Quand Ali Bongo fut renversé par les militaires, ce 30 août 2023, les Gabonais sortirent nombreux dans la rue pour crier et danser de joie. Autrement dit, le coup d’État fut accueilli par une liesse populaire parce qu’il met fin à 56 ans de règne des Bongo. Pour le peuple gabonais, ce qui est important actuellement, ce n’est pas de savoir s’il s’agit d’une révolution de palais ou non, ni de se prononcer sur la pertinence de l’irruption des hommes en armes sur la scène politique, mais de se réjouir de cette nouvelle page de son histoire qui s’ouvre. Qui lui donnerait tort de célébrer un événement qu’il a longtemps attendu? Qui oserait lui reprocher de manifester sa joie pour une chose qui semblait relever de l’impossible?
Les médias français sont, eux aussi, contents de la chute d’Ali Bongo. Pas un jour ne passe sans qu’ils ne fassent des gorges chaudes de la destitution du fils d’Omar Bongo. Avec un plaisir non dissimulé, la presse hexagonale expose tout ce qu’elle sait sur la vie et les pratiques du clan Bongo. Elle nous dit comment ce clan s’en mit plein les poches au détriment du peuple gabonais, comment il se livra au pillage des caisses publiques et au gaspillage des deniers publics 5 décennies durant, pendant que des milliers de Gabonais tiraient le diable par la queue, comment il s’offrit des appartements et voitures de luxe à Los Angeles, à Rabat et à Paris, comment Omar Bongo finança les campagnes électorales de la gauche, de la droite et de l’extrême-droite françaises.
Cette presse hypocrite savait tout cela mais ne disait rien. Pourquoi? Parce que, pour elle, les droits de l’homme ne concernent pas l’homme noir, parce qu’elle s’en fiche si un régime autoritaire soutenu par la France appauvrit, affame et terrorise les Africains.
Pourquoi parle-t-elle aujourd’hui? Pourquoi est-elle devenue si prolixe? Pour nous dire qu’elle n’approuvait pas la dictature et les crimes économiques de la famille Bongo? Ou bien veut-elle pousser les Gabonais à haïr davantage cette famille? Cette presse française ne nous apprend rien et elle est mal placée pour jubiler car le peuple gabonais avait connaissance depuis longtemps des dérives et abus des Bongo. Depuis longtemps, les Gabonais étaient en colère contre le système que la France contribua à installer. Depuis longtemps, ils désiraient s’en débarrasser mais les médias français n’en avaient cure parce que tous, journalistes et hommes politiques français, profitaient de ce système, parce que tous étaient heureux de recevoir leur part du gâteau.
Avant de tirer à boulets rouges sur cet Ali Bongo qui aurait dû comprendre un peu plus tôt que tout est éphémère ici-bas et que l’arrogance et la méchanceté ne sont jamais une bonne chose, la France gagnerait à faire son mea culpa.
Jean-Claude DJEREKE