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Crises post-électorales: le Grand nord dans la tourmente

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L'ancien palais de justice de Maroua brûlée

Le Grand Nord s’embrase. La contestation s’organise et menace l’ordre établi.

L’ancien palais de justice de Maroua brûlée

Colère froide, incendies chauds

Deux semaines après le processus électoral d’octobre 2025, les villes du septentrion semblent figées. Les marchés ferment plus tôt, les écoles restent silencieuses, et les visages se ferment. Pendant que Yaoundé s’enferme dans sa tristesse, le Grand Nord bouillonne. Les villes de Garoua, Maroua, Ngong, Boukoula et Guider ont été secouées par plusieurs jours de tension. Bâtiments administratifs incendiés, domiciles d’alliés du pouvoir pris pour cibles : la colère est sortie des discours pour s’attaquer aux symboles. « Ils sont responsables de la mascarade électorale que nous connaissons, tonne Samuel, habitant de Guider. Nous allons nous attaquer à leurs intérêts. C’est la seule façon de rappeler à ces égoïstes que l’intérêt général doit primer ». Ces violences traduisent un basculement : la région, longtemps bastion loyaliste, se détache. « Le Grand Nord sera désormais un autre Nord », avertit Hamza Aminou, cadre politique local. « Biya devra se réinventer pour continuer d’exister ».

La rue n’a plus peur de l’armée

Les heurts survenus avant le scrutin ont laissé des traces. Dans plusieurs quartiers de Garoua et Maroua, des jeunes ont osé défier les patrouilles, filmer les charges, riposter à mains nues. « La peur de l’armée a reculé », explique un militant des droits humains. « Ce n’est plus la même génération. Ils savent que mourir dans le silence est pire que mourir debout ». Cette mutation est lourde de conséquences : la contestation se déplace désormais hors des structures politiques classiques, souvent déconsidérées, pour renaître dans la rue, les quartiers et les réseaux sociaux. Une résistance diffuse, horizontale, insaisissable mais déterminée.

Un mandat de trop, une légitimité fissurée

Au sommet de l’État, la victoire annoncée a un goût amer. Les dirigeants savent, en privé, que le mandat qu’ils entament est celui de trop. « Ils n’ont plus le soutien de la base », confie Mollah, universitaire à Garoua. « Ils savent que tout peut basculer si, dès la première année, rien n’est fait pour redonner espoir aux Camerounais. Il faut descendre du piédestal et servir, au lieu de régner ». Ce constat, désormais partagé jusque dans certains cercles du pouvoir, marque un tournant. L’élection d’octobre 2025 n’a pas seulement confirmé la continuité du régime ; elle a révélé son isolement. Les citoyens, longtemps résignés, ne craignent plus autant la répression.

Un système à bout de souffle

Le Cameroun sort de cette séquence électorale épuisé, fracturé, méfiant. Les institutions parlent de stabilité, mais les signes de rupture sont partout. Le sentiment de trahison est profond, et la résignation pourrait vite céder la place à la révolte. « La résistance se reconfigure”, résume un observateur. « La prochaine vague ne viendra pas des partis, mais des gens ordinaires. Et elle ne demandera pas la réforme : elle exigera le changement ».

Tom

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