Il y a deux ans, le taux d’inflation dans la zone Cemac s’est maintenu à 5,6 %, au même niveau que celui de 2022 et bien au-dessus de la norme communautaire de 3%.

Suivant cette dynamique exceptionnelle des prix, sur la période 2021-2023, l’inflation moyenne cumulée de la Cemac a atteint 19,7 %, contre 20,8 % sur la période 2014-2021. Les différents taux d’inflation enregistrés en 2023, en comparaison avec 2022, par ordre décroissant ressortent comme suit : Cameroun (+7,4 % contre +6,3 %), Congo (+4,3 % contre +3,0 %), Tchad (+4,1 % contre +5,8 %), Gabon (+3,6 % contre +4,2 %), RCA (+3,0 % contre +5,6 %), et Guinée Équatoriale (+2,4 % contre +4,9 %). Dans la Note de la Cemac, l’évolution de l’inflation en 2023 est expliquée principalement par l’augmentation des prix des « produits alimentaires et boissons non alcoolisées » (+7,0 %, contre +10,2 % en 2022), suivi de ceux des « transports » (+12,4 % contre +3,3 % en 2022), des « meubles, articles de ménage et entretien courant de la maison » (+5,7 %, contre +4,8 % en 2022) et du « logement, eau, électricité, gaz, et autres combustibles » (+3,0 %, contre +1,5 % en 2022).
Une analyse multidimensionnelle des principales sources de l’inflation régionale montre que son origine est plus locale (6,2 %, contre 5,6 % en 2022). Selon la volatilité, les produits frais et l’énergie tirent l’inflation à la hausse avec une variation de respectivement, 10,5 % et 5,3%. Les produits hors énergie et hors produits frais quant à eux augmentent de 5,1 %. Dans tous les secteurs de production des biens et services, les prix sont restés très hauts : 10,0 % pour le primaire, 4,2 % pour le secondaire et 5,1 % pour le tertiaire. En fonction de la durabilité des biens, ce sont les non-durables qui ont connu la plus forte hausse (+6,6 %), suivi des prix des biens durables (+4,8 %) et semi-durables (+4,0 %).
Dans la CEMAC, la dynamique des prix en 2023 est davantage la conséquence des facteurs internes qu’externes. Sur le plan interne, l’inflation dans la sous-région, a été principalement entretenue par les relèvements des prix des carburants à la pompe en République Centrafricaine (4 janvier 2023), au Cameroun (1er février 2023), au Congo (31 janvier 2023 et 15 juillet 2023) et au Tchad (17 avril 2023), du fait de la réduction substantielle des subventions sur les prix des hydrocarbures prônées dans le cadre des programmes des Etats avec le FMI. Cette situation a entrainé une augmentation des prix des services de transport, notamment du transport routier, des coûts des intrants industriels, et par conséquent des produits non alimentaires dans la CEMAC.
En outre, la hausse de l’inflation alimentaire en plus de la hausse des prix des transports fait suite aux effets des perturbations climatiques et environnementales, de l’insécurité notamment dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun sur l’approvisionnement des marchés en produits vivriers dans la Zone face à une demande intérieure dynamique. Enfin, malgré l’action vigoureuse des Etats en matière de contrôle des prix, des actions spéculatives sur les marchés locaux ont continué d’entretenir des pénuries artificielles, contribuant à l’augmentation des prix. En revanche, sur le plan externe, le contexte de la sous-région, qui est importatrice nette des produits énergétiques raffinés, est marqué par un fléchissement des prix des produits pétroliers liquides et gazeux à l’international, amorcé depuis le second semestre 2022. Dans le même temps, la dynamique est demeurée globalement favorable pour le prix des importés alimentaires, l’indice FAO des produits alimentaires étant orienté globalement à la baisse depuis juin 2022. Dans la même veine, le resserrement de la politique monétaire de la BEAC engagé depuis 2022 et les mesures d’accompagnement prises par les Etats en vue de préserver les couches vulnérables ont ralenti cette hausse des prix.
Cameroun
Les tensions inflationnistes, amorcées en 2021 sous l’effet des perturbations économiques liées à la pandémie de COVID-19, se sont intensifiées en 2022 avec le déclenchement du conflit russo-ukrainien. Cette dynamique haussière s’est poursuivie en 2023, portant le taux d’inflation du Cameroun à +7,4% contre 6,3% en 2022. L’accélération des prix en 2023 a été essentiellement portée par la flambée des prix des produits alimentaires et l’augmentation des coûts des services de transport. Bien que l’inflation alimentaire ait légèrement ralenti par rapport à l’année précédente, passant de 12,9 % en 2022 à 11,1 % en 2023, elle demeure à un niveau préoccupant.
République Centrafricaine
Dans ce pays, le taux d’inflation s’est établi à 3,0 % en 2023, contre 5,6 % en 2022, se rapprochant davantage de la norme communautaire. Cette diminution du rythme inflationniste a été observée dans toutes les régions du pays, à l’exception de la Bossangoa. Au début de l’année 2023, la pénurie de carburant a entraîné une forte poussée inflationniste, propulsant l’inflation mensuelle à un pic de 7,1 % en mars. Toutefois, cette flambée a progressivement cédé la place à un repli, permettant une stabilisation de l’inflation à 3,0 % en moyenne annuelle.
Congo
En 2023, le taux d’inflation au pays de Denis Sassou Nguesso s’est établi à 4,3 %, dépassant ainsi la norme communautaire fixée à 3,0 %. Cette dynamique inflationniste a été principalement portée par la hausse des prix des produits alimentaires et des services de transport, deux composantes majeures de l’indice des prix à la consommation. L’augmentation des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées a atteint 4,3 %, portée par une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels, notamment les coûts élevés des intrants agricoles et les effets des changements climatiques. Certaines catégories de produits alimentaires ont enregistré des hausses particulièrement marquées
Gabon
En 2023, le taux d’inflation au Gabon s’est établi à 3,6%, enregistrant ainsi un repli de 0,6 point de pourcentage par rapport à 2022. Malgré cette diminution, l’inflation demeure au-dessus de la norme communautaire de 3%, soulignant ainsi la persistance des pressions inflationnistes sur l’économie gabonaise. En 2023, l’augmentation du niveau général des prix s’explique principalement par la progression des prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées (+5,9 %) ainsi que par la hausse des coûts des communications (+5,8 %).
Guinée Équatoriale
Là-bas, le taux d’inflation s’est établi à 2,4 % en 2023, après 4,9 % en 2022. Ce taux de 2023 est inférieur au seuil de 3 % fixé par la Cemac dans le cadre de son mécanisme de surveillance multilatérale. En 2023, la hausse du niveau général des prix à la consommation a été principalement portée par l’augmentation des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées (+2,4 %), ainsi que par la progression des coûts du transport (+3,8 %) et de la composante « Meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer » (+3,4%).
Tchad
En 2023, dans ce pays, le taux d’inflation s’est établi à 4,1 %, prolongeant ainsi la tendance inflationniste amorcée en 2022, où l’inflation avait atteint 5,8 %. Ce taux dépasse le seuil de 3 % fixé par la Cemac dans son cadre de surveillance multilatérale, traduisant la persistance des pressions inflationnistes sur l’économie nationale. L’augmentation du niveau général des prix en 2023 découle principalement de la hausse des prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées, des services de transport, ainsi que des services de restauration et d’hébergement. Cette flambée des prix s’explique essentiellement par une mauvaise production agricole en 2022- 2023, due aux inondations de 2022, qui ont fortement impacté l’offre de produits agricoles. Par ailleurs, la crise au Soudan a perturbé les échanges commerciaux et l’approvisionnement en denrées essentielles. Toutefois, certains produits alimentaires ont connu une baisse de prix, notamment les viandes (-3,4 %) et les huiles et graisses (-3,6 %).
Comprendre
« L’inflation c’est très compliqué, et multi factoriel. Elle érode bien des valeurs : prix, salaires… On peut l’appréhender, mais non la maîtriser, pas plus que la dissocier des autres problèmes aigus que sont le chômage et la croissance », aime souvent répéter l’économiste Dieudonné Essomba. Mais, qu’on se le dise, parce qu’il touche le porte-monnaie des citoyens, le sujet reste important, et encore plus important pour qui souhaite comprendre certains ressorts de l’économie en zone Cemac. En traitant de l`inflation actuelle et toutes les questions qu’elle soulève dans l’espace communautaire, la Commission de la Cemac, à travers ses « Notes » 2023 et 2024, offre un tour complet et limpide du phénomène. Ces documents montrent bien comment tous les chocs économiques mis bout à bout alimentent l’inflation, alimentent le processus de pénurie et d’augmentation des prix et donc accélérant la spirale inflationniste du fait de la problématique salaire. Devenue une préoccupation majeure des décideurs politiques et monétaires de la Cemac, l’inflation, en tant qu’indicateur avancé de la conjoncture économique, fait l’objet d’un suivi rigoureux et continu. Resserrement de la politique monétaire, contrôles des prix et stimulation de la production nationale pour atténuer les pressions inflationnistes sont convoqués. Toutefois, trouver un équilibre juxtaposé entre la lutte contre l’inflation et la préservation de la stabilité économique reste un défi crucial pour la Cemac. En raison des exigences de clarification auxquelles la Note de la Cemac souscrit, elle s’attache à transcrire la complexité de la réalité concrète. Bien plus, le document élaboré par la Commission de la Cemac continue en déclinant les différents champs et en construisant des indices simples et homogènes qui permettent d’interpréter plus facilement la situation.