Pour mettre fin à ce phénomène au Cameroun, les membres de APNIFT (Réseau parlementaire africain sur les flux financiers illicites et la fiscalité (Apnifft) réclament une marge d’intervention dans la prise de décisions.
Réunis le 11 novembre dernier à Yaoundé, parlementaires et experts des Organisations de la Société civile (OSC) ont échangé sur les flux financiers illicites. C’était à la faveur du séminaire de renforcement des capacités des députés et sénateurs camerounais sur l’Équité fiscale, les Flux financiers illicites et l’intensification de la campagne Stop the bleeding.
La plateforme d’échanges est l’initiative du Centre régional africain pour le Développement endogène et communautaire (Cradec). Objectifs, former, sensibiliser et engager 20 parlementaires camerounais membres de l’Apnifft sur les flux financiers illicites, entre autres thématiques.
Selon le rapport de Global Financial Integrity (GFI) publié en 2020, le Cameroun compte parmi les dix pays africains les plus touchés par les FFI entre 2008 et 2017. D’ailleurs, révèle-t-il, l’État camerounais a perdu 1,35 milliards de dollars chaque année durant la même période. Ces pertes financières sont dues à des activités telles que l’évasion fiscale, la corruption, le blanchiment d’argent, le commerce illicite et d’autres formes de mouvements de capitaux illicites.
Dispositif défaillant
Pour contrer le phénomène, le président de la République du Cameroun a signé un décret portant organisation et fonctionnement du Comité de Coordination des politiques nationales de lutte contre le blanchiment des capitaux le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Le texte révèle la «volonté politique» des autorités camerounaises, estime Jean Mballa Mballa, directeur exécutif du Cradec.
Dans le fond, ajoute-t-il, l’édiction dudit texte pourrait ne pas avoir un grand impact sur la lutte contre l’hémorragie financière, d’autant plus qu’il vient s’ajouter à une pile d’autres textes déjà en vigueur. «Dans la pratique, ce décret vient s’ajouter aux différents textes qui ont créé la Conac [Commission nationale anti-corruption Ndlr], qui créent l’Apnifft, qui créent un ensemble d’institutions, y compris le contrôle supérieur de l’État qui a pour mission aussi de juguler ce phénomène. Maintenant on se pose la question de savoir, est-ce que ces différents actes se mettent effectivement en œuvre de manière à pouvoir réduire le risque de blanchiment d’argent de flux financiers illicites», s’interroge-t-il.
Dans son élan, l’expert sur les questions financières fait allusion aux «failles dans le dispositif actuel». Pour s’en convaincre, le membre de la société civile évoque «une loi qui a été adoptée et dont on attend tout simplement le décret d’application sur la déclaration des biens et des avoirs. Il suffit que le président de la République énonce la composition et désigne la commission de déclaration des biens qu’on pourrait voir véritablement ceux qui s’enrichissent légalement et ceux qui s’enrichissent illégalement. Mais nous constatons que depuis 2008, ce décret n’est pas appliqué.»
«Ce n’est pas suffisant», estime le sénateur Pierre Flambeau Ngayap. Pour le président du groupe de parlementaires camerounais engagés dans la lutte contre les FFI, la situation peut être améliorée. À condition qu’on implique plus d’acteurs dont les parlementaires dans la chaine de prise des décisions. «Nous parlementaires aurions souhaité que le rapport que produit ce comité (de l’Anif Ndlr) semestriellement et annuellement puisse également être disponible annuellement afin que nous sachions exactement quelles sont les identifications qui y sont faites au niveau des flux financiers illicites afin de mieux contrôler ce que fait le gouvernement», fait savoir le sénateur Ngayap.
Joseph Julien Ondoua Owona