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Issa Hayatou : La part d’un héros dans la CAN

Il est l’artificier en chef de la promotion du football africain depuis trois décennies. N’en déplaise à l’exécutif de la Fifa, qui profite du tournoi en cours pour renforcer le halo de mépris vis-à-vis de l’ancien président de la CAF… dans son propre pays.

Issa Hayatou éloigné de la grande fête du football dont son pays est le théâtre depuis le 9 janvier dernier. «C’est pire que tout; l’histoire de la CAN 2021 ne pourra être que honteuse et ne devra se lire qu’à travers le prisme de ceux qui ont suspendu ce Camerounais, qui a pourtant beaucoup œuvré pour le football africain». Très remonté au cours d’une interview qu’il accorde à un collectif de journalistes de son pays ce 17 janvier 2022, l’artiste-musicien ivoirien regrette que «la suspension d’un an de toute activité relative au football, infligée à l’ancien président de la CAF par la chambre de jugement de la Commission d’éthique de la Fifa a des effets secondaires très dramatiques».

Cela est vrai: en plus d’être banni de la CAN 2021, Issa Hayatou ne pourra pas se rendre à Cotonou pour assister au tournoi international de football des centres de formation d’Afrique. Porté par la Fondation internationale Issa Hayatou (dont la mission est de promouvoir le football de base en Afrique), l’événement est prévu du 22 au 26 février 2022 dans la capitale béninoise. «Asphyxier un homme empêtrée dans la difficulté; c’est de cela qu’il s’agit», commente un membre du Fan club Dr Issa Hayatou.

Issa Hayatou , merci…

Cependant…
L’opinion sportive n’est pas anesthésiée. Réclamant la réhabilitation de l’ancien président de la CAF, un discours se diffuse depuis peu à travers l’Afrique. À défaut de réaliser le «grand œuvre» du plaidoyer, ce discours entend raviver chez tous (la Fifa en premier) le sens du sacré. C’est sur cette ligne qu’il faut lire la sortie de Fouzi Lekjaa sur RFI. «Inviter les anciens présidents de la CAF est un impératif, c’est une reconnaissance d’une histoire qui servira pour construire l’avenir», a estimé le président de la fédération marocaine de football.

Ce dernier semble indiquer que la dramaturgie activée discrètement par l’exécutif de la Fifa a été conçue pour renforcer le halo de mépris vis-à-vis de Issa Hayatou dans son propre pays. Versant dans une approche marketing discrètement assumée derrière la CAF, la Fifa a réussi à positionner son message au sein du Comité d’organisation de la CAN 2021. C’est du moins ce qu’affirment quelques sources de première main au sein de cette instance. À écouter les uns et les autres, la grossièreté des artifices a atteint le ridicule quand des «prêt-à-diffuser» ont été servis à quelques correspondants de médias internationaux.

Gianno Infantini
A-t-il personnellement œuvré pour la mise à l’écart de Issa Hayatou pendant la CAN 2021? Quelques phrases de Gérard Dreyfus le laisse soupçonner. «Gianni Infantino qui n’avait pas peu contribué à sa défaite de mars 2017 pour la reconduction de son mandat à la tête de la CAF, bafouant les règles les plus élémentaires de la neutralité. Comme par hasard, il a décidé de le suspendre de toutes ses activités dans le football pour une année sachant qu’il le désignait persona non grata pour la CAN», écrit l’ancien responsable du service des sports de RFI sur son site lavoixdufootafricain.com.

Dans la même publication, le journaliste en appelle à une héroïsation de celui qu’il reconnait comme «un grand Camerounais et un grand Africain». «Je vous suggère le jour de la cérémonie d’ouverture, et à chaque fois que le président de la FIFA se montrera dans un de vos stades, de scander, dans une ola, HA…YA…TOU», exhorte Gérard Dreyfus. Ceux qui l’ont compris ont été repérés à Garoua le 15 janvier dernier. Dans une scénographie grandiloquente, ils ont dit «merci» au «prince de Garoua pour la CAN 2021» et «non à l’injustice» contre celui qui «a présidé 29 ans sans faute à la CAF et à la Fifa».

Jean-René Meva’a Amougou

Chronique de la CAN

Hommage

Pourquoi, en 10 ans, la CAN s’est jouée en Afrique centrale? Sur le plateau d’une télévision privée camerounaise, quelqu’un a tenté de répondre à cette question le 17 janvier dernier. «D’un point de vue global, le football fonctionne comme une industrie redistribuant ses ressources verticalement, mais la distribution de la valeur ajoutée n’est pas par définition plus égalitaire parce que le football est un sport». Voilà l’élément que l’on peut retenir de sa longue réponse. Seulement, en caricaturant, le débat était un peu «pourquoi le Gabon, la Guinée Équatoriale et le Cameroun ont eu les faveurs de la CAF pour organiser les CAN 2012, 2017 et 2021?». Une question très difficile tant il est risqué de réécrire l’histoire ou de juger le passé avec les critères du présent.

En tout cas, faisons l’hypothèse que l’Afrique centrale n’ait, en 10 ans, rien à proposer au football continental. Très vite, l’on se rend compte qu’en encourageant les fédérations de football de la sous-région à présenter leurs candidatures, la CAF a adopté une vraie position «politique». À savoir que si l’on gardait le système en vigueur où les candidatures sont ouvertes à tous, celles adressées par les pays présentant des plans de stades à construire seraient toujours défavorisées et donc écartées au profit de celles des pays qui, à la place de dessins, présentent des clichés de stades déjà existants. Est-ce assez? Sans doute non.

Et là, il faut rendre un grand hommage à Issa Hayatou. Pour ceux que ce nom intéresse, il ne fait guère de doute qu’il a pesé de tout son poids pour que l’Afrique centrale accueille aussi la CAN. Pendant très longtemps, avec le Congolais Pierre Moussa (ancien président de la Commission de la Cémac), le Camerounais a joué un rôle de porte-drapeau positif d’une sous-région qui avait beaucoup moins d’atouts à faire valoir en matière d’infrastructures capables d’abriter la CAN d’une part, et dont la gouvernance du football était accusée de ne pas être à la hauteur des attentes de l’opinion publique internationale d’autre part. Dans son rôle de président de la CAF d’alors, Issa Hayatou avait pris la chose très au sérieux et dénoncé vertement ce qui, à ses yeux, n’était qu’un contresens sportif. Qu’il soit «éloigné» de la CAN TotalEnergies 2021, la faute sans doute à l’angle choisi par ses adversaires, tant les méthodes de ces derniers conjuguent irrespect et ignorance.

Jean-René Meva’a Amougou

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