc; croyance et affirmation d’une supériorité dans la connaissance et dans la compréhension des spécificités africaines; nécessité de son rôle de médiateur pour assouplir les positions jugées trop dogmatiques des institutions de Bretton Woods.

Pour défendre ses intérêts vitaux et pécuniaires intimement liés au CFA, la France n’a jamais lésiné sur les moyens ni reculé à faire régner la peur, voire le chaos», décrypte le politologue Belinga Zambo. Comme socle de son raisonnement, l’on retrouve l’attitude des autorités françaises. «Elles n’ont jamais réussi à développer une politique propre face aux propositions des institutions de Bretton Woods. Les alternatives qu’elles ont proposées n’ont jamais été rigoureusement développées, rendues cohérentes avec les contraintes des choix nationaux ou internationaux et traduites en termes opérationnels», déplore le Camerounais.

Jean-René Meva’a Amougou

La zone Franc éparpillée

Seule une minorité de pays africains prétend en sortir. États des lieux.

Kako Nubukpo: l’un des chefs de file anti-FCFA

Dans les cercles d’analyse économique du continent ou d’ailleurs, on ne compte plus les articles critiques, les manifestations, les coups de gueule médiatiques contre le franc CFA. À côté, il y a un autre beau monde. Pour celui-ci, cette monnaie n’a aucun problème et ne représente pas la cause de l’appauvrissement de l’Afrique.

Pour certains comme le banquier d’affaires Lionel Zinsou, «il est faux de dire que les populations africaines veulent l’abandon du franc CFA. Il n’y a pas de marché noir des devises ni de fuite devant la monnaie qui, seule, pourrait incarner une véritable défiance». De l’avis du Franco-Béninois, «c’est l’une des meilleures monnaies africaines en dehors de la monnaie marocaine (Dirham)». À tous égards, explique-t-il, «le CFA a une réserve de valeur qui nous permet de garder la même valeur monétaire d’une année à une autre contrairement à plusieurs pays où dans la journée les valeurs monétaires peuvent changer d’une heure à l’autre».

De passage à Yaoundé en 2014, Mamadou Coulibaly, ancien ministre ivoirien de l’Économie et des Finances, avait aussi affiché son dédain pour l’usage du CFA. «Cette monnaie a présidé au pillage en règle de l’Afrique: de fait, sous une apparence légale, la France a freiné le développement de quasiment tout un continent – évidemment à son plus grand avantage», avait-il déclaré au cours d’une conférence de presse à la Fondation Paul Ango Ela. À travers un exposé particulièrement acide, Mamadou Coulibaly avait dénoncé l’obligation imposée aux pays de la zone Franc de reverser 50 % de leurs réserves de change sur un compte à la Banque de France pour assurer la liquidité du franc CFA. «Ce compte d’opérations créé par la France n’existe nulle part ailleurs. Il oblige à passer systématiquement par l’euro et par le Trésor français. On imagine bien que cela donne un pouvoir important au gouvernement français. Quand il a besoin de faire pression sur un État, il peut passer par ce compte d’opérations pour bloquer les opérations financières de ce paysavec l’extérieur», fulminait l’Ivoirien.

À côté, l’économiste et ancien ministre du Plan togolais, Kako Nubukpo, aborde le même problème sous un angle différent sur la chaîne France Info: «Le franc CFA, accroché à l’Euro par une parité fixe, est une monnaie qui donne l’impression d’être riche. Cela fait baisser le coût des importations, mais plutôt que de produire par vous-même, vous avez alors tendance à importer ce que les autres produisent».Fort de cette analyse, Kako Nubukpo souhaite une modification du «régime de change pour passer à une monnaie héritière du CFA, plutôt rattachée à un panier de devises et pas au seul euro».

 

Nette amélioration des économies de la Cemac

Tendances et chiffres de la sous-région selon le Comité de convergence tenu au cours de la réunion des ministres des Finances de la zone Franc à Lyon de 11 octobre 2019.

 

La croissance de la Cemac s’est redressée en 2018 à 1,7%, en liaison essentiellement avec une nette amélioration de la production pétrolière, et la bonne tenue de l’activité dans les branches industries manufacturières et services marchands. En revanche, le PIB réel par habitant s’est replié de 1,2%.

Le secteur pétrolier a connu un regain d’activité en 2018 après une série de difficultés enregistrées dans ce secteur depuis 2016. Ce dynamisme a été favorisé par l’entrée en production à plein régime du champ pétrolier de Moho Nord, au large de Pointe-Noire au Congo.Les investissements massifs effectués par le Consortium CNPCIC au Tchad ont entraîné un accroissement de la production pétrolière respectivement de 26,2% et 12,9% dans ces pays. La production pétrolière s’est inscrite à la baisse dans d’autres pays producteurs, du fait du vieillissement de bon nombre de champs pétroliers et du faible niveau d’investissements dans ce secteur, en liaison avec les cours moins attrayants.

Pour ce qu’il est du secteur non pétrolier, il a enregistré un nouveau ralentissement de sa croissance en 2018.Il est revenu à 1,7%, après 2,3% en 2017.Cette situation est principalement liée à la faiblesse des services non marchands suite à des mesures de consolidation budgétaire.

Par pays, la croissance est repartie à la hausse en 2018 au Cameroun (4,1 % contre 3,5 % en 2017), au Congo (1,2 % contre – 0,2 % en 2017) et au Tchad (1,5 % contre – 4,7 % en 2017). Elle a baissé en Centrafrique (3,8 % après 4,5 % en 2017) et au Gabon (0,4 % 1 après 0,5 % en 2017). La Guinée Équatoriale est restée dans la récession (- 3,1 % après – 2,1 % en 2017), toujours affectée par le déclin de la production pétrolière.

Du côté de l’offre, portée par une augmentation substantielle de la production pétrolière, le secteur primaire est redevenu en 2018, comme en 2015, le premier contributeur à la croissance, avec un apport de 0,9 point. Il a été suivi par le secteur tertiaire (0,6 point) et le secteur secondaire (0,1 point), les taxes nettes sur les produits ayant contribué à la croissance de 0,2 point.

À la faveur d’une hausse significative de la production pétrolière, de la bonne tenue des productions cacaoyère et cotonnière au Cameroun, et l’entrée en production des champs d’hévéa d’Olam au Gabon, le secteur primaire est sorti de la récession en 2018, après deux années consécutives de contribution négative à la croissance. Toutefois, le ralentissement de l’activité dans la branche agriculture industrielle et d’exportation observé au Tchad, ainsi que dans les filières banane et caoutchouc au Cameroun, souffrant de la crise des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, ont obéré la croissance dans ce secteur.

Agriculture
Globalement, l’activité dans la branche agriculture, élevage et chasse a connu une croissance positive, suite à l’intensification de nombreux projets de développement agricole dans la Communauté, à l’instar des agropoles au Cameroun, du projet Gabonaise des réalisations agricoles et des Initiatives des nationaux engagés (Graine) au Gabon et des villages agricoles au Congo.
Par ailleurs, le regain des activités dans la branche industries extractives a été consolidé par la forte hausse de la production gazière au Cameroun (397,4 %) du fait de l’entrée en production en juin 2018 du Projet d’usine flottante de production de gaz (FLNG).

Le secteur secondaire a contribué de 0,1 point à la croissance, en dépit de la contribution négative de la branche des BTP, en récession depuis l’avènement du choc pétrolier. La branche industries manufacturières a en revanche profité de l’accroissement de l’offre énergétique au Cameroun, de la montée en puissance de la production d’huile de palme au Gabon et de l’entrée en production à plein régime des nouvelles cimenteries implantées au Cameroun, au Congo et au Gabon.

Concernant le secteur tertiaire, la croissance a été soutenue par la branche services marchands, dont la contribution a été de 0,6 point à la croissance en 2018, contre 0,7 point en 2017, bénéficiant d’une part de la bonne tenue de l’activité au Cameroun du fait des effets induits de l’organisation de la Coupe africaine des nations (Can). D’autre part, elle a été portée par l’activité dans la sous-branche transport au Gabon, en liaison avec un rythme d’activité soutenu dans les industries minières et du bois, couplé à la mise en service de nouvelles infrastructures portuaires (Port général cargo et GSEZ Port minéralier). En outre, les efforts d’ajustement budgétaire, notamment des dépenses publiques de fonctionnement, ont induit un apport nul des services non marchands à la croissance en 2018. Toutefois, elle a été tempérée par la bonne tenue de ces services en Centrafrique.

Du côté de la demande, comme en 2017 la croissance a été principalement tirée par la demande intérieure. Cette dernière a enregistré un apport de 1,1 point en 2018, grâce à la consommation privée et les investissements privés du secteur non pétrolier, et malgré la contraction des dépenses publiques en capital. En outre, la demande extérieure nette, après avoir fortement grevé la croissance en 2017 (4,2 points), a eu un apport positif en 2018 (0,6 point). Elle a profité de la hausse substantielle de la production pétrolière au Congo et au Tchad ainsi que de la baisse sensible des importations au Congo, du fait de l’arrêt des importations liées au développement du champ pétrolier de Moho Nord.

Prix
S’agissant de l’évolution du niveau général des prix à la consommation, l’année 2018 a été marquée par une hausse de l’inflation, portée par l’augmentation des prix des produits alimentaires. Cette hausse des prix s’est faite à la suite de la reprise des cours du pétrole brut, de la refiscalisation des produits de grande consommation naguère exonérés au Gabon, et du relèvement du prix du mètre cube d’eau au Tchad. Elle s’est établie pour la Communauté à 2,2% après 0,9% en 2017.
Par pays, l’inflation est repartie à la hausse dans tous les États membres à l’exception de la Centrafrique. Elle s’est située au-dessus de la norme communautaire de 3,0% dans deux États membres: Gabon (4,8% contre 2,7% en 2017) et Tchad (4,0% après deux années consécutives de déflation).

Finances publiques
Concernant les finances publiques, la gestion budgétaire a été effectuée en 2018 dans un contexte de remontée significative des cours et de la production du pétrole brut, de la poursuite de la consolidation budgétaire par tous les États membres de la Cemac, sur fond de persistance des tensions sécuritaires dans les principales poches de conflit.

Dans ce contexte, les recettes budgétaires totales, hors dons, ont poursuivi en 2018 leur hausse enclenchée en 2017, après une baisse en 2015 et 2016. Elles se sont établies à 9 171,5 milliards en 2018, soit une variation relative de + 16,9 % par rapport à 2017, en lien avec l’augmentation tant des recettes pétrolières (36,5 %) que des recettes hors pétrole (6,0 %).

L’augmentation des recettes hors pétrole résulte:
Des mesures ont été prises dans bon nombre d’États membres visant plusieurs objectifs: l’élargissement de l’assiette fiscale et la modernisation des administrations fiscales et douanières; l’obtention des recettes exceptionnelles au Gabon au titre des droits d’enregistrement; le renforcement de l’apurement des restes à recouvrer (dont certaines via le mécanisme de compensations de dettes fiscales), en l’occurrence au Cameroun et au Gabon. Par contre, la mobilisation des recettes hors pétrole s’est inscrite en baisse en 2018 au Congo, en Guinée Équatoriale et au Tchad, plombée par l’atonie de l’activité hors pétrole.

Pour ce qu’il est des dépenses budgétaires, elles ont poursuivi en 2018 leur baisse enclenchée depuis la survenue du choc pétrolier. Elles ont diminué de 3,2 % en 2018, pour revenir à 9 726,9 milliards de FCFA, en liaison avec la baisse des dépenses en capital (- 8,2%) et des dépenses courantes (-1,4%). Ces dernières sont marquées par la diminution des traitements et salaires ainsi que des dépenses en biens et services. On a également la nette hausse (17,1%) des transferts et subventions, portées par l’augmentation des subventions des produits pétroliers à la pompe à la suite du redressement des cours du pétrole. Comme conséquence des évolutions susdécrites, le solde budgétaire, base engagements hors dons, s’est amélioré une fois de plus en 2018 pour s’établir à – 1,0% du PIB, contre -4,3 % du PIB en 2017.

Par pays, le solde budgétaire, base engagements hors dons, a connu une amélioration dans tous les États membres producteurs de pétrole: au Cameroun (- 2,7 % du PIB en 2018 contre – 5,2 % en 2017), au Gabon (1,4 % du PIB en 2018 après -2,7 % du PIB en 2017), au Tchad (- 3,6 % du PIB en 2017 à – 2,2 % en 2018), au Congo (+ 5,1 % du PIB contre – 6,0 % en 2017) et en Guinée Équatoriale (+ 0,1% du PIB contre – 2,3 % en 2017). En Centrafrique, ce solde s’est situé à – 7,4 % du PIB en 2018 contre – 6,1 % en 2017, mais le solde budgétaire global, dons compris, est redevenu excédentaire pour s’établir à 0,4% du PIB, contre – 1,1 % en 2017.

Balance des paiements
Du côté des échanges extérieurs, le déficit des transactions courantes, transferts publics exclus, de la Cemac a poursuivi sa résorption en 2018 pour revenir à 4,1 % du PIB après 6,8 % du PIB en 2017. Cette performance est à mettre en liaison avec la forte amélioration de l’excédent commercial de 82,0 %, en dépit d’un creusement des balances des services et des revenus.
En effet, l’évolution favorable de la balance commerciale a été soutenue par la poursuite du redressement des cours du pétrole brut combinée avec l’augmentation de la production pétrolière en 2018, ayant entraîné une augmentation de la valeur des exportations (27,9 %) plus prononcée que celle des importations (6,2%).

Par pays, le solde extérieur courant, transferts publics exclus, a été déficitaire en 2018 dans l’ensemble des États membres, sauf au Congo. En effet, suite à une augmentation significative des exportations pétrolières de 60,8 %, le solde extérieur courant du Congo s’est établi à 8,0 % du PIB, après 2,2 % en 2017 et – 44,2 % en 2016. Concernant les autres pays de la Cemac, il a connu une amélioration de son déficit au Gabon, en Guinée Équatoriale et au Tchad, à la faveur principalement du redressement du cours du pétrole brut.

Par ailleurs, en dépit d’une augmentation des investissements directs nets étrangers, les entrées nettes de capitaux se sont amenuisées en 2018. Elles sont revenues à 2 021,5 milliards de francs CFA en 2018, contre 2 924,5 milliards en 2017.
Ces entrées nettes de capitaux ayant permis de financer le déficit de la balance courante, le solde global de la balance des paiements est redevenu excédentaire, après avoir été déficitaire depuis l’avènement du choc pétrolier. Il s’est établi à 627,5 milliards de francs CFA en 2018 contre un déficit de 335,3 milliards observé en 2017. Étant donné la variation d’arriérés extérieurs, en hausse de 27 milliards en 2018, cet excédent du solde global de la BDP a essentiellement servi à renflouer les réserves officielles de 654,5 milliards.

Monnaie
La situation monétaire s’est raffermie à fin décembre 2018, après une détérioration continue depuis l’avènement du choc pétrolier. Les avoirs extérieurs nets ont crû de 8,3% en 2018, après avoir reculé depuis 2013, en lien essentiellement avec l’augmentation de la valeur des exportations pétrolières et les appuis budgétaires découlant de la mise en œuvre des programmes des États membres avec le FMI.

Les réserves en termes de couverture des importations de biens et services sont remontées à 2,6 mois à la fin décembre 2018, après 2,4 mois à la fin 2017 et au 31 décembre 2016. Le taux de couverture extérieure de la monnaie a crû pour s’établir à 61,4 % à fin décembre 2018 après 57,5 % au 31 décembre 2017.

Le crédit intérieur, pour sa part, est en progression continue depuis 2008. Il a connu une variation relative de + 8,7 % en 2018 après + 1,6 % en 2017 à la faveur d’une augmentation tant des créances nettes sur l’État (22,1 %) que des crédits à l’économie (4,0 %). Les crédits à l’économie sont repartis à la hausse en 2018, après avoir enregistré pour la première fois en une douzaine d’années une baisse en 2017. Ce regain fait suite à la bonne tenue des investissements privés au Cameroun, en prélude de l’organisation de la Can, et à la bonne tenue de l’activité économique non pétrolière au Gabon.

Quant aux créances nettes sur les États, la poursuite de leur augmentation (+ 22,1 % en 2018 contre +13,1 % en 2017) résulte essentiellement des tirages obtenus auprès du FMI, ainsi que du dynamisme du marché des titres publics au Cameroun et au Gabon.

Reflétant les évolutions de ses contreparties, la masse monétaire a crû de 8,3 %, après avoir enregistré une baisse depuis 2015, pour se hisser à 11 480,0 milliards à fin décembre 2018.

Perspectives macroéconomiques de la Communauté pour 2019 et 2020
Pour les années 2019 et 2020, elles sont globalement favorables. La croissance économique poursuivrait ainsi son redressement pour s’établir à 2,7 % en 2019 et à 2,9 % en 2020.

Du côté de l’offre, l’évolution favorable serait portée tant par les secteurs pétrolier que non pétrolier. Le secteur pétrolier bénéficierait de la hausse attendue de la production pétrolière de 6,9 % en 2019 et 0,5% en 2020, en dépit de la baisse projetée de la production gazière, notamment en Guinée Équatoriale. Il profiterait: de la reprise des investissements de développement dans le secteur, en l’occurrence au Cameroun, au Tchad et au Gabon (avec l’arrivée de certains opérateurs spécialisés dans la récupération des champs matures); de la poursuite de la hausse du rendement du champ pétrolier de Moho Nord au Congo; de l’entrée en production au Tchad en 2019 des champs pétroliers de Raphia et Daniela, ainsi qu’en 2020 du champ pétrolier de Sédigui de la SHT. L’activité du secteur hors pétrole serait portée par l’embellie attendue dans les branches agriculture, industries manufacturières et services marchands. Il apporterait ainsi 1,8 point de contribution à la croissance en 2019 et 3 points en 2020.

Dans le secteur primaire, en plus de la bonne tenue de l’activité dans le secteur pétrolier, la croissance serait également soutenue par le dynamisme notamment de la filière coton au Tchad. Cette embellie s’est fait grâce à la poursuite de la mise en place du plan de relance d’OLAM International, ainsi que de la filière huile de palme brute, du fait de l’entrée en production à plein régime des palmeraies mises en place au Gabon par OLAM International.

Pour ce qu’il est du secteur secondaire, l’activité y serait portée par les performances enregistrées dans la branche Industries manufacturières.Ces performances ont été rendues possible grâce d’une part, à l’installation de capacités de transformation additionnelles dans l’agro-industrie et la cimenterie, et d’autre part, à la poursuite de l’accroissement de l’offre énergétique, avec en perspective la mise en service de certains barrages hydroélectriques, notamment celui de Menve’ele au Cameroun.
Concernant le secteur tertiaire, le dynamisme de la branche des services marchands porterait la croissance, à laquelle elle contribuerait à hauteur de 0,8 point et 1,6 point respectivement en 2019 et 2020. Cette branche profiterait de la bonne tenue des autres secteurs en amont. Elle serait également soutenue par la branche Transport et télécommunications, grâce à la mise en service de nouvelles infrastructures portuaires (Port général Cargo et GZEC Port Minéralier au Gabon, port en eau profonde de Kribi au Cameroun), à la bonne tenue des services aux entreprises dans le sillage de l’embellie du secteur pétrolier ainsi qu’au dynamisme de la sous-branche téléphonie mobile et fourniture d’internet dans tous les États membres de la Cemac,suite à la poursuite du déploiement de la fibre optique.

Du côté de la demande, la croissance continuerait à être principalement soutenue par la demande intérieure, impulsée par le dynamisme de la consommation et de l’investissement privés. La demande extérieure nette, quant à elle, apporterait 2,1 points à la croissance en 2019, du fait d’une hausse substantielle des exportations en volume, combinée à une baisse du volume des importations. Cependant, elle enregistrerait une contribution plus faible de 1,5 point en 2020, en liaison avec une quasi-stagnation des exportations en volume, malgré une baisse substantielle du volume des importations.

En termes d’évolution du niveau général des prix à la consommation, l’inflation repartirait à la hausse pour s’établir à 2,5 % en 2019 et 2020, en liaison essentiellement avec la bonne tenue de la demande intérieure.

Par pays, elle s’accélèrerait au Cameroun, au Congo et en Guinée Équatoriale,tout en restant contenue sous la norme communautaire de 3,0 %. Elle décélèrerait au Gabon et au Tchad, pour revenir respectivement à 4,0 % et 3,0 % en 2019 et 3,0 % et 2,5 % en 2020.

Dans le domaine des Finances publiques, portées par la poursuite du redressement de la croissance du secteur hors pétrole et de la mise en place des mesures de consolidation budgétaire dans le cadre des programmes des États membres avec le FMI, les recettes budgétaires totales s’accroîtraient de 2,8 % en 2019 et 1,5% en 2020, malgré de nouvelles baisses des recettes pétrolières en liaison avec une nouvelle détérioration des cours du pétrole brut.

Les dépenses budgétaires, quant à elles, iraient légèrement à la hausse en 2019 (+ 0,3%) et plus fortement en 2020 (+ 3,6 %). Cette tendance haussière, particulièrement à partir de 2020, serait due à la reprise des investissements publics à la faveur de l’augmentation significative des recettes budgétaires.

Comme corollaire de ces évolutions, le solde budgétaire, base engagement hors dons, resterait déficitaire en 2019 (- 0,6 % du PIB) et 2020 (- 0,9 % du PIB).

En matière de transactions avec l’extérieur, le déficit de la balance courante, hors transferts publics, après une réduction entre 2016 et 2018, se dégraderait une nouvelle fois pour s’établir à 7,3 % du PIB en 2019, et à 7,5 % en 2020. Cette détérioration du déficit courant extérieur serait en lien essentiellement avec l’amoindrissement attendu de l’excédent de la balance commerciale, du fait de la détérioration des termes de l’échange, en dépit d’une hausse en volume plus marquée des exportations que des importations en ce qui concerne l’année 2019. Les entrées nettes de capitaux devant s’accroître considérablement en 2019 (141,7 %), en relation avec l’évolution des investissements directs étrangers, avant de régresser en 2020 (- 19,3 %), permettraient de financer le déficit de la balance courante.

En conséquence, le solde global de la balance des paiements croîtrait substantiellement en 2019 pour atteindre 1 104,8 milliards de francs CFA, avant de devenir déficitaire en 2020 pour s’établir à – 65,0 milliards en 2020.

S’agissant de la situation monétaire, elle poursuivrait, en 2019 et 2020, son raffermissement enclenché en 2018, en relation avec la bonne tenue de l’activité économique. La masse monétaire croîtrait de 10,3 % en 2019 et 4,2 % en 2020.

La croissance du crédit intérieur net ralentirait pour s’établir à 2,2 % en 2019 avant de remonter à 3,8 % en 2020, en lien avec une croissance modérée des créances nettes sur l’État (+ 6,8 % en 2019 et + 4,5 % en 2020) et une quasi-stagnation des crédits à l’économie en 2019 (+ 0,3 %) avant une remontée de 3,5 % en 2020.

De leur côté, les avoirs extérieurs nets croîtraient fortement en 2019 (+33,4 %), et très faiblement en 2020 (+0,6 %), en lien avec les décaissements des partenaires au profit des pays de la Cemac,dans le cadre des programmes avec le FMI.

En conséquence, les réserves en termes de couverture des importations des biens et services remonteraient pour atteindre 3,3 mois à fin décembre 2019, et 3,7 mois au 31 décembre 2020. Le taux de couverture extérieure de la monnaie connaitrait ainsi un rebond pour s’établir à 70,3 % en 2019 et 72,3 % en 2020, après 61,4 % en 2018.

Toutefois, des risques pèsent sur ces perspectives, notamment:
1) Un nouveau retard dans la mise en place d’un programme avec financement en Guinée Équatoriale, qui pourrait contraindre la mobilisation des appuis budgétaires attendus par ce pays et ralentir l’atteinte des objectifs en termes de rétablissement de la stabilité extérieure de la zone;

2) La persistance des tensions sécuritaires dans le bassin du Lac Tchad et enCentrafrique, ainsi que de la crise sociopolitique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun (qui pourrait impacter négativement la production et la mobilisation des recettes fiscales et douanières, et engendrer une augmentation accrue des dépenses militaires de sécurité); une production en deçà du profil initialement projeté des nouveaux champs pétroliers au Congo et au Tchad;

3) Une faible consolidation budgétaire dans certains États membres, avec comme corollaires une mobilisation insuffisante des recettes fiscales, une détérioration du solde budgétaire et des tensions sur la masse salariale et le paiement du service de la dette;

4) Un contre-choc sur les termes de l’échange qui pourrait affecter les perspectives en matière de rétablissement des équilibres macroéconomiques;

5) La poursuite de l’escalade des tensions commerciales qui pourrait ralentir le rythmede la demande mondiale, notamment celui des économies émergentes d’Asie.

 

 

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