Jeux de hasard et d’argent au Cameroun entre logique et illogisme

 *Dr Ariel Christian Menye Noah

Ph/d en science politique*

 

Au Cameroun, selon la loi nº2015/012 du 16 juillet 2015 fixant le régime des jeux de divertissement, d’argent et de hasard, les mineurs n’ont pas le droit de jouer à des jeux de hasard légalisés, les adolescents participent souvent à des jeux de hasard soit légalisés (jeux vidéo, loterie) soit autonomes (jeux des cartes, paris sportif, paris hippique). Les jeux de hasard sont une pratique très ancienne. En effet, on en trouve les traces dans l’ancienne Babylone (chez les Suméro-babyloniens), c’est à dire 3000 ans Av. J.C. Par définition un jeu de hasard et d’argent est une activité dont l’issue repose principalement ou totalement sur le hasard et implique au préalable une mise irréversible d’argent ou celle d’un objet de valeur (Arseneault, La douceur et Vitaro,2001). C’est « l’acte de parier » qui spécifie la pratique des jeux aléatoires et se caractérise par l’engagement d’une mise ; c’est donc une activité à risque.

Selon la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan, les personnes qui s’adonnent aux jeux de hasard (gambling) peuvent développer une forte dépendance. Dans ce cas, il s’agit d’une addiction. C’est une pathologie, un trouble qui consiste en des épisodes répétés et fréquents du jeu qui dominent la vie du sujet au détriment des valeurs et des obligations sociales, professionnelles, matérielles et familiales.

De ceci on pourrait s’interroger sur les motivations des camerounais à s’adonner à cette activité.

Deux principaux facteurs explicatifs peuvent être énumérés:

-Le facteur sociopolitique, la recherche d’une socialisation. Le but premier du jeu est d’obtenir une activité de loisirs ou un entraînement d’ordre physique ou psychique. La présence aléatoire dans le jeu permet d’ajouter une part d’imprévisibilité d’où le rêve. Aussi le jeu peut lutter contre l’ennui et oublier les injustices et les frustrations sociales. Car la réussite sociale au Cameroun par le biais du travail est devenue aléatoire. Aussi, les jeux de hasard et d’argent représentent aujourd’hui pour la majorité des camerounais une possibilité d’ascension sociale que le travail permet moins voire ne permet plus.

-Le facteur économique, l’augmentation des prix des denrées alimentaires sur le marché et la rareté de certains produits, maintient la conception du parieur qu’il peut vivre des revenus du jeu. En réalité, sa motivation première est de gagner de l’argent.

À contrario au-delà des facteurs explicatifs logiques suscités, les jeux de hasard et d’argent ont un impact négatif sur notre société qui se veut émergente en 203. Selon le psychanalyste Edmund Bergler les jeux de hasard et d’argent développent une forte dépendance chez le sujet pathologique. Il en ressort six caractéristiques essentielles :

*Il joue régulièrement

*Le jeu prévaut sur tous les autres intérêts

*Il est optimiste malgré les expériences répétées d’échec

*Il ne s’arrête jamais tant qu’il gagne

*Il a le goût du risque malgré les précautions prises préalablement

*Il existe chez lui un vécu subjectif de <<thrill>> durant la phase de jeu.

Aussi le jeu peut devenir un vrai cauchemar. En effet, il y’a des conséquences sur l’ensemble de la vie du joueur.

-D’un point de vue financier, le risque d’endettement est important ;

-D’un point de vue psychologique, le joueur peut être un danger pour la société. Lorsqu’il ne peut pas jouer une sorte de frustration se crée en lui entraînant la violence et des changements d’humeurs ;

– Dans sa vie professionnelle il peut manquer d’intérêt et parfois ne plus venir au travail, ce qui peut conduire au licenciement.

En définitive la société camerounaise accro aux jeux de hasard et d’argent ne peut aspirer au développement. L’émergence passe par le travail et non par l’oisiveté et la facilité. J’interpelle ainsi nos décideurs sur les impacts des jeux de hasard et d’argent dans notre société. Cette problématique mérite d’être implémentée dans les programmes éducatifs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *