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Ils s’adressent à nous comme à des bambins

Quelqu’un a un jour demandé à Winston Churchill si Charles de Gaulle était selon lui un grand homme. «Il est égocentrique, il est arrogant, il se prend pour le centre du monde, a répondu l’homme d’État britannique.

 

Vous avez tout à fait raison. C’est un grand homme». Le hasard faisant bien les choses, il est possible qu’on puisse en dire autant d’Emmanuel Macron. Raison: chaque déplacement du locataire de l’Élysée en Afrique est l’occasion de s’affranchir des codes et de la retenue de mise en diplomatie. D’ordinaire habitué à sortir de son texte pour s’essayer à quelques envolées lyriques improvisées -et plus ou moins réussies-, le chef de l’État français a ses mots. User d’une langue plus directe, qu’il agrémente de punchlines très efficaces médiatiquement, Emmanuel Macron en a fait sa spécialité en terre africaine. Le 2 mars dernier à Libreville, les yeux dans les yeux et sûr de sa maîtrise, l’actuel patron de l’Élysée n’a pas dérogé à sa façon de parler aux Africains chez eux. «J’ai parfois le sentiment que les mentalités n’évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j’entends, je vois qu’on prête encore à la France des intentions qu’elle n’a pas, qu’elle n’a plus», a-t-il balancé récemment au Gabon.

À bien l’écouter, Macron endosse par crânerie (peut-être) l’imprudence du thème de l’évolution de la mentalité africaine sous le prisme du modèle occidental. Une fois encore, son discours en Afrique est resté fidèle à une ligne bien française: violence verbale peu encline à s’auto-discipliner. Dans leurs écrits, nombre d’éditorialistes du continent n’ont pas manqué de considérer cela comme une insulte aux peuples africains. Ils y ont même vu un remake de «l’homme africain n’est pas suffisamment entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles» «de Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007. Rappelant le «Vous ne devez qu’une chose pour les soldats français: les applaudir!», suggéré aux étudiants burkinabè présents dans l’amphithéâtre Kadhafi de l’Université Joseph Kizerbo, en novembre 2017, les mêmes éditorialistes dénoncent l’impolitesse de Paris à venir débiter ce qui traîne sur sa langue en Afrique. Ils citent alors le discours de Dakar. Lui qui a constitué visiblement l’Afrique comme «l’enfance» de l’humanité. Le propre de l’Afrique consiste, selon Nicolas Sarkozy, en l’installation à demeure dans l’enfance. Car si chaque peuple a fait l’expérience de l’enfance, si «chaque peuple a connu ce temps de l’éternel présent», le drame de l’Afrique, à ses yeux, c’est de n’être jamais sorti de l’enfance, de n’avoir jamais délaissé l’éternel présent.

Concrètement, que fait souvent la France quand elle parle aux Africains? Généralement, elle choisit un thème parmi les plus pertinents à traiter, selon elle. Une telle approche lui permet de construire plus facilement une échelle argumentative qui voile un ou deux mots malheureux. Ces mots sont balancés comme sur une planche de botanique où il est nécessaire d’exagérer le trait de l’ordinaire afin que le référent soit immédiatement reconnaissable. Macron, par exemple, qui raffole de l’exercice, prétend même le dominer, et n’hésite pas à souvent y recourir dans une forme volontairement dramatisée, laquelle place parfois des journalistes embarqués au-devant de la scène. En jouant sur le registre de la polémique qu’il affectionne, le même Macron prend à témoin les opinions publiques nationale et internationale en convoquant des journalistes (exemple d’Amélie Tulet de RFI le 26 juillet 2022 à Yaoundé) chargés d’élaborer des questions placées au cœur des «préoccupations» de la France en Afrique. À cette aune, on est en droit de se demander si la culture de la dérision qui repose sur la description caricaturale du continent africain n’est pas systématiquement un regard moqueur.

Jean-René Meva’a Amougou

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