En trois ans, Bruxelles ambitionne d’attirer sur le continent africain des milliers de milliards de francs CFA d’investissement. Objectif : attaquer les causes profondes de la migration irrégulière.
Les décisions prises lors du cinquième sommet Union africaine (UA) – Union européenne (UE) tenu les 29 et 30 novembre 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire sont déjà implémentées. L’UA, l’UE et le groupe de travail mixte des Nations unies viennent d’adopter une feuille de route pour l’évacuation par voie aérienne des migrants séquestrés en Libye. Dans la foulée de la lutte contre les migrations irrégulières, il y a le lancement du plan d’investissement extérieur (PIE) de l’UE. Doter d’un budget de 4,1 milliards d’euros (près de 2700 milliards de francs CFA), le PIE aspire à encourager l’investissement en Afrique et dans les pays voisins de l’UE. L’objectif est de mobiliser 44 milliards d’euros (près de 29.000 milliards de francs CFA) d’investissement d’ici 2020. Le but ultime est de créer de nouvelles possibilités d’emploi pour les jeunes sur l’ensemble du continent africain. Dans ce dossier, le journal Intégration vous présente les contours de ce plan. Il explore aussi l’avenir des relations entre l’Afrique et l’Europe après l’accord de Cotonou. Cet accord qui encadre la coopération entre les deux parties arrive à échéance en juin 2020.
Il ne suscite pas autant de commentaires que la déclaration commune sur la situation des migrants en Libye. Mais le nouveau plan d’investissement extérieur (PIE) de l’Union européenne (UE) fait partie des grandes annonces du 5ème sommet Union africaine (UA) – UE du 29 – 30 novembre dernier à Abidjan en Côte d’Ivoire. De la présentation faite aux chefs d’Etat africains, on retient qu’avec le PIE, les 27 Etats membres de l’UE ambitionnent de mobiliser pour le continent et certains pays au voisinage de l’UE, 44 milliards d’euros (près de 29.000 milliards de francs CFA) d’investissement en trois ans (2018-2020). En stimulant l’investissement public et privé, l’UE espère «venir à bout des obstacles à la croissance dans nos pays partenaires, créer de nouvelles possibilités d’emploi pour les jeunes sur l’ensemble du continent africain» et partant, lutter contre le chômage, l’une des causes profondes de la migration irrégulière.
Lors du sommet et des forums organisés en marge des travaux, il est apparu qu’investir dans la création d’emplois pour les jeunes est une priorité absolue pour l’Afrique comme pour l’UE. En effet, 60 % de la population africaine a moins de 25 ans. Le sixième forum d’affaires UE – Afrique, qui a rassemblé le 27 novembre 2017 au Palais de la culture d’Abidjan les représentants des secteurs public et privé des deux continents sur «la création d’emplois pour les jeunes», a montré l’ampleur de la tâche: «Le chômage des jeunes constitue une question de développement pressante pour l’Europe et l’Afrique : d’ici à 2050, la population des jeunes du continent africain devrait doubler, mais pour les 10 à 12 millions de personnes qui, selon les estimations, intègrent le marché du travail chaque année, seuls 3 millions d’emplois dans l’économie formelle seront créés», lit-on dans le rapport dressé à l’issue de cette rencontre.
Ensemble, l’UE et ses Etats membres sont les premiers donateurs mondiaux d’aide au développement. Ils ont fourni pour 75 milliards d’euros d’aide en 2016, soit près de 60% de l’aide totale. Mais avec le temps, les 27 se sont rendus compte que «l’aide traditionnelle au développement ne peut à elle seule relever le défi de parvenir à un développement durable. Elle doit être complétée par d’autres instruments pour mieux utiliser et optimiser les fonds publics de plus en plus limités».
A travers le PIE, l’Union européenne veut donner l’exemple en développant des partenariats plus efficaces, allant au-delà de l’aide traditionnelle au développement. Comment les 4,1 milliards d’euros (près de 2700 milliards de francs CFA) de la Commission européenne seront-ils utilisés ? Concrètement, cet argent servira par exemple de garantie auprès des banques, pour qu’elles financent les PME. Une partie de l’argent servira aussi à apporter l’assistance technique (Conseils, tutorat…) à ceux qui entreprennent sur le continent, de préférence dans les énergies renouvelables et la connectivité, l’agriculture, l’agro-industrie et le numérique.
Mais tous les pays ne bénéficieront pas du même volume de financements. Car le PIE est soumis au principe de la concurrence, avec des ressources limitées par rapport aux besoins globaux de l’Afrique. Les premiers venus avec des projets respectant les critères de bancarisation seront les premiers servis. Les Etats africains devraient donc prévoir un accompagnement étroit du secteur privé dans l’ensemble du processus. Une opportunité pour le programme de promotion des champions nationaux que met par exemple en place en ce moment un pays comme le Cameroun.
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Ils ont dit
Federica Mogherini, vice-présidente de la Commission européenne
«C’est le plan dont l’Afrique a besoin»
Moins de 10 pour cent des investissements directs étrangers en Afrique sont réalisés dans des régions fragiles, alors que ce sont elles qui en ont le plus besoin. Nous voulons faire de notre Plan d’investissement extérieur le puissant moteur d’une croissance plus inclusive et durable, pour créer une énergie verte, donner de nouvelles possibilités aux entrepreneurs, également dans l’Union européenne, aux jeunes et aux femmes pour les rendre autonomes. C’est le plan dont l’Afrique a besoin; il répond aux demandes de nos partenaires africains et exprime tout le potentiel du partenariat européen.
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Neven Mimica, commissaire chargé de la coopération internationale et du développement
«Une nouvelle approche pour éradiquer la pauvreté»
Notre Plan d’investissement extérieur instaure une nouvelle approche pour éradiquer la pauvreté et parvenir à un développement inclusif et durable. En faisant appel notamment au financement privé, notre contribution de 4,1 milliards d’euros mobilisera jusqu’à 44 milliards d’euros d’investissement qui ne seraient pas réalisés autrement. Il revient maintenant à tous les acteurs clés du secteur privé en Europe et dans nos pays partenaires d’unir leurs efforts aux nôtres pour instaurer une croissance durable et créer des emplois décents au bénéfice de tous.
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Johannes Hahn, commissaire pour la politique européenne de voisinage et les négociations d’élargissement
«De nouvelles possibilités commerciales aux entreprises de l’UE»
L’Europe doit faire face à de nombreux défis, tant à l’intérieur de ses frontières qu’à l’extérieur, qui devraient s’amplifier dans le futur avec l’intensification de la pression démographique, de la mobilité, des conséquences du changement climatique et à cause des conflits régionaux en cours. Elle a tout intérêt à ce que nous œuvrions tous en faveur d’une croissance économique durable et équilibrée dans nos pays partenaires. La participation du secteur privé et l’instauration de l’environnement le plus propice à son épanouissement étaieront ces efforts. En stimulant la croissance durable chez nos partenaires d’Europe et d’Afrique, nous offrons également de nouvelles possibilités commerciales et d’investissement aux entreprises et investisseurs de l’UE.