Industrialisation et diversification économique en zone Cemac: la CEA veut mieux faire

Au cours de l’atelier régional qui s’est tenu du 22 au 26 mai 2023 à Douala, les chiffres des produits manufacturés présentés montrent à suffisance que l’Afrique centrale en termes de valeur ajoutée est quasi nulle.

Photo de famille à l’entame de l’atelier régional

Les secteurs industriels et manufacturiers en Afrique centrale montrent des signes de stagnation, malgré un contexte macro-économique relativement favorable. «La contribution de l’Afrique centrale en matière de valeur ajoutée manufacturière est presque quasi nulle. Cela veut dire que pratiquement, nous ne produisons pas assez en matière de valeur ajoutée manufacturière. Nous n’ajoutons presque rien en termes de transformation pour tout ce qui concerne nos matières premières stratégiques. Nous n’échangeons que 2% de produits manufacturés. L’Afrique centrale produit et exporte pour enrichir les autres». Adama Ekberg Coulibaly, le représentant de la CEA lors de l’atelier régional, est amer. Cela démontre à suffisance que l’Afrique centrale ne suit pas la bonne démarche.
Alors que la croissance moyenne a atteint près de 4% au cours des deux dernières décennies, le taux d’industrialisation moyen est resté autour de 12%. De plus, les économies de la région demeurent peu diversifiées, avec une forte concentration des exportations sur les produits de base, tels que les produits pétroliers et miniers, qui représentent près de 92% du total des exportations.

Quant aux zones économiques spéciales (ZES), elles affichent de médiocres résultats en termes d’emploi et de modestes retombées en productivité. «Les entreprises qui s’y sont installées exigeaient souvent un niveau de compétences et de qualité que le vivier local ne pouvait pas fournir. Il s’en est suivi des effets d’enclave, avec la formation de poches isolées de croissance n’engendrant pas suffisamment de liens de production et de «ruissellement» technologique pour l’économie», est-il expliqué.

Pour sortir de ce bourbier, «il faut équiper les économies de notre sous-région de stratégies, mais surtout de plan d’action. Comment faire pour que les documents qui sont dans les tiroirs et les stratégies qui sont sur papier deviennent désormais des feuilles de route (plans) pour les 11 économies de l’Afrique centrale. Mais, aller même au-delà des plans. Faire en sorte que nous puissions adopter de manière systématique la chaîne des valeurs opérationnelles à travers un outil qui a fait ses recettes partout dans le monde, ce sont les zones économiques spéciales», ajoute l’expert de la CEA. En gros, «il s’agit de nous inscrire dans une logique de transformation sur place de nos produits stratégiques, de nos minerais critiques. Faire en sorte qu’on puisse avoir de la valeur ajoutée, créer de la richesse sur place», dit-il.

Diane Kenfack

Stratégie industrielle et commerciale

Cameroun, le bon élève de la CEA

Le pays d’Afrique centrale se positionne comme la future grande usine de l’Afrique centrale.

 

L’environnement économique est toujours aussi complexe et en pleine mutation. Mais, le Cameroun s’y est arrimé. Les tendances sur le lieu et la manière dont la valeur ajoutée est créée se sont accélérées, créant une incertitude sur la compétitivité dans les chaînes de valeur du futur. La digitalisation change la manière dont les activités sont organisées au sein des entreprises et entre elles, ainsi que leurs relations avec les consommateurs. Les nouvelles configurations de la demande, ainsi que les incitations offertes appellent à des modes de production et de consommation plus écologiques et plus durables. Fort de ces caractéristiques, le Cameroun s’est doté d’une stratégie d’industrialisation en abrégé (PDI), dont l’objectif est d’accroître la contribution du secteur industriel dans le Pib en vue d’en faire l’usine de la nouvelle Afrique industrielle à l’horizon 2050, en cohérence avec l’agenda 2063 de l’Union africaine en passant par le statut de nouveaux pays industrialisés à l’horizon 2035. «La stratégie nationale d’industrialisation ambitionne de faire de notre pays le nourricier, le commutateur et l’équipementier de la CEEAC et le Nigeria (qui représente pour nous un partenaire technique et commercial avec lequel il faut absolument composer). En outre, le Cameroun dispose d’une stratégie nationale de mise en œuvre de la Zlecaf qui s’inscrit dans la perspective d’accroître les exportations du Cameroun vers le vaste marché continental de plus de 1,3 milliards de consommateurs et de stimuler la diversification horizontale et verticale de son économie», a affirmé Anne Ndi Omgba, représentante ministère des Mines, de l’ Industrie et du Développement technologique (Minmidt).

Dans le contexte de formulation des stratégies communes au niveau régional sur le plan industriel, «le Cameroun a été très répondant à la faveur de la mise à disposition du projet de stratégie du Plan directeur d’industrialisation et diversification économique. Le pays a fait appel à la Commission économique des Nations unies (CEA) pour l’appuyer afin de faire en sorte que les grandes orientations et les piliers du plan de développement industriel du Cameroun soient ajustés pour prendre en compte les dernières recommandations qui ont été faites au terme de nos travaux pour pouvoir bien renforcer les piliers du (PDI)». En plus, «le Cameroun est en mouvement. Au fur et à mesure que l’environnement international change, des actions sont prises en étroite liaison avec la CEA. Nous voulons faire du Cameroun l’atelier pour la transformation industrielle, une base manufacturière de classe mondiale», a affirmé Adama Ekberg Coulibaly, représentant de la CEA.

Durant l’atelier, la CEA a aussi proposé d’enrichir et de compléter les projets de cadre opérationnel du plan directeur d’industrialisation et de diversification économique pour l’Afrique centrale et de stratégie régionale de mise en œuvre de la Zlecaf. «Il s’agit pour nous d’une opportunité unique de nous assurer qu’à la sortie de cet atelier, que ces documents prendront en compte nos visions nationales. Pour nous, la route menant vers la réalisation d’une vision commune est très claire. Elle est ancrée dans l’accélération de la diversification économique de notre pays grâce à l’industrialisation impulsée par l’exploitation durable de nos ressources naturelles fort heureusement abondantes et induite par le commerce», renchérit la représentante du Minmidt.

DK

 

Intégration régionale

L’Afrique centrale encore à la traine

Le débat public houleux et contradictoire tenu à la Fondation Muna le 24 mai dernier passe au scanner les couacs de la libre circulation des personnes et des biens au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Les pouvoirs publics et les communautés interpellés.

 

Le retard de l’intégration régionale dans la zone CEEAC au cœur du débat organisé le 24 mai dernier en présentiel à Yaoundé par Nkafu Policy Institute. Le thème de cette conférence repose sur un postulat: «la réalisation de l’intégration régionale en Afrique centrale résulte de la volonté des peuples». Cet énoncé affirmatif laisse entendre que la volonté politique à elle seule ne suffit pas. «Car dans les sous-régions où l’intégration donne des signaux positifs, c’est là où les peuples sont mis à contribution. Les cas de l’Afrique de l’Ouest et Australe sont parlants. C’est d’abord la communauté des peuples qui fait bouger les choses», martèle Barnabé Okouda, directeur du think tank Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (Camercap-parc). Et de poursuivre: «il faut que les différents peuples atteignent la masse critique qui peut faire bouger les lignes, et c’est ce travail qui doit être fait». Une posture à laquelle son interlocuteur Jean Cédric Kouam tente d’apporter des limites. Ce dernier plonge le public dans les méandres des missions de la CEEAC. Il donne à savoir que le processus d’intégration devrait en réalité se faire sous la conduite de la CEEAC depuis le 18 octobre 1983. Elle a enregistré des succès dans certains domaines. En revanche, les résultats en termes de promotion d’un marché plus large et plus efficace ne sont pas atteints. «Alors qu’il s’agit là même de l’objectif ultime commun à la plus grande institution communautaire», souligne le directeur des affaires économiques à l’institut Nkafu Policy.

Selon jean Cédric Kouam, plusieurs facteurs expliquent les mauvaises performances de la CEEAC en matière d’intégration. Ils sont d’ordres transculturel, macroéconomique, d’intégration productive, de libre circulation des personnes… A n’en point douter, pour le cadre de Nkafu Policy, le principal facteur c’est le manque «de volonté politique des dirigeants». Les faibles performances de l’Afrique centrale en matière d’intégration régionale ne peuvent être attribuées à «la volonté des peuples, mais plutôt à un manque d’engagement réel des décideurs. Car la volonté politique peut à elle seule nous aider à répondre efficacement aux crises auxquelles l’Afrique centrale est confrontée», précise-t-il. Et de poursuivre: «le manque de volonté politique réduit les niveaux de mise en œuvre de nombreuses décisions prises à la fois au niveau de la CEEAC et au niveau des États». Comme illustration à ce manque de volonté politique, la fusion Cemac-CEEAC reste préoccupante.

Rationalisation des CERS
La rationalisation des Communautés économiques régionales (CERS) en Afrique centrale est plombée par des égoïsmes des dirigeants. «En mars dernier, au lieu que la Cemac se mette dans un processus de fusion-absorption, elle s’est mise encore dans une posture d’autonomie», regrette Barnabé Okouda, directeur du think tank (Camercap-parc). La volonté sur la rationalisation est déjà affichée, il faut l’appliquer. «C’est le rythme de sa mise en œuvre par les communautés qui fait problème», laisse-t-il cependant entendre.

Recommandations
Nonobstant les points de vue divergents sur les acteurs qui doivent accélérer l’intégration au sein de la CEEAC, les panelistes proposent des recommandations. Il faut que les acteurs politiques soient au cœur de l’intégration, car sans la volonté politique, le processus d’intégration n’avancera pas. Il faut un cadre de concertation entre les différents acteurs sociaux, il faut à cet effet «une décolonisation des pouvoirs», puisque les États sont englués dans la centralisation. Il faut par ailleurs la culture et l’éducation des masses. Regards tournés vers les médias et la société civile. Il faut aussi améliorer le climat des affaires, développer les infrastructures et les chaines des valeurs.

Olivier Mbessité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *