Le Coordonnateur des étudiants tchadiens au Cameroun, revient sur les difficultés et les stratégies adoptées pour s’adapter à la nouvelle vie des ressortissants de son pays et les nouveaux arrivés dans la ville de Yaoundé.
Quelles sont les difficultés auxquelles font face le jeune étudiant tchadien qui débarque pour la première fois dans la ville de Yaoundé dans le but de poursuivre ses études?
Tout d’abord, je vous dirais que ce n’est pas du tout facile. Il n’y a pas que le côté académique, le premier problème c’est l’intégration. D’abord le ton camerounais qui est différent. La façon de parler est tellement différente. On parle la même langue française mais c’est aussi un dilemme. Le ton est trop camerounais. Ici, lorsqu’on ajoute l’anglais mélangé au français, tu ne peux plus comprendre. On se perd parfois entre le français ou l’anglais. Au Tchad on parle seulement le français et l’arabe par contre ici il faut prendre du temps pour s’adapter. Et ce que je vous dis la va jusqu’ à l’école. La première année de mon arrivée ici, je vous assure, pendant deux semaines j’ai rien compris en classe. Je n’avais pas de problème avec le français que je parle même très bien, mais je ne comprenais pas ce que les professeurs enseignaient. Pas que les professeurs parlaient mal, mais la façon qu’ils articulent les mots et qu’ils mélangent avec l’anglais, devenait très difficile.
Comment réussissez-vous finalement votre intégration?
Un jour, je me suis finalement rendu chez le chef du département à l’école lui poser le problème. Il m’a demandé de ne plus rester qu’avec les gens de ma communauté. Depuis ce jour-là, j’ai commencé à aller jouer au football avec des amis camerounais. Et c’est le conseil que je garde jusqu’à aujourd’hui.
Et à vos jeunes frères quand ils arrivent que leur dites-vous ?
J’ai trois cousins personnellement qui sont arrivés cette année. Première chose, je les inscrits au 2-0 et je leur demande de rester dehors avant même l’inscription de l’école. Je leur demande aussi de rester au contact des autres, de parler avec les camerounais, de chercher à s’habituer à leur façon de parler. Car cela constitue l’une des grandes étapes même pour la réussite académique. Déjà lorsque tu t’habitue avec le quartier le reste devient plus simple.
Et sur le système éducatif
Ça c’est encore un autre problème. Ici, on vient au cours de 7h à 16h30. C’est très lourd de lundi à samedi c’est pas du tout facile. Il n’y a même pas de temps pour toi. Alors que chez nous là-bas on commence à 7h et on finit à 12h pour tous les niveaux (primaire, secondaire, supérieur). On ne vous serre pas avec les cours parce qu’il fait très chaud au Tchad. Nous sommes habitués à faire cinq, six heures maximum de cours par jour. Et une heure de leçon dure 45 minutes. Ici, par contre quand c’est une heure c’est vraiment 60 minutes de cours. Pas facile d’habituer le corps à ce rythme.
Rencontrez-vous aussi des difficultés en termes d’alimentation ?
Chez nous, on est habitué à manger du riz, du couscous et surtout du pain. Mais, ici à Yaoundé, précisément je peux même dire que je fais un mois sans consommer le pain. Il y a une multitude de nourriture. Par exemple, avant j’hésitais à manger les peaux de viande. Car au Tchad on ne connaît que la chair et l’os. J’ai appris ici à manger la peau et aujourd’hui je ne peux plus m’en passer dans un plat de « Héro ». Et je peux vous assurer que je préfère même la peau maintenant que la viande. Il y a une variation de nourriture ici au Cameroun.
La ville de Yaoundé est souvent confrontée aux problèmes liés à l’hébergement. Comment les étudiants tchadiens opèrent-ils pour trouver un logement estudiantin généralement préféré à proximité des campus?
Nous procédons à une plate-forme pour tous les étudiants tchadiens qui vivent au Cameroun peu importe la ville et de l’université choisie. Les associations de tous ces coins unissent et évoluent ensemble. À travers celle-ci lorsque besoin se présente, on lance l’alerte avant même que la personne ne quitte le pays. Il suffit de donner les caractéristiques du logement recherché, le montant et on réserve auprès du bailleur. Par exemple, pour l’année 2023 j’ai effectué une dizaine de réservations pour des étudiants que je ne connaissais même pas encore. Nous négocions avec les bailleurs ou les concierges comme cela chaque année. Il n’y a pas tellement de problèmes d’hébergement.
Quelles sont les filières plus sollicitées par les étudiants tchadiens?
Ils sont focalisés beaucoup plus sur les filières scientifiques. Dans la médecine ils se retrouvent dans les soins infirmiers, technique de laboratoire. En technologie ils sont aussi nombreux (génie logiciel, réseau et sécurité). Autre filière qui intéresse plus les tchadiens, la gestion (commerce vente, banque finance, comptabilité). Nous avons aussi le journalisme, mais la priorité reste les séries scientifiques.
Propos recueillis par Joseph Ndzie Effa stagiaire