Home PANORAMA Un scrutin essentiel mais…entre promesses de décentralisation et batailles d’influence

Un scrutin essentiel mais…entre promesses de décentralisation et batailles d’influence

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Alors que les élus locaux procèdent à l’élection des conseillers régionaux, une tension sourde traverse le pays. Officiellement, ce scrutin ambitionne d’accélérer une décentralisation promise depuis près de trente ans. Mais derrière l’apparente normalité institutionnelle, se jouent des enjeux autrement plus complexes : redistribution du pouvoir, rapports de force territoriaux, autonomie économique des régions, et contrôle politique du territoire.

Une élection stratégique mais peu visible

Ce dimanche, les conseillers municipaux et chefs traditionnels, corps électoral de ce scrutin, désignent les prochains conseillers régionaux. Un vote que le gouvernement présente comme « un pas décisif vers la décentralisation », mais qui peine à mobiliser l’opinion. Pour Dr. Pierre Mba, analyste politique, cette discrétion n’est pas anodine : « les élections régionales sont essentielles pour l’avenir du pays, mais elles restent volontairement peu médiatisées. Leur importance politique dépasse largement leur visibilité publique ». Sur le terrain, le RDPC mise sur sa force territoriale pour verrouiller la majorité des exécutifs régionaux. L’opposition, elle, est presqu’absente. Et pourtant, une décentralisation sans contre-pouvoirs serait une coquille vide.
Les élites traditionnelles et économiques s’activent également. Les chefferies et les maires, conscients du rôle que joueront les régions dans la distribution des ressources, cherchent à consolider leur influence.

Le rôle central mais méconnu des futurs conseillers régionaux

Les conseillers régionaux, encore invisibles aux yeux du grand public, seront pourtant les futurs architectes du développement territorial. Leur mandat couvrira des missions cruciales dont la planification de l’aménagement du territoire ; l’orientation des investissements régionaux ; la supervision des compétences transférées, la coordination des politiques locales ; et l’arbitrage des tensions entre communes, élites administratives et populations.
Mais leur efficacité dépendra d’un point : la réalité du transfert des moyens. Mme Grâce Abessolo, experte en gouvernance locale, prévient :« sans ressources financières conséquentes, les régions ne pourront pas exercer leurs compétences. On risque de créer des institutions décoratives, sans pouvoir réel ».

Transferts de compétences : entre promesses et frustrations

Sur le papier, l’État a commencé à transférer certaines compétences (éducation de base, santé primaire, gestion de certaines infrastructures). Dans les faits, l’on dénonce un transfert incomplet ou mal financé. À Yaoundé, le discours reste optimiste. Mais dans les régions, le ton change. À Garoua, Senna Abdoul, un élu local confie :« on nous transfère des charges sans transférer les budgets. C’est une décentralisation à contraintes, pas une décentralisation de développement ». Un sentiment partagé par de nombreux élus. Le Dr. Arouna Issa, expert en finances publiques, résume : « tant que la fiscalité locale restera sous contrôle central, les régions n’auront qu’une autonomie administrative. Or la décentralisation est d’abord une affaire d’argent ».

Réduire les fractures régionales

Le Cameroun demeure marqué par d’importants déséquilibres entre les zones urbaines et rurales, entre les régions littorales et septentrionales, entre les zones forestières et sahéliennes. Les nouvelles régions seront-elles capables de corriger ces inégalités ? Pour Hélène Kouam, urbaniste et observatrice nationale, la réponse dépendra de leur liberté d’action :« les régions peuvent devenir de véritables moteurs de cohésion territoriale, mais seulement si elles disposent de marges d’innovation et de financement ». Les défis sont immenses : enclavement des zones rurales ; accès inégal aux services publics ; urbanisation mal maîtrisée ; conflits fonciers ; pressions climatiques dans le Nord ; et migrations internes croissantes. À Tcholliré, un jeune éleveur résume les attentes locales :« nous, on veut juste des routes, des écoles, des vétérinaires, de l’eau. Si les régions peuvent faire ça, alors oui, c’est une bonne chose ».

Une société civile vigilante, mais dubitative

Les organisations citoyennes suivent le processus avec attention. Pour certaines plateformes citoyennes : « cette élection est une opportunité historique, mais elle risque d’être confisquée par les élites politiques. Et pourtant, les populations doivent sentir qu’il s’agit d’un changement concret, pas d’une formalité administrative ». Plusieurs ONG déplorent également l’absence de communication publique et la faible information mise à disposition des citoyens.

Tom.

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