Tandis que des voix s’élèvent pour suggérer de renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs, le Gouvernement a réussi à articuler le décret tarifaire sur les carburants à la pompe au renchérissement des coûts de transport urbain et interurbain.
En milieu de semaine en effet, le tarif du transport par taxi passera de 250 à 300 FCFA (+20%), et de 300 à 350 FCFA la nuit (+16,6%). En interurbain, le prix du kilomètre devrait demeurer à 14 FCFA. En regardant leurs portefeuilles qui craquellent déjà sous le vent glacial de l’inflation, James Elangwe n’a pas d’autre image: «face à la hausse généralisée des prix, les Camerounais sont désormais comme des mouches qui se cognent aux parois du bocal qui les enferment». Et l’économiste d’enchaîner avec ce qui pourrait sembler anecdotique, mais qui ne l’est pas. «Hausse des prix du carburant à la pompe d’abord et ensuite augmentation du coût du transport urbain et interurbain. Ce plan était consigné dans la stratégie gouvernementale consistant à annoncer tout cela graduellement, au moment où les Camerounais seraient plus réceptifs», dit-il. En relançant ainsi un débat d’arrière-garde sur le modèle de communication souvent adopté par les pouvoirs publics pour faire avaler des pilules, James Elangwe relève deux choses. «La première, le Gouvernement a perdu la main sur la régulation des prix sur laquelle il pouvait peser depuis la survenue de la pandémie du Covid-19. La seconde, le même Gouvernement prétend aborder le champ économique et social, mais sa fine dialectique s’abîme dans une bouillie qui lui inspire des politiques aux effets contraires à ce qu’il prétend réaliser».
Proche de ce raisonnement, Cabral Libii indique que «la ligne économique gouvernementale est devenue non seulement illisible pour l’opinion publique, mais un déficit d’incarnation sur ces sujets a rendu peu crédible la capacité des pouvoirs publics à obtenir des résultats». Selon le président du parti politique PCRN, «annoncer simplement une illusoire revalorisation des salaires des agents publics sans reformater le marché des biens et services de base n’a aucun sens; parce que cette revalorisation est largement inférieure au niveau d’inflation supporté par les ménages».
«Mesures d’accompagnemen»
L’expression est de plus en plus usuelle dans la bouche des dirigeants politiques et dans les écrits officiels. Depuis, elle revient constamment dès qu’il s’agit de mesures d’aides contre la vie chère. «Seulement, observe James Elangwe, elle se présente comme une formalité comptable, aux seules fins d’équilibre budgétaire. Beaucoup l’ont donc interprétée comme une démarche technocratique, forcément imaginée par des privilégiés qui ignorent les difficultés de la vie». «Et du coup, poursuit l’économiste, il y a peu d’effets à attendre d’une revalorisation arrêtée à 5,2% seulement. Il en est de même pour l’octroi des facilités d’accès et de réduction des prix des produits et services aux jeunes détenteurs de la Carte Jeune Biométrique». «Tout cela, ce sont des solutions faussement généreuses!», fulmine Simon Kaldjob. De façon caricaturale, ce que dénonce le président et porte-parole du Collectif des Organisations des consommateurs du Cameroun se rapporte à deux choses. D’un côté, malgré le petit frémissement que pourrait connaître sa solde, l’agent public tirera toujours la langue pour pouvoir joindre les deux bouts. De l’autre, la consolidation des inégalités sociales, étant donné qu’ils sont très peu nombreux, les détenteurs de la Carte Jeune Biométrique. «Nous savons que le gouvernement camerounais est dans la logique du chien aboie, et la caravane passe. Mais, nous allons nous mobiliser pour protester contre ces insultes gouvernementales», avise Jean-Marc Bikoko, président de la Centrale syndicale du secteur public (CSP).
Jean-René Meva’a Amougou