Oui ces images partagées du Cameroun partout dans le monde sont ce que nous sommes vraiment.

Aujourd’hui, nous camerounais incarnons ce que nous avons toujours méprisé chez les autres Africains… Nous, les Camerounais, nous sommes devenus ce pays africain où un dictateur sanguinaire, le plus vieux du monde, s’accroche jusqu’a ses 100 ans au pouvoir dans sa tremblote, tandis que les plus jeunes n’arrivent souvent pas à vivre au-delà de 50 ans… si l’on peut encore appeler cela « vivre ». Oui, nous sommes devenus ce pays-là.
Quand on prononcera « Cameroun », ce sera désormais le nom d’un pays où les gendarmes sont devenus des tontons macoutes, tirant à balles réelles dans les rues de Douala, Garoua, Bafoussam… Où une tribu traque ou assujettit les autres. Où l’épouse du président d’un pays pauvre se pavane dans l’extravagance des sacs Louis Vuitton à 20 millions de francs CFA, pendant qu’on meurt dans les hôpitaux publics faute de pouvoir payer 10 000 francs CFA.
Oui, depuis quelques jours nous sommes devenus tout cela aux yeux du monde. Nous sommes devenus cette démocratie bananière où des vieux noirs aux perruques de vieux blancs prends 15 jours pour tricher. Et dès qu’un candidat gagne une élection contre le président qui se veut président a vie, des commandos et des tireurs d’élite viennent arrêter ses membres et disent au peuple qu’ils commettaient un coup d’État. Un narratif classique d’un pays digne d’un Far West, qu’ils appellent Républiques juste pour profiter des institutions inventées par le génie du Blanc et s’accaparer les biens des autres, ce que leurs villages n’auraient jamais permis.
Quand les Blancs le disaient dans le film Africa Adioo, je les traitais de racistes : « Maintenant que le Blanc est parti, l’Afrique Noire est foutue », disaient-ils. Et pourtant… c’est exactement ce qu’est devenu le Cameroun : une chose du Blanc, tropicalisée avec les excès, la boulimie et les tares du Noir. Des gens égoïstes, méchants, incapables : les vieux prennent tout, laissant leurs enfants exsangues ; le peuple est traité comme des bêtes, assassiné par ses propres dirigeants ; la corruption est un mot faible, l’argent du pays ne construit rien, il sert à acheter tout le monde : religieux, imams, chefs traditionnels, dont le rôle est vidé de sa substance. On prie pour le dictateur et sa femme, on les bénit, on leur donne des pouvoirs traditionnels… Nous sommes devenus ce pays qui n’a rien contre le voleur, le menteur, le fraudeur et le tricheur. Quand on voit ce que le Cameroun est devenu, je me demande qui a donné au blanc cette monstrueuse idée de faire de nous une République ?
Nous, les Camerounais, qui avons longtemps regardé le reste de l’Afrique avec mépris, retournons sur nous-mêmes ce regard. Pourquoi n’avons-nous pas vu depuis des décennies notre propre descente aux enfers, celle qui pousse chaque jour davantage de jeunes à fuir le pays sans qu’on ne dise jamais rien ? Aujourd’hui, il n’y a pas un seul pays au monde ou on ne trouve pas un Camerounais… et pour ces jeunes qui fuient, tout est désormais ailleurs, sauf le Cameroun.
Qu’espérions-nous donc ? Que le monde ne nous verrait jamais ? Que Roger Milla et Samuel Eto’o suffiraient à masquer la réalité ? Que le reste du monde continuerait à chanter nos louanges ? Ces yeux voilés du monde, qui n’ont jamais su ce qui se passait au Cameroun, un pays invisibilisé depuis les luttes nationalistes… pensez-vous qu’ils ne verraient jamais l’anéantissement du génie camerounais ?
Voici donc les images du Cameroun, partagées partout dans le monde. Des images qui sont un miroir de la honte. Et je vous souhaite de ressentir, comme moi, le saisissement d’être vus.
TOM





