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Lutte contre les faux médicaments : l’ordonnance des pays de l’OAPI

Pilule amère

L’Afrique, pourtant dépourvue d’industries pharmaceutiques, connaît la prolifération et la circulation de médicaments contrefaits sur son sol. Dans les différentes artères des grandes villes, il n’est pas rare de voir des vendeurs exposer ces «médicaments de la rue» à même le sol, à la merci des intempéries. Profitant des conditions précaires des populations, les trafiquants font feu de tout bois. Ils écoulent ainsi leurs marchandises non seulement auprès des populations, mais aussi dans les pharmacies, avec la complicité tacite des pharmaciens.

En dépit des menaces des pouvoirs publics, le phénomène persiste et perdure. C’est ce qui justifie l’atelier régional sur la problématique des médicaments de qualité inférieure, contrefaisants et falsifiés en Afrique. Il s’est tenu du 27 au 29 septembre dernier à Yaoundé. Les pays membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) ont à cette occasion fait un état des lieux. Il ressort de leurs analyses que si le phénomène prend de l’ampleur, cela est un corollaire de la faiblesse des textes législatifs et coercitifs en la matière.

À cela s’ajoute le faible pouvoir d’achat des populations. Dans le but de se soigner, celles-ci se ravitaillent chez les vendeurs des médicaments de la rue, périmés, de qualité inférieure ou falsifiés. Ce qui a un impact sur leur santé. Le professeur de pharmacologie Rose Balla Ngono craint d’ailleurs que l’«on se retrouve dans une situation où les traitements de première nécessité soient parmi les produits falsifiés et faux qui circulent, créant de fait des intoxications, parce que les excipients ne sont pas appropriés ou toxiques. Par ailleurs, on va avoir de nombreux échecs thérapeutiques. On parle de plus ou moins 35% de ces produits anti paludiques qui sont complètement surdosés. Or, le paludisme reste la première cause de mortalité et de morbidité au Cameroun».

Une raison de plus qui témoigne de la nécessité des différentes résolutions que les États sont astreints à appliquer. Voici en quelques mots le rendu des travaux de l’atelier.

Olivier Mbessité

Posologie et contre-indications

À l’issue des réflexions et échanges houleux en présentiel et par visioconférence, les différents pays membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) ont à l’unanimité fixé des règles devant servir de ciment dans la lutte contre les fausses molécules.

Les pays de l’OAPI arrêtent la bonne thérapeutique contre les faux médicaments

L’atelier régional sur la problématique des médicaments de qualité inférieure, contrefaisants, falsifiés en Afrique a connu son épilogue ce 29 septembre 2021 à Yaoundé. À la satisfaction générale des experts venus des différents pays de l’OAPI. Notamment le Cameroun, les Comores, le Gabon, la Centrafrique, la Côte D’ivoire, le Nigéria. L’emphase a en effet été mise sur l’épineux problème de la vente desdits médicaments contrefaits dans la rue et les officines. Et de concert, les participants à l’atelier de Yaoundé ont élaboré des recommandations communautaires et régionales. Elles sont destinées à endiguer le phénomène.

Elles vont de la mise en cohérence des textes nationaux avec la règlementation internationale en la matière, à des contrôles inopinés dans les sociétés pharmaceutiques et autres structures de la chaîne de distribution pour se rassurer des produits qui sont vendus, aux renforcements des capacités des agents par les ministères de la Santé publique, et à une bonne communication sur les actions de la lutte contre les faux médicaments. En passant par l’implication des politiques.
Ceci implique d’avoir une bonne communication sur les actions menées, une bonne documentation, et d’insister sur le plaidoyer national et international. Par ailleurs, il faudra renforcer la coopération au niveau opérationnel et procéder à la création d’un groupe WhatsApp d’échanges d’informations et de renseignements. Sans oublier l’action des magistrats, des mandataires agrées de l’OAPI et des professionnels de santé appelés à appliquer les directives de l’Organisation mondiale de la Santé (0MS) sur la lutte contre les médicaments contrefaits. Enfin, la mise en œuvre de l’Accord de Bangui de 2015 a également été prescrites.

Stratégie globale
Au regard de ces recommandations, le directeur général de l’OAPI estime que «cet atelier régional sur la problématique des médicaments de qualité inférieure, contrefaisants, falsifiés en Afrique se termine sur une note de satisfaction et aura permis d’envisager des perspectives d’harmonisation des bonnes pratiques et actions en matière de lutte contre la circulation des faux médicaments». Denis Bohoussou s’est en outre réjoui de «la richesse des échanges, de la qualité des conclusions et recommandations. Elles m’autorisent à dire que l’objectif poursuivi par cet atelier est atteint. Je peux vous assurer en toute conviction que vos travaux marquent une étape très importante pour poursuivre et consolider l’analyse sans complexe de la question de l’accès aux médicaments de bonne qualité, à un prix raisonnable».

Bien plus, le responsable de l’OAPI pense que la complexité des enjeux liés à la problématique du commerce de faux médicaments nécessite une stratégie globale, des différents blocs régionaux, et un engagement sans ambages de toutes les parties impliquées dans la lutte contre ce fléau. Pour cela, il entend apporter un accompagnement à tous les États membres. «Je puis vous assurer de la disponibilité de l’OAPI à accompagner ses États membres sur toutes les questions de la propriété intellectuelle, touchant à l’amélioration de l’accès aux médicaments», a-t-il indiqué.

Olivier Mbessité
Les chiffres appellent à l’union sacrée

La vente des médicaments contrefaits ou de qualité inférieure occasionne de nombreux décès au sein des populations. Au regard du taux élevé des victimes enregistrés sur le continent africain, les experts invitent les pouvoirs publics à prendre ce problème à bras-le-corps.

L’atelier régional sur la problématique des médicaments de qualité inférieure, contrefaisants et falsifiés en Afrique organisé par les Droits de propriété intellectuelle et innovation en Afrique (Afripi), suivi des partenaires tels que l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), et de l’Union européenne (UE) a permis de dresser le tableau sombre et funeste des victimes. Le commerce de faux médicaments encore appelé les médicaments de la rue, pose un véritable problème de santé publique.

Pour cela, il convient de rappeler qu’en «1995, 89 personnes sont mortes en Haïti après la consommation d’un sirop contre la toux contenant du paracétamol. Plus près de nous en 1996 au Niger, la distribution d’un faux vaccin contre la méningite a causé la mort de plusieurs milliers de personnes. Au Nigéria voisin en 2009, 89 enfants ont été tués par un sirop de dentition contenant un produit chimique. Le constat est cruel. Le commerce des faux médicaments est responsable des morts et on note une recrudescence en Afrique», s’indigne Denis Bohoussou. Et le directeur général de l’OAPI poursuit : «d’après une analyse commandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2017, plus de 116000 décès supplémentaires en Afrique subsaharienne seraient dus aux faux médicaments».

L’ambassadeur chef de la délégation de l’Union européenne au Cameroun va plus loin pour ce qui est des conséquences des faux médicaments sur la santé. «Rien que dans l’utilisation des faux médicaments contre la malaria, il y a plus de 100 000 personnes qui meurent chaque année en Afrique. C’est pour décrire l’ampleur du fléau et donc l’importance de lutter contre ce fléau, en faisant respecter davantage les réseaux officiels, la propriété intellectuelle et la démarche scientifique», a fait savoir Philippe Van Damme. «Il faut savoir que les faux médicaments sont un marché mondial de 200 milliards de dollars par an et donc 40% se fait en Afrique», a-t-il renchérit.

Au regard des chiffres susmentionnés, la situation est alarmante. C’est la raison pour laquelle les experts des différents corps de métier ayant pris part à cet atelier ont tenu à donner au secteur des médicaments une nouvelle perspective. L’objectif est que les populations aient accès aux médicaments de bonne qualité. Toute chose qui nécessite l’appui des pouvoirs publics.

Ils ont dit

Kinhode Codjo, lieutenant à l’Unité spéciale d’intervention douanière (Togo)

«Aujourd’hui nous sommes bien outillés»

La première chose c’est de reconnaître l’importance de ce séminaire. Parce que nous qui sommes des douaniers, nous qui sommes à la frontière, ils nous arrivent souvent de saisir les marchandises qui concernent les médicaments contrefaits et les produits contrefaisants.
Dans nos unités, sur le terrain et à l’intérieur du pays, ils nous arrivent de faire des saisies. Mais on ne comprend pas comment on doit gérer ces saisies pour pouvoir atteindre les réseaux qui sont impliqués dans ce trafic. Donc, ce genre de séminaire nous permet d’avoir beaucoup d’informations, de savoir qu’il y a des fiefs pharmaceutiques, des responsables de médicament qui sont mieux outillés à nous aider à gérer ce problème des faux médicaments. Aujourd’hui nous sommes bien outillés.

Ouango Dalienste, responsable de la réglementation à la direction de la pharmacie (Centrafrique)

«Cet atelier est une opportunité dans la zone Cemac»

Vous savez que les médicaments sont des produits qui peuvent être toxiques si la personne dépasse la dose. Mais les médicaments sont aussi des produits qu’il faut garder dans des bonnes conditions, selon les normes pharmaceutiques de l’Organisation mondiale de la Santé. Et si le fabricant ou le manipulateur du médicament en question ne garde pas les médicaments dans les bonnes conditions, celui-ci devient de fait un médicament falsifié ou de contrefaçon. D’où le but de cet atelier qui nous a réunis. Cet atelier est une opportunité dans la zone Cemac ou dans les autres pays d’Afrique pour lutter contre ce fléau des faux médicaments. C’est afin de donner le meilleur à nos populations et à nos patients dans les hôpitaux et cliniques.

Ahamada Saïd Fazol, directeur général de l’Agence nationale des médicaments (Comores).

«Il faudra appliquer la loi partout»

J’ai une très bonne impression, parce qu’on a traité un sujet très sensible au niveau africain, étant donné que les faux médicaments sont un vieux cancer. Et en plus, beaucoup de gens croient qu’à cause de la pauvreté, ils doivent prendre les médicaments de la rue, mais oublient qu’en prenant ces médicaments, ils sont en train de se tuer à petit feu. Donc il était important de venir ici pour échanger ensemble. Que ce soit pour les pharmaciens qui ont le monopole du médicament, que ce soit pour la douane qui vérifie tout ce qui sort (c’est-à-dire pour les trafiquants), que ce soit pour la police et la justice.
C’était pour voir dans quelle mesure les ministres de la santé peuvent appliquer les textes en vigueur. Il faut des actes forts pour endiguer et éradiquer ce fléau. Pour ce qui est des recommandations, il faudra appliquer la loi partout.

Périne Ada Obiang, procureur près le Tribunal de 1ère instance d’Oyem (Gabon)

«Le travail a été fait de concert»

J’ai une très bonne impression parce que nous avons constaté l’implication de tout le monde selon les différents services. Que ce soit au niveau des participants venant du domaine médical, douanier, ou que ce soit au niveau de la justice ou des officiers de police judiciaire, le travail a été fait de concert dans le sens où il fallait réunir nos efforts, essayer de faire qu’il y ait une impulsion sous-régionale tendant à éradiquer ce phénomène de produits pharmaceutiques contrefaits, contrefaisants ou ne répondant pas aux normes légales. Il y a des fortes recommandations qui ont été prises, mais la principale que nous allons appliquer, c’est la mise en place de la plateforme de travail.
OM

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