Quelle est la place du Made in Central Africa dans les services autour des compétitions. Qu’il s’agisse des services techniques, des services médicaux, le bâtiment et les infrastructures, les équipementiers. Est-ce que nous ne sommes pas encore une fois en train d’exporter les emplois et de payer les impôts à l’extérieur au lieu de les payer chez nous?
Dans cette première série, le directeur par intérim du Bureau sous-régional Afrique centrale de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique (CEA) présente les ressorts d’une compétition authentiquement africaine et durablement profitable au continent.
Monsieur le directeur, le Journal Intégration formule pour vous et pour la CEA, les vœux les meilleurs pour l’année 2022 nouvellement entamée. Merci d’avoir répondu favorablement à notre sollicitation. Vous êtes à Yaoundé, le Cameroun accueille la 33ème édition de la Coupe d’Afrique des nations. Sans doute, vous ressentez la fièvre de la compétition. Comment appréciez-vous cette édition de la CAN?
C’est avec beaucoup de plaisir, comme tout habitant de Yaoundé, que nous voyons la Coupe d’Afrique des nations commencer. Nous l’avons tous attendue. Nous sommes très heureux qu’elle commence et ce de belle manière. Nous avons suivi la cérémonie d’ouverture qui était toute belle et le match d’ouverture qui a tenu toutes ses promesses. Plus important encore, cette mobilisation populaire autour de l’évènement montre que cet évènement a été très attendu. L’heure est à la fête et nous espérons que le même esprit continue. Une compétition africaine est une rencontre interculturelle, c’est une rencontre des peuples, c’est une célébration de l’unité des Africains. Nous souhaitons que jusqu’au 6 février, la ferveur se perpétue.
Nous souhaitons également que cette CAN soit également l’occasion pour d’autres échanges. Des échanges aussi bien culturels qu’économiques entre nos peuples. Que ces derniers apprennent à se connaître. Nous souhaitons en dernier ressort, mais de toute notre force, que le Cameroun, qui a consenti de nombreux investissements pour l’organisation, puisse tirer des dividendes à travers un certain nombre de retombés qui peuvent être des réjouissances ou alors des retombés économiques. Et donc, que la CAN serve d’un des sentiers pour la relance de l’économie du Cameroun après le contexte difficile de Covid-19.
L’Afrique centrale que vous couvrez est représentée par trois pays : le Cameroun, le Gabon et la Guinée Équatoriale. On pourrait parler de la Zone des Trois Frontières… Pensez-vous que le trophée puisse rester en Afrique centrale?
Je ne suis pas très fort en pronostic. Pour moi, c’est l’Afrique qui gagnera de toutes les façons. L’Afrique centrale, l’Afrique du nord, l’Afrique de l’ouest, l’Afrique australe ou l’Afrique de l’est, ce sera toujours l’Afrique qui gagnera. De toutes les façons, à ce niveau de la compétition, il est très difficile de dire qui va gagner. Il n’y a pas de petites équipes. Toutes sont grandes et belles. Et que l’Afrique gagne! C’est tout ce que je peux souhaiter.
Plus largement, quels sont vos pronostics sur la CAN 2021, Monsieur le directeur? Vous n’avez pas de favoris?
C’est une question très compliquée. Je vais crier comme tous mes amis de Yaoundé: Allez les lions. En espérant que quel qu’en soit l’issue, la fête sera belle.
Évoquons à présent la portée de cet évènement continental qui se tient dans un contexte bien précis et une conjoncture qui ne saurait être ignorée. Premier arrêt: pensez-vous que la CAN puisse remettre au goût du jour le débat de la libre circulation des personnes dans la ZLECAF?
Exactement! Cette CAN a l’avantage d’être la première après l’entrée en opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine. C’est un évènement qui devrait déjà nous indiquer les avantages que nous offre cette zone. Une zone que nous voulons décloisonnée. Une zone dans laquelle nous voulons une libre circulation des biens et des personnes sur un large étendu.
Il est scandé que nous allons constituer la plus grande zone de libre-échange après la création de l’OMC. La CAN est donc une opportunité qui nous montre ce que nous pouvons espérer lorsque les gens circulent librement. Évidemment, il y a encore les barrières liées au contexte sanitaire actuel. Mais la CAN nous montre très clairement comment un pays comme le Cameroun pourrait bénéficier de l’engouement des mouvements qui convergent vers son sol. La Zone de libre-échange continentale africaine et la CAN ont beaucoup de points de convergence. Le premier: la CAN nous permet de faire et voir circuler vers un point unique les équipes, les officiels et les supporters. Ce qui constitue une pulsion pour le secteur hôtellerie et tourisme du Cameroun et pour la croissance économique.
Au-delà, la CAN permet de réaliser le métissage que les pères fondateurs de l’Union africaine ont toujours voulu. Leur rêve a toujours été de construire une Afrique où les Africains se sentiraient partout chez eux: en sécurité et bien accueilli. C’est la même philosophie avec la ZLECAF. Elle postule que les Africains soient en mesure de vivre partout en Afrique, de s’y épanouir, d’y travailler et contribuer au développement de cette localité.
Et donc je crois que la CAN est une illustration parfaite de ce que nous pouvons attendre de tout ce que nous pouvons attendre de la ZLECAF. On peut bien s’imaginer s’il n’y avait pas toutes ces barrières liées au contexte actuel de Covid-19, quel engouement la CAN aurait généré au Cameroun. Notamment pour ce secteur hôtelier qui ne demande que des taux d’occupation à améliorer après la pandémie; pour ces restaurants et ce secteur des services qui sont les secteurs les plus frappés par la pandémie. La CAN pouvait donc être ce premier mécanisme de relance de ce secteur qui est à terre.
La CAN est une opportunité dans la ZLECAF qui est une vaste opportunité.
On peut donc conclure que la CAN est une opportunité qui se greffe à la plus grande opportunité qu’est la ZLECAF. Justement, le 1er Janvier 2022, l’Afrique a commémoré l’an 1 de la ZLECAF. Seulement sur le terrain, pas d’intensité des échanges. Les grand-messes sportives et culturelles internationales telles que la CAN 2021 ont des connexions et répercussions multidimensionnelles sur l’économie. Dans la perspective de la libre circulation des biens, la CAN pourrait-elle être une rampe de lancement pour actionner la machine grippée?
Il existe un parallélisme très fort entre ces deux opportunités qui permettent à ce que l’Afrique converge vers un seul et même endroit. Tout cela dépendra de ce que l’endroit en question peut offrir. Aujourd’hui, le Cameroun offre la CAN: c’est le point d’attraction. Demain, les avantages que nous pourrons tirer de la ZLECAF dépendront de ce que nous avons à offrir: une capacité productive et sa compétitivité.
Qu’est-ce que le Cameroun offre sur la table et quel est le niveau de compétitivité prix-qualité de ces produits.
Deuxième élément : quelles sont les facilités de commerce qui existent et qui permettent en fin de compte de profiter de ce décloisonnement. Si nous n’avons pas des infrastructures, on aura beau ouvrir les frontières mais pour amener les produits jusqu’à la frontière, il faut des routes de qualité; il faut un chemin de fer de qualité. Il faut le climat des affaires lui-même. La ZLECAF va profiter aux pays qui auront quelque chose à offrir; qui auront mis en place les infrastructures nécessaires; qui auront mis en place les pratiques commerciales qui s’alignent sur cette connectivité et cette efficience des procédures au niveau des frontières. Au-delà des barrières tarifaires, il y a tout un tas de pratiques et de processus au niveau des douanes qui doivent être expéditifs.
Nous sommes sur un marché où les produits qui doivent être exportés sont les produits manufacturés et produits à valeur ajoutée: l’huile raffinée du Cameroun, les jus de fruit du Cameroun, la tomate concentrée du Nigéria. Ce sont des produits élaborés. Il faut aussi que notre infrastructure de qualité puisse être fonctionnelle et soit à mesure de certifier la qualité.
Autre élément, la compétitivité-coût.
Nous allons concurrencer les produits identiques aux nôtres fabriqués dans d’autres pays africains. Nous devons être compétitifs en termes de coût. La compétitivité est liée à un certain nombre de facteurs de notre écosystème : l’énergie (disponibilité et coût). L’énergie doit être de bonne qualité et à moindre coût afin de ne pas impacter le coût final de nos produits. Il y a également le système d’approvisionnement en termes de matières premières pour élaborer nos produits. Les chaînes de valeurs sont-elles bien rationaliser et bien intégrer pour être mieux connectées à l’industrie? Ce sont des prérequis pour tirer profit de la ZLECAF.
Autre élément, les informations commerciales et économiques. Est-ce que nous connaissons où se trouvent les opportunités pour vendre les produits camerounais sur le marché africain? À la CEA, nous avons fait beaucoup d’études pour essayer de comprendre où se trouvent les opportunités de commercialisation.
Propos recueillis par
Remy Biniou