Législatives et municipales du 9 février 2020 : Les batailles électorales… contre-feu à la guerre de sécession

Paul Biya ouvre un nouveau front. Dans les rangs des partis politiques, l’esprit du décret présidentiel portant convocation du corps électoral provoque acquiescements et interrogations. Enjeux du vote et vote sur enjeux

Avant de s’envoler pour la France en qualité d’invité au Forum de Paris sur la paix, Paul Biya l’a confirmé le 10 novembre 2019. Selon les lignes d’un décret du chef de l’État, les Camerounais prendront encore le chemin des urnes dimanche 9 février 2020. Cette fois-ci, ils vont se prononcer simultanément sur la composition de l’Assemblée nationale et des mairies. Le document précise que la consultation démarre à 8 heures et s’achève à 18 heures.

Preuve tangible que ce scénario resté dans les tuyaux depuis plusieurs semaines prend corps : face à la presse le 9 octobre dernier, Enow Abrams Egbe, président du conseil électoral d’Elecam (Elections Cameroon) a annoncé un déploiement à travers le pays de l’institution en charge de l’organisation des élections. Selon nos informations, celle-ci a déjà pris langue avec des imprimeurs et papetiers, afin d’être prête pour le jour J. Plusieurs interlocuteurs confirment : «C’est un peu lourd, car ça implique d’anticiper des commandes, mais nous avons pris nos dispositions».

Donner le «pouvoir» aux maires
En lançant officiellement le chantier des élections de 2020 ce 10 novembre 2019, l’exécutif tenterait de rebondir aussitôt après les conclusions du Grand dialogue national (GDN). On se souvient que lors de ces assises, le rôle, le pouvoir réel des élus locaux et la place des collectivités territoriales décentralisées avaient été placés au cœur des débats. Ceux-ci avaient alors consacré l’idée d’une décentralisation plus poussée pour retisser le lien entre les populations et les exécutifs municipaux. Autrement dit, les élections municipales du 9 février 2020 résonnent comme un premier test de pacification des règles du jeu institutionnel en vigueur depuis longtemps. «Dans le scrutin annoncé, il y a surtout un enjeu de concrétisation d’un toilettage promu par la volonté d’expurger des dispositions les plus critiquées sur le pouvoir des maires au Cameroun», argumente Jean-Baptiste Atemengue, un militant du RDPC.

«Parasites»
Décelé par Emmanuel Ntonga, l’autre enjeu est celui de «l’implication citoyenne». Jugeant peu probable la fin immédiate de l’insécurité dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, le président régional du SDF (Social Democratic Front) pour le Centre redoute «un double scrutin parasité par les taux d’abstention records dans la partie anglophone du pays». Parce que la zone traverse une crise sans précédent depuis bientôt quatre ans, l’homme politique est embarrassé. «On est à un carrefour à l’annonce de la tenue des élections. Soit on va résoudre la crise, soit on assistera à des retours en arrières considérables».

Proche de ce raisonnement, Adamou Koupit de l’Union démocratique du Cameroun (UDC) regrette que «l’État s’est montré impuissant face à des défis comme la crise anglophone. C’est un échec historique qu’on refuse d’assumer en organisant des élections dans un contexte très précaire ; or le vrai indicateur de la réussite d’une élection municipale par exemple est à observer dans les résultats à l’échelle locale».

Jean-René Meva’a Amougou

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