«Le traitement dans les services sociaux n’est pas digne»

Ismaël Alhadji Konaté est une victime de la crise anglophone au Cameroun. Il fait un témoignage des vicissitudes que son épouse et lui-même rencontrent depuis leur exil.

Comment vous vous retrouvez dans la localité de Ndop avec votre famille?
Le Cameroun est large. Nous ne sommes certes pas de Ndop, mais nous nous comportions déjà comme tel. Nous y étions en tant que commerçants et nous y avons trouvé un bon réseau. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes installés.

De quoi et comment viviez-vous ?
Nous faisions notre petit commerce, import-export, Nigeria-Cameroun. Nous avions de bons rapports avec les habitants du quartier.

Comment avez-vous vécu les premières heures de la crise?
Au fur et à mesure que j’achetais les marchandises et revenait à Ndop et ses environs les revendre, nous avions foi que la crise sera très vite résolue. D’autant plus que l’État nous nourrissait d’espoir. Aujourd’hui, à l’allure où vont les choses, la situation dégénère de plus en plus.

Comment vous vous retrouvez pris en otage par les groupes armés?
Ils ont surpris notre fille de 15 ans en train de faire la lessive et ils l’ont kidnappée depuis le mois de février. Elle s’appelle Falonne Engome et jusqu’à aujourd’hui, nous sommes sans nouvelle d’elle. Nous étions pourtant remplis d’espoir qu’elle devait rentrer grâce aux multiples prières dans les églises. Nous avons plutôt été surpris lorsqu’en fin avril, ils sont venus poignarder à mort notre fille de 7 ans devant nos yeux dans notre boutique. À cet instant, nous avons voulu riposté mon épouse et moi, et c’est ainsi qu’ils nous ont pris en otage pour une direction inconnue (dans la brousse).

Quels types de traitement les hommes armés vous infligeaient ?
Une fois arrivés en brousse, vous marchez sur un miroir et ça vous dompte. Vous marchez à leur rythme dans leur campement. Ces groupes armés nous nourrissaient à leur volonté avec des bananes non mures. Ils nous chicotaient avec les machettes, nous torturaient à leur guise.

Comment faites-vous pour arriver à Douala?
Nous sommes sauvés par l’armée camerounaise des mains des groupes armés. Nous avons quitté depuis lors cet endroit et nous nous sommes arrêtés à la sous-préfecture de Mbanga.

Nous avons été reçus par les autorités administratives qui nous ont soutenus moralement et financièrement. Nous avons fait 1 ou 2 mois à Mbanga. Les autorités de la ville nous avait promis comme service le travail à la boulangerie Santa Lucia de Mbanga. Promesse qu’elles ont tenue. Mais à cause du feu ardent qui provoquait des petits soucis de santé de temps en temps, nous avons dû abandonner.

Les militaires qui étaient derrière la sous-préfecture nous donnaient à manger et ces derniers nous ont conseillé la ville de Douala. C’est ainsi que le commissaire nous a délivré un certificat de perte pour aller sur Douala. Nous étions escortés par un militaire qui nous a laissé au commissariat du 8ème de la ville de Douala.

Une fois au commissariat du 8ème, comment faites-vous pour survivre?
Au 8ème, on nous fait comprendre que ce n’est pas le lieu pour garder les déplacés et on nous demande d’aller à la sous-préfecture. Nous sommes allés à pied dans la nuit à la sous-préfecture de Logbaba. Le sous-préfet était absent. Mon épouse et moi sommes allés très tôt le lundi nous faire signaler chez les autorités. Nous avons été reçus au service social et à la fourrière municipale. Un policier nous a amenés chez le chef de quartier Madagascar 2. Le chef de quartier accompagné de sa suite nous a conduits au service social présidé par un autre locataire, couturier de profession. Nous y avons passé la nuit pendant deux jours et lundi, nous sommes reçus par la dame du service social.

Le service nous renvoyés avec le chef de bloc pour aller chercher un document à la sous-préfecture. Une fois à la sous-préfecture, le patron des lieux dit qu’il faut que la population et le service social mettent la main à la pâte pour nous soutenir et nous trouver une chambre, voire quelque chose à faire. Ceci se dit en présence de la secrétaire du service social. Le pot-aux-roses arrive lorsqu’on fait deux semaines dans les toilettes de la case sociale d’Oyack.

Un bienfaiteur ayant pitié de nous, nous a offert un sac de riz 25kg et un matelas. Des dons qui ont été détournés par ladite institution. Après nous être plaints, l’institution a appelé la police et les autorités administratives pour leur raconter que nous avons des armes, des machettes, des couteaux. Ces derniers ont cru ce discours et nous ont amenés au commissariat où nous avons passé trois jours de garde à vue. Le donateur en question est venu au commissariat expliqué la raison du problème. C’est ainsi que le commissaire décide de nous relâcher et nous ramène à la case social d’Oyack. Et je constate que le traitement dans les services sociaux n’est pas digne.

Comment comptez-vous recommencer votre vie à zéro?
Nous ne savons pas et n’avons aucune idée. Nous demandons simplement aux âmes de bonne volonté de nous venir en aide. Si elles peuvent nous donner du travail qui nous permettra de subvenir à nos besoins, ce serait idéal. Nous sommes soutenus par les religieux et les églises. Car ce sont eux qui nous donnent de quoi nous nourrir, de quoi nous vêtir et où poser la tête.

Interview réalisée par
Diane Kenfack

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