Dans les rues de Bafoussam, Dschang et Garoua, la rumeur enfle, la colère gronde, et l’impatience se transforme en défiance. Pendant ce temps, Issa Tchiroma Bakary revendique sa victoire, refusant tout recours contentieux. Le Cameroun vit suspendu à une annonce qui n’arrive pas.

Un pays pris en otage par le silence institutionnel
Depuis le soir du 12 octobre, les Camerounais attendent, fébriles, la proclamation officielle des résultats de la présidentielle. Mais le Conseil constitutionnel, seul habilité à le faire, garde un mutisme déroutant. Les jours passent, les spéculations s’enchaînent, et les frustrations s’accumulent. « Ce silence n’est pas seulement administratif, il est politique », confie un enseignant d’université à Garoua, visiblement épuisé par l’attente. « On a l’impression d’être les otages d’un système qui joue avec le temps pour préparer sa mise en scène finale », commente Hassan Abdoulaye, vendeur de pièces détachées à la Briqueterie à Yaoundé.
Tchiroma revendique sa victoire
Dans ce climat électrique, une déclaration a secoué la scène politique : Issa Tchiroma Bakary, candidat du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), a proclamé les tendances le déclarant vainqueur. « Le peuple a parlé, et nous entendons sa voix. Notre victoire ne se plaide pas, elle s’assume », a lancé un cadre de son parti lors d’une discussion improvisée dans une agence de voyage à Mvan, un quartier populaire de Yaoundé. En refusant de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel, l’ancien ministre de la Communication place les institutions devant une équation délicate : comment gérer une victoire revendiquée hors des cadres légaux, mais soutenue par une frange importante de la population du Nord ? Dans les rues de Garoua, ses partisans exultent. Mais derrière l’enthousiasme perce une inquiétude sourde.
Bafoussam, Garoua, Dschang : les braises d’une colère latente
Plusieurs villes camerounaises sont au bord de la rupture. L’impatience se transforme en tension palpable. Des commerces ferment plus tôt, les transports tournent au ralenti, et les forces de sécurité se déploient discrètement aux carrefours stratégiques. « On ne veut pas revivre les erreurs du passé », souffle un jeune commerçant de Garoua. « Mais si l’on continue à nous ignorer, la rue va parler ». À Bafoussam, des leaders communautaires appellent au calme, mais reconnaissent que la situation devient explosive. Le moindre faux pas, la moindre provocation, pourrait embraser une région où le sentiment d’exclusion politique reste vivace.
Une République à l’épreuve de la transparence
La lenteur du processus électoral pose une question fondamentale : que reste-t-il de la confiance citoyenne ? Chaque heure qui passe sans proclamation officielle renforce le soupçon d’une manipulation en coulisses. Dans les médias internationaux, les analystes s’interrogent sur la solidité du modèle camerounais. Le pays, déjà éprouvé par les crises sécuritaires et sociales, peut-il supporter une nouvelle fracture politique ? Pour l’heure, la République retient son souffle. Les urnes ont parlé, mais le verdict tarde à descendre. Et dans les rues du Septentrion, la patience s’effrite comme le sable du Sahel balayé par le vent.
TOM




