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Industries extractives : Flexicadastre hors-ligne

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Le sous-sol camerounais invisible sur Flexicadastre depuis peu...

Mise en place en 2017 avec l’appui financier de la Banque mondiale et développé par le cabinet sud-africain Spatial Dimension, la plateforme électronique à travers laquelle se fait consultation publique et gratuite des titres miniers ne livre plus d’informations sur le Cameroun.

Le sous-sol camerounais invisible sur Flexicadastre depuis peu…

En un clic, opérateurs et investisseurs pouvaient vérifier la disponibilité des espaces libres, identifier les titulaires de permis et suivre les dates d’expiration. Seulement, depuis le 3 novembre 2025, le cadastre minier en ligne du pays est hors service. Une situation lourde de conséquences, qui soulève de graves interrogations sur la gouvernance des ressources extractives et menace directement la crédibilité internationale du Cameroun, notamment au sein de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Alors que de nombreux États africains rivalisent d’innovations pour rendre leurs données minières accessibles et attirer les investisseurs, le Cameroun semble, lui, faire machine arrière. Le système Flexicadastre, mis en place en 2017 avec l’appui financier de la Banque mondiale et développé par le cabinet sud-africain Spatial Dimension, permettait jusque-là une consultation publique et gratuite des titres miniers, vérifier la disponibilité des espaces libres, identifier les titulaires de permis et suivre les dates d’expiration.

Au-delà de l’impact économique, la suspension du cadastre électronique compromet gravement le statut du Cameroun au sein de l’ITIE, dont l’une des exigences fondamentales impose la mise à disposition publique d’un registre des licences à jour. Déjà sous le coup d’une suspension, le pays s’expose désormais à une exclusion pure et simple pour violation manifeste de la norme 2.3.b.

Hypothèses
Trois hypothèses principales expliquent l’arrêt de Flexicadastre : un défaut de paiement des redevances de licence, un non-respect des engagements de transparence vis-à-vis de l’opérateur technique, ou un retrait unilatéral au profit d’un autre système, hypothèse jugée peu crédible. Quelle que soit la cause réelle, les conséquences sont lourdes pour l’attractivité du secteur minier camerounais.
Ironie de l’histoire, ce sont les propres services du ministère en charge des Mines qui justifiaient, à l’époque, la nécessité de cet outil par les multiples dérives observées : chevauchement des titres, lenteur excessive des procédures, absence de registre fiable, inexistence d’une carte cadastrale et opacité dans l’attribution des permis. Flexicadastre devait y mettre fin en garantissant traçabilité, sécurité juridique et transparence. Huit ans plus tard, le retour à l’obscurité numérique fait ressurgir les vieux démons. Depuis la mise hors ligne du système, les opérateurs ne peuvent plus vérifier l’état du domaine minier sans passer physiquement par l’administration. Des informations concordantes font état de pratiques de corruption renaissantes, pour obtenir des données autrefois accessibles librement. Le risque de superposition des permis réapparaît, tout comme celui d’une érosion des recettes issues de la taxe superficiaire.

Dans un contexte où les autorités affichent l’ambition de faire du Cameroun une destination minière de premier plan, la panne de Flexicadastre sonne comme un fâcheux signal. Elle fragilise la confiance des investisseurs, retarde les projets et hypothèque les espoirs d’emplois pour de nombreux jeunes ingénieurs et techniciens.

Face à cette dérive, de nombreuses voix appellent à une refonte en profondeur de la gouvernance minière, à l’ouverture d’un audit indépendant et à la restauration immédiate des outils numériques. Sans cela, le Cameroun pourrait perdre bien plus qu’un simple logiciel. À défaut d’une réaction rapide et structurante, le secteur minier risque de redevenir un terrain propice à l’opacité, aux spéculations et aux pratiques d’un autre âge.

Ongoung Zong Bella

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