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Tensions post-électorales: Ebuma-Adam et Man-Assa se barricadent

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Check-point de surveillance de Nkongoa

À quelques kilomètres de Yaoundé, dans les quartiers d’Ebuma-Adam et de Man- Assa, la rumeur d’émeutes a transformé des jeunes ordinaires en véritables sentinelles. Jour et nuit, ils filtrent les entrées, fouillent les passants et rassurent les habitants, prouvant que parfois, la solidarité et le courage naissent au cœur de la peur.

Check-point de surveillance de Nkongoa

Même si Yaoundé et ses environs respirent un calme relatif comparé au reste du pays, la vigilance reste de mise. À Ebuma-Adam, un paisible hameau du village Nkongoa (Mfou), les habitants ont choisi de ne pas se laisser surprendre. Ici, on ne plaisante pas avec la sécurité : deux équipes de jeunes se relaient jour et nuit pour filtrer les allées et venues. Impossible de pénétrer dans le quartier sans passer au crible, un peu comme dans un aéroport miniature, mais sans les annonces de départ.

Cette mobilisation fait suite à la psychose qui a secoué le village le mardi 28 octobre. Vers 16 heures, une rumeur s’est propagée à la vitesse de la fibre optique : « Fermez, fermez, fermez, ils arrivent ! » Bouclage de commerces et portes claquées au rythme du tumulte, les habitants se sont précipités pour se mettre à l’abri. Face à cette panique, Stanley, Jules et une vingtaine d’autres jeunes ont décidé de prendre les choses en main.

Leur mission : empêcher les armes blanches ou létales de circuler. Sébastien, technicien en bâtiment, en fera l’expérience. Fouillé pendant quelques minutes, il découvre que les comités locaux ne plaisantent pas. « On ne laisse pas entrer les émeutiers », résume Djou, l’un des jeunes en charge. Même un simple moto taximan, originaire du Tchad, doit fournir une explication digne d’un interrogatoire de cinéma avant de franchir le seuil. « On ne permettra pas que des vandales entrent chez nous », affirme Djou, avec la gravité d’un capitaine de brigade et l’humour discret du voisin qui vous surveille à travers la fenêtre.

À 18 heures, la relève prend le relais jusqu’à minuit. Ces bénévoles de la sécurité sont devenus le rempart du quartier, assurant un calme relatif jusqu’au retour de la sérénité. Seydou et Iris, deux commerçants, témoignent de leur soulagement. Iris rouvre enfin son snack-bar après six jours de fermeture : « C’est grâce au comité de vigilance que j’ouvre. J’ai trop peur, mais ils me donnent la force », confie-t-elle, un mélange d’inquiétude et de reconnaissance dans la voix. Quant aux jeunes veilleurs, ils ne comptent pas sur un salaire classique.

Leur rémunération prend la forme de whiskys en sachet, de bières, de repas, et parfois de quelques billets généreusement offerts par les habitants fortunés. Hubert, l’un des agents, résume leur engagement : « Grâce à ce travail, je peux nourrir mon enfant et ma petite amie. Le travail éloigne le vice, l’ennui et le besoin. Je me sens utile. » Un héros du quotidien, armé non pas d’épée, mais de vigilance et de courage. À 800 mètres de là, Man-Assa suit le même chemin. Le comité de vigilance, jadis en sommeil, reprend du service.

Les commerçants, inquiets des « casses » et des opportunistes, se préparent à toute éventualité. « Comme il y a des casses, les bandits du quartier risquent de profiter pour voler et agresser », explique Ariel, commerçant au carrefour. La peur, ici, se transforme en organisation et en solidarité. Dans ces ruelles de l’ombre, des citoyens ordinaires deviennent des gardiens d’ordinaire, rappelant que parfois, la sécurité se construit à la force des bras, du courage et… d’un zeste de débrouillardise.

André Gromyko Balla

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