Home PANORAMA Salubrité publique : au cœur de la version Garoua

Salubrité publique : au cœur de la version Garoua

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Garoua, la belle

À Garoua, même le vent semble s’être mis au parfum. Il circule, léger, sans soulever ces nuages de poussière ocre qui font éternuer les villes du Sahel. Les trottoirs sont nets, les caniveaux disciplinés, les rues tracées au cordeau comme un cahier d’écolier soigneux. Ici, la propreté n’est pas une promesse électorale : c’est un art de vivre, une fierté locale, presque une religion douce.

Garoua, la belle

« Chez nous, même la poussière finit par se sentir mal à l’aise ! » s’amuse Maman Aissatou, vendeuse d’arachides au marché central. Derrière elle, les étals brillent comme un sou neuf. Les déchets organiques sont triés, les seaux à ordure alignés, les balayeuses municipales en uniforme vert pistache s’affairent sous le soleil de dix heures. Pas un sachet en plastique ne s’échappe sans se faire rattraper. Garoua veille.

Une ville propre par conviction

Les autorités municipales n’aiment pas qu’on parle de miracle. « C’est du travail, tout simplement », tranche le maire adjoint, moustache conquérante et chemise repassée au pli militaire. « Nous avons compris que la propreté, c’est la première porte du développement. Quand les rues sont sales, personne ne veut investir. Quand elles sont propres, tout le monde sourit. »
Cette philosophie se voit dans chaque quartier. À Roumdé Adjia, les jeunes du comité d’hygiène passent chaque samedi armés de pelles, de brouettes et d’un enthousiasme contagieux. À Poumpoumré, les femmes de l’association « Cœur vert » plantent des fleurs sur les terre-pleins, entre deux gorgées d’eau tiède. Même les taxis-motos, ces rois du zigzag, transportent leurs clients avec un casque propre et un sourire poli — ou presque.

L’écologie au quotidien

Garoua n’a pas attendu les grandes conférences sur le climat pour comprendre que l’environnement, c’est d’abord le chez-soi. Dans les écoles, on apprend aux enfants à ne pas jeter les papiers dans la cour. « Chaque arbre planté ici, c’est une victoire contre la chaleur », explique Issa, élève de CM2 à l’école publique de Pitoa. Le petit garçon parle comme un ministre en herbe.Les environnementalistes saluent cette prise de conscience. « Garoua, c’est un laboratoire de citoyenneté écologique », analyse avec sérieux Dr Hamadou, spécialiste des politiques urbaines. « Les habitants ont intégré que la ville leur appartient. On ne salit pas ce qu’on aime.»

Un urbanisme à taille humaine

Ce qui frappe d’abord, c’est le tracé. Des avenues larges, des carrefours dégagés, des trottoirs qui laissent passer les poussettes et les palabres. « Garoua, c’est la ville des respirations », dit poétiquement un architecte local. Le soir, quand le soleil s’étire au-dessus du fleuve Bénoué, la ville s’adoucit. Les enfants jouent sur les places propres, les vendeuses rangent leurs paniers, et les lampadaires se reflètent sur un bitume sans tache. Même les marchés, d’ordinaire synonymes de désordre odorant, gardent ici une tenue de gala. Les commerçants balaient devant leurs stands avant même de vendre leurs légumes. « C’est notre image ! » s’exclame madame Binta, poissonnière au grand sourire. « Quand c’est propre, les clients reviennent. Quand c’est sale, ils partent en courant ».

Il y a, dans cette rigueur hygiénique, un écho de la discipline du Nord. Les habitants de Garoua sont connus pour leur respect de l’ordre, leur fierté tranquille et leur sens du bien commun. Mais la ville n’a rien d’austère. Le fleuve Bénoué lui prête sa nonchalance, sa musique d’eau. Entre la rigueur et la tendresse, Garoua a trouvé un équilibre rare. Dans les ruelles de Yelwa, un vieil homme sirote son thé en regardant passer la charrette municipale. Il hoche la tête avec satisfaction : « Avant, on marchait dans les déchets. Aujourd’hui, on marche dans la dignité. » Sa phrase vaut discours.

Un modèle inspirant

Le ministère de l’Environnement cite souvent Garoua comme exemple lors des conférences régionales. Des délégations de Maroua, Ngaoundéré, voire Yaoundé viennent y chercher la recette. Mais la ville garde son humilité. « Ce n’est pas une question de budget, c’est une question de mentalité », rappelle un conseiller municipal.

Dans un continent souvent caricaturé par ses déchets visibles, Garoua fait mentir les clichés. Elle prouve qu’une ville africaine peut être à la fois populaire et disciplinée, joyeuse et bien tenue, traditionnelle et moderne. Pas besoin d’être riche pour être propre ; seulement d’être décidé. Et quand le soleil tombe derrière les collines, que la ville s’endort dans un calme doré, on devine que cette propreté-là n’est pas qu’une affaire de balais. C’est un état d’esprit, une promesse silencieuse faite à soi-même : celle de mériter sa beauté.

Une poésie urbaine

À Garoua, on n’attend pas la mairie pour balayer sa porte. La responsabilité est collective, comme une danse bien répétée. « Nous, on dit : la saleté n’a pas de chef », plaisante un taximan, le chiffon à la main. « Si chacun nettoie devant chez lui, tout le monde respire mieux ».
Dans cette ville du soleil et du vent sage, l’ordinaire devient poème. Le cliquetis des balais sur le trottoir, le ronronnement d’un camion-benne au petit matin, la rumeur douce d’un marché sans déchet : tout cela compose une musique civique. Garoua a trouvé sa symphonie du propre, et elle joue juste. Les oiseaux, dit-on, s’y posent plus volontiers que dans les villes voisines. Peut-être parce qu’ils trouvent les arbres moins encombrés de plastique, ou parce que l’air y sent encore la pluie.

Jean René Meva’a Amougou

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