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De la fragilité de la vie

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Pourquoi, dans une société comme la nôtre, avons-nous choisi la dureté face à une réalité aussi fragile que la vie humaine ? Ce qui nous pousse, parfois, à chercher des soins en Occident, ce n’est pas seulement la qualité de la médecine : c’est d’abord le sentiment que là-bas, la vie humaine a de la valeur — une valeur portée par les individus, inscrite dans l’organisation de la société et jusque dans la manière de faire de la politique. Reconnaître que nos vies ne tiennent qu’à un fil, voilà ce qui structure ces pays développés.

Sans accuser globalement nos personnels soignants, nul n’ignore pourtant la violence avec laquelle tant d’infirmiers (ères) traitent les malades dans nos hôpitaux. Il n’y a qu’à voir qui Paul Biya a chargé de s’occuper de la santé des Camerounais. Nous vivons chaque jour, dans ce pays, une véritable condamnation à mort, un kon qui ne dit pas son nom.

Il y a quelques semaines, lorsque la rumeur a circulé qu’Anicet Ekane était mort. J’ai fait un post disant « ils ont tué Anicet Ekane » — rumeur partie d’une information relayée par sa sœur — j’ai réagi sous le coup de cette colère contre le peu d’importance que la vie humaine est accordée par le système à nos vies, pire quand ils estiment que tu es un « opposant ». Une fois le démenti publié, j’ai reçu un message demandant : « Où en sommes-nous avec le corps ? » Le reste du message n’était qu’insultes. J’ai répondu que, dans cette annonce, il n’y avait aucun crime, seulement une inquiétude pour une vie humaine. Et que je refuse de devenir ce que certains veulent faire de nous : des gens indifférents au sort de leurs semblables, des gens qui n’attendent que d’être frappés eux-mêmes pour ressentir quelque chose.

Par curiosité, j’ai voulu savoir qui m’avait écrit. C’était l’un de mes anciens cuisiniers, caché derrière un pseudonyme. Je lui ai demandé de mettre la politique de côté, d’oublier un instant qu’il soutient Paul Biya, et de me dire où était ma faute. Il m’a simplement répondu : « C’est vous qui voulez mettre le pays à feu et à sang. Il faut vous stopper. »

Je n’ai pas pu poursuivre. Je lui ai seulement dit combien j’ai eu froid dans le dos en réalisant que cet homme avait autrefois préparé mes repas.

Anicet Ekane est mort, non. Anicet Ekane ne pouvait pas simplement « mourir ». Ils ont tué Anicet Ekane — comme ils tuent des Camerounais tous les jours — à travers cette somme de petites méchancetés, d’humiliations qui semblent procurer tant de satisfaction à ceux que le pouvoir a rendus ivres. À ces gens-là, certains répondent non sans un défaitisme cruel: « Restez, ne pas mourrir. »

Eux, ils ont fait ce qu’ils avaient à faire. À nous maintenant de donner le sens que nous voulons à la mort d’Anicet Ekane. Une chose est certaine : justice doit être faite.

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