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Recouvrement forcé de la TCI: la Commission de la CEMAC passe à la vitesse supérieure

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Baltasar Engonga Edjo'o pendant son intervention

Brazzaville, fin octobre. Dans l’air lourd des réunions de fin de session, la Commission de la CEMAC a sorti les gants. Après plusieurs années de rappels polis, elle entend désormais passer au recouvrement forcé de la Taxe communautaire d’intégration (TCI), principale ressource de la Communauté.

Baltasar Engonga Edjo’o pendant son intervention

L’annonce, faite en marge de l’adoption du budget 2026, marque un tournant. Fini les exhortations diplomatiques : place à l’action. « Le temps de la sensibilisation est révolu », confie un haut responsable de la Commission. « Certains États accumulent des arriérés qui compromettent le fonctionnement même de la CEMAC. Nous ne pouvons plus bâtir une intégration solide sur des promesses non tenues ». Selon les chiffres internes, le taux de recouvrement de la TCI stagne autour de 65 %, un niveau jugé critique.

À Brazzaville, les ministres ont validé de nouvelles mesures : suspension temporaire de certaines aides communautaires pour les pays non à jour, suivi mensuel des versements et publication trimestrielle d’un tableau de conformité. Une forme de « name and shame » discret, mais assumé. « C’est une question de crédibilité collective », explique un expert du secrétariat exécutif. « Les États qui jouent le jeu ne peuvent plus être pénalisés par ceux qui traînent ». Baltasar Engonga Edjo’o, président de la Commission, a défendu une approche « ferme mais constructive ». Pour lui, il ne s’agit pas de sanctionner, mais de responsabiliser. « Le recouvrement forcé n’est pas une punition, c’est une exigence de survie. La CEMAC doit démontrer qu’elle peut s’autofinancer avant de solliciter ses partenaires extérieurs. »

Les réactions, toutefois, sont partagées. Pr Belinga Zambo, sociopolitiste camerounais, y voit « une étape nécessaire mais risquée », craignant des crispations politiques. D’autres saluent une décision longtemps attendue. « C’est une bouffée d’air pour la Commission », estime une consultante basée à Douala. « Sans ressources stables, les institutions communautaires sont paralysées. »

Car derrière la fermeté affichée, la situation reste tendue. Les États invoquent la conjoncture internationale, la baisse des recettes fiscales et la multiplicité des urgences internes. Le climat économique régional — marqué par l’inflation, la contraction des marges pétrolières et les incertitudes sécuritaires complique encore la donne. « La CEMAC doit trouver le juste équilibre entre rigueur financière et solidarité politique », analyse un expert en poste aux services centraux de la BEAC à Yaoundé. « Si le recouvrement forcé est mal perçu, il pourrait fragiliser la cohésion régionale. Mais ne rien faire serait pire : la CEMAC risquerait la paralysie budgétaire ».

Le signal de Brazzaville est donc clair : l’heure n’est plus aux atermoiements. Le budget 2026, calibré à 85,9 milliards de francs CFA, repose désormais sur une discipline fiscale renforcée. Dans les prochains mois, la Commission testera la portée réelle de ses nouvelles résolutions. Entre fermeté et diplomatie, elle engage un bras de fer délicat, celui d’une intégration qui veut cesser de dépendre de la bonne volonté des États.

Instituée pour financer le fonctionnement des institutions et les projets communautaires, la TCI est prélevée à hauteur de 1 % sur les importations en provenance de pays tiers. Chaque État est tenu de reverser à la Commission sa part collectée. Mais les retards sont devenus endémiques, alimentant les tensions budgétaires et limitant la mise en œuvre des programmes régionaux.

Ongoung Zong Bella

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