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Joseph Owona si proche, si lointain

L’homme entame cette semaine son voyage terminal vers le rocher providentiel d’Akom Bikoue, lieu mythique qui l’a vu venir au monde, voici près de quatre-vingt ans.

 

Ce voyage sans cahier retour au pays natal, permettra certainement à Owona d’actualiser le mythe de Joseph, cet enfant mal aimé, un moment cédé à l’adversaire et à l’adversité par une méprise familiale teintée de méchanceté, avant que, divine surprise, on le retrouve hissé au panthéon des pouvoirs, d’où, bon prince au cœur généreux, il entreprendra d’organiser la protection de la veuve et de l’orphelin, des vulnérables de toute acabit.
Puis est arrivé ce 6 janvier 2024, pour le clap de fin. Du monde entier monte un concert d’exaltation, pour saluer tout à la fois l’universitaire, l’intellectuel, le politique, le dignitaire bantou. Dans ce chœur de foi et d’admiration se distingue le meilleur. C’est la voix de la meute grincheuse et prépositionnée, chargée de lapider tout ce qui n’est pas d’une certaine idéologie de l’élection divine. Elle en veut à Joseph Owona, pour avoir été le tout premier à vaincre le régime de terreur ethnofasciste mis en place par cette faune hirsute, pour se hisser au-dessus de la clameur et dénoncer publiquement l’alternative tribaliste pour l’alternance au pouvoir. Crime grave qui a valu à J.O. cette fatwa qui le poursuit jusqu’à la mort. Et pourtant, Galilée comme Owona ont simplement eu torts d’avoir eu raison trop tôt. Aujourd’hui, le paradigme du village élu, des élus et des éligibles, bref du village prédestiné fait recette partout, presque passé au rang de la chose jugée ; C’est désormais le préalable minimum pour qu’un malade se soigne, pour qu’un artiste preste, pour avoir droit de cité dans la cité, à moins d’être du village, ou de montrer patte blanche. Owona l’avait vu et dénoncé à temps, pour mettre les uns et les autres en garde, exactement comme il avait prédit, s’agissant de l’éveil de la Chine. La suite, les suites, on les connaît.

Joseph Owona et la passion du Cameroun
1991, il est le fort en thème choisi pour conduire la délégation du RDPC aux délicates négociations de la tripartite, pour sauver le Cameroun, face à une opposition ivre d’exaltation démocratique. C’est le même que l’on retrouve, ouvrier de la première heure, aux avant-postes sur le dossier de Bakassi. À cette fonction stratégique, son rôle a surtout consisté à identifier les profils et compétences, nationaux et étrangers, les plus adaptés pour la conception et l’élaboration du dossier technique du Cameroun. Même démarche quand il libère le Cameroun de la guerre des tranchées, en allant tout seul et le tout premier, d’initiative personnelle, rencontrer à Bamenda, l’épouvante de l’étape, celui que tout le monde redoute en ces années de braise, NI John Fru Ndi. Un nouveau dialogue politique peut enfin commencer au Cameroun. Discret, Owona n’en tire aucune gloire personnelle et pourtant…
Avec le grand Cameroun vissé à la peau, Owona publie un livre, vite rattrapé par la raillerie de l’absurde, et où propose, en s’inspirant de l’exemple suisse, que le pays se dote d’un mode de dévolution du pouvoir de type rotatif, entre les aires culturelles. Cela contribuerait, pense-t-il, à réduire le délitement du pacte national républicain que suggère le combat à mort que se livrent les entrepreneurs politiques camerounais, tous contre tous… Quelques illuminés mal lunés préfèrent y voir un levier de tribalisation du pouvoir. Sauf que, faute d’arguments, et trop occupés à aboyer, ils se cachent pour vomir des insanités dans le noir, préférant ainsi se dérober au débat républicain. Pour toute alternative, certains préfèrent le raccourci de passer le concours d’être Bulu…

Joseph Owona, respectueux de l’argent public
Au moment où il nous quitte, Joseph Owona emporte avec lui dans la tombe le secret de son ascèse, comme champion hors catégorie des reversements au trésor public du trop-perçu. Le jeune chancelier de l’université de Yaoundé, tout verdissant, tout comme le ministre de la République, pendant plus de vingt ans, sont restés particulièrement regardant sur la question de la tenue des dossiers financiers. Il s’y est parfois soumis à l’absurde, comme aux lendemains de cette CAN qu’il est allé gagner haut la main en Afrique de l’Ouest. Alors que tout le pays est bercé par une douce griserie, et qu’il est en droit de revendiquer davantage, Owona Joseph réunit ses collaborateurs dans l’urgence pour clarifier les comptes et aller procéder au reversement des sommes non utilisées. Ahurissant ! Au terme de sa vie, l’ancien PCA de la SNH et ministre à tous les endroits sensibles, n’a jamais eu son nom affiché nulle part sur les questions de fraudes financières. C’est peut-être à cela qu’il devait sa sérénité de mouvement, tout seul, tous les soirs dans les rues de Yaoundé, ivre de liberté…

Joseph Owona, le frère
C’est le parfait fils du Cameroun, à la fois chrétien et musulman, moderne et traditionnaliste, chaleureux ouvert et entier. Son premier geste est pour les Bassa’a où il sème une graine savoureuse. Il migre vers l’Afrique de l‘Ouest, à la recherche de la perle rare ; il la trouve et s’y attache toute la vie. Ceci explique peut-être cela, Il arborera ensuite le grand boubou du Nord où il entretient de vielles amitiés sédimentées, avant de faire des yeux de Chimène à l’Ouest. Certains préfèrent ne voir, dans sa relation avec l’Ouest que l’affection portée à un étudiant brillant, Maurice Kamto, oubliant qu’il y a aussi bâti famille… En fait, J.O. sait s’attacher aux hommes, grands ou petits ; sa table du soir est un buffet populaire, où tous se croisent ou se succèdent, les personnels d’appui et les dignitaires. Ils sont nombreux, les enfants du Cameroun qui viennent en pèlerinage à sa porte, pour exprimer gratitude à cet illustre bienfaiteur qui les a aidé sans les connaître. C’est certainement moins prestigieux que les mélanges produits par ses étudiants à son honneur en 2020, pour couronner ses cinquante ans de service à former la relève du Cameroun. Mais ce n’est pas moins touchant pour Owona. Ses enfants biologiques ont bien souvent souffert de cette extrême ouverture de leur géniteur à l’autre, à la veuve autant qu’à l’orphelin…

L’anecdote
Avant de mourir, Joseph Owona a réalisé un rêve cher à ses yeux, celui d’aller récupérer et même, de presque restaurer une relique chère à ses yeux, « le camion de papa », les restes du cargo brousse de commerçant de son père, resté à Mbalmayo près de cinquante ans. Il a pu obtenir que ce dernier rejoigne son propriétaire à Akom Bikoué.

Comme tout être de chair, Joseph Owona a conservé de la vie quelques blessures.
D’abord, cette étiquette de tribaliste qu’aucun fait objectif n’est venu corroborer, mis à part quelques vomissures manipulées par des officines dédiées, lui qui a fait don de sa vie au Cameroun, à tous les enfants du Cameroun, d’où qu’ils viennent. Sa progéniture éclectique en témoigne amplement, autant que ses liens matrimoniaux, ses amitiés, sa table, lui qui n’a pas hésité à contracter mariage musulman, entre autres…

Son autre blessure, encore plus absurde, résulte de son passage au comité de normalisation de la Fécafoot. Pas du tout doué pour l’escrime des forbans, J.O. n’a jamais rien compris à ce tango de la FIFA qui commence par lui adresser une lettre officielle et solennelle de félicitation, pour la qualité de ses textes de normalisation, du reste proposé à d’autres pays africains comme modèles types en la matière, avant, soudain, de se voir désavoué du jour au lendemain… Bizarre ! Il en conserve une principale leçon, à savoir que la raison du football n’est pas la raison du Droit.

Quel privilège enfin que celui de Joseph OWONA, enfant béni par ses ancêtres, qui quitte la vie en seigneur bantou, ayant eu le temps de voir venir et de prévenir son entourage. Il a ainsi pu prolonger le sillon tracé par Ngo Basse sa première épouse, laquelle, après plus de quarante ans de séparation a trouvé la force de se réconcilier avec son époux avant de partir. Réponse du berger à la bergère, J.O. n’a pas trouvé mieux que de la doter entièrement, de nouveau, post-mortem, pour dire combien pour Joseph Owona l’amour a été plus fort que tout. Dernière confirmation, l’hommage solennel à lui rendu par sa belle-famille burkinabe, laquelle perd en Joseph Owona l’enfant prodigue venu du Cameroun, tout voile au vent, dégoulinant de générosité, pour aller fleurir de sa sueur quelques dunes de sable, au point d’explosion du souverain Empire du Mali, à la frontière Mali-Burkina.
Joseph Owona a tant aimé les Hommes qu’il s’est attaché à tous. En retour, tous lui ont été fidèles, pour la vie, à vie. On en parlera encore !

Bon repos vaillant guerrier Ekang !

Mvambodo Ya Ngonwa

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