Il est l’une des personnalités au Cameroun qui à travers ses sorties médiatiques et écrits livresques militaient pour l’avènement des Etats-Unis d’Afrique. Avec une tonalité acerbe, l’homme politique exigeait des pays africains de se défaire du FCFA, la monnaie coloniale qui depuis 50 ans les enlise dans le sous-développement.
Le panafricaniste Hubert kamgang s’est éteint le 30 septembre 2020 à l’âge de 76 ans. Homme téméraire, obsédé et convaincu que l’Afrique doit s’unir pour mieux s’imposer dans le concert des nations, c’est à Batié dans la région de l’Ouest au Cameroun qu’Il naquit le 17 décembre 1944. «La renaissance de l’Afrique et le salut de son peuple ne seront possibles qu’à travers son unité politique avec la création des Etats-Unis d’Afrique. La répression monétaire dont les pays de la zone franc sont victimes constitue l’autre volet de son combat pour la dignité de l’Africain», explique à son sujet Noho Mama. Ainsi, à travers cette posture, il rejoignait les idées de Nkwamé Nkrumah, Lumumba, Um Nyobe, Tchundjang, Mandela, Kodjo, etc. qui ont sacrifié leur vie pour la cause de leurs pays respectifs et de l’Afrique.
D’ailleurs, Olivier Bilé, fils spirituel du défunt rend hommage à l’illustre disparu en des termes laudateurs. «Le président est resté un chantre intrépide et réputé, un panafricaniste authentique, un promoteur inspiré et infatigable de l’émancipation monétaire et politique de l’Afrique», rappelle l’homme politique. Et Noho Mama d’affirmer à sa suite : «cet homme qui a tout sacrifié pour ses convictions était très proche du petit peuple dont il appréciait visiblement la compagnie. Président Hubert Kamgang au moment où tu t’apprêtes à rejoindre dans l’éternité les maitres Tchuindjang Pouémi, Edem Kojo, et autres Kwamé Nkrumah, je voudrais te dire que c’est vrai que tu n’as pas vu les Etats unis d’Afrique se concrétiser de ton vivant comme tu t’en doutais, mais le combat idéologique qui nous y mène inéluctablement, lui, tu l’as gagné».
En dépit des multiples répressions subies, Hubert Kamgang ne reculait pas dans ses prises de positions. Olivier Bilé a consigné cette réalité dans ces écrits en indiquant : «tu as subi une féroce répression de la part du système à cause des idées nobles et justes que tu défendais».
Un homme incompris
Le défunt laisse à travers ses écrits un savoir encyclopédique pour la postérité. Vu son engagement en politique et ses connaissances professionnelles, il est auteur de trois ouvrages. Notamment «Au-delà de la conférence nationale pour les Etats-Unis d’Afrique», « Le Cameroun au XXIème siècle quitte la Cemac», enfin, «Œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des Etats-Unis d’Afrique, ce pourquoi je me Bats». L’héritage laissé est resté incompris par certains de ces contemporains. «La société elle-même est loin d’avoir pu appréhender l’étendue de l’empire intellectuelle et idéologique que tu laisses aux générations futures. Rationnel dans l’âme, tu m’as séduit par la capacité à te situer toujours au-dessus des considérations bassement primaires et grégaires pour inscrire ton discours et ta praxis dans une perspective élevée de nature idéelle et républicaine. Peu compris et pas soutenu par tes contemporains, tu es, malgré tout, parvenu à impacter notre univers par tes nombreuses publications et apparitions médiatiques. Les multiples réactions des uns et des autres aujourd’hui confirment que ton message est bel et bien passé. Comme promis il y a longtemps, je te promets avec d’autres de poursuivre ton action en faveur de la libération et de l’émancipation de notre pays et de notre continent jusqu’au triomphe final», s’est alors engagé solennellement Olivier Bilé en mémoire de l’illustre panafricaniste.
En marge de ses convictions idéologiques, Hubert Kamgang souhaitait mettre sa pensée en pratique. C’est la raison pour laquelle, après sa riche carrière professionnelle, il est fonde et préside l’Union des Populations Africaines (UPA), parti politique de l’avant-garde panafricaniste. Il va prendre part aux élections présidentielles du Cameroun comme candidat en 1997, 2004, et 2011. C’était dans le but d’implémenter sa vision du monde, et de changer à sa manière le nouvel ordre gouvernant, et contribuer à autonomiser les africains des oripeaux coloniaux, qui les enchainent, aliènent et qui plus est, freinent la véritable émancipation du continent qui ploie sous le poids de la misère, et de l’endettement. Une raison de plus, qui motivait l’auteur à la création d’une monnaie unique africaine, qui ne subirait plus les fluctuations de la monnaie étrangère.
Un modèle pour de nombreuses générations
Au regard de la floraison de témoignages des amis, enfants et connaissances, l’on retient que le panafricaniste Hubert kamgang est un modèle. Et à de ce fait inspiré pas mal de personnes. «Homme de conviction, de principe, tu as mené ta vie avec dignité. Catégoriquement, tu as refusé de te compromettre ou de salir ton âme. Ce fut une fierté d’avoir été à tes cotés. Merci pour l’enseignement et pour la confiance», écrit sa fille Vanessa Gaëlle Tchakou. Et à Micheline Tefang de renchérir : «papa, l’homme de référence, celui qui m’a sur le plan professionnel appris patiemment tant de choses, tu m’as préparée et donné les armes pour affronter sereinement la vie. Sur le plan familial, en dehors du soutien matériel, tu m’as raconté la vie de mes parents, tu m’as appris les contes, les fables, devinettes et tournures Batié Kégouong. Sur le plan politique, défenseur infatigable de la souveraineté africaine nous a fait comprendre l’importance de la monnaie unique». Et pour montrer son indignation, sa fille Annick kamgang déclare : «je suis en colère contre le sort réservé au Cameroun à ceux et celles comme notre père qui se battent pour les droits humains les plus fondamentaux. A partir du moment où en 90 notre père a décidé de se prononcer publiquement en faveur du multipartisme, il a été mis au banc de la société. Je finirai en me remémorant l’importance que tu accordais à l’écrit papa. Tu me disais que c’est ce qui reste. Alors c’est ce que je vais faire. Ecrire et finir cette bande dessinée qui aujourd’hui sera accompagnée d’un documentaire produit par la BBC», conclu-t-elle.
Pour ce qui est de ses amis qui l’ont bien connu, Hubert Kamgang était mu par un esprit d’ouverture aux autres, sans aucune forme de discrimination de race ou d’ethnie. «Je rencontre le président Hubert Kamgang au retour de mes études supérieures en 1994. Durant les sept années que j’ai passées en France, j’ai évidemment côtoyé d’autres jeunes africains venus pour les études également. Avec eux, un sentiment de fraternité s’est noué. Il était évident que nous avions d’autres choses en commun en plus de notre couleur de peau. Un sentiment indicible d’avoir vécu les mêmes avanies de l’histoire et une communauté de destin avec les autres africains s’insinuait irrémédiablement en moi. Je voyais bien que nonobstant la différence de langue et de culture qui pouvaient exister entre un Ghanéen, Sénégalais, un Burundais, ou un Angolais et moi, nous appartenions à un même peuple, un même continent», se réjouit Noho Mama.
Parcours académique et professionnel
Hubert Kamgang, à l’instar d’autres jeunes a fait de brillantes études. Le jeune diplômé va occuper d’éminents postes au Cameroun, dans la sous-région à l’UDEAC, et à l’international. Après son CEPE à la fin de son cycle primaire, il obtient son Baccalauréat au lycée du Manengouba à Nkongsamba. Il s’envole pour l’Europe pour poursuivre ses études universitaires, et obtient un diplôme en Mathématiques supérieures et en maths spéciales au lycée des garçons de Douai en France. Dans la foulée, il décroche également le Diplôme d’ingénieur statisticien économiste à l’école des Statistiques des TINSEE (Paris).
Après ce brillant parcours, il intègre la Fonction publique camerounaise en novembre 1971 comme Ingénieur de la statistique. De 1976- 1980, il est directeur Adjoint de la statistique et de la comptabilité nationale au ministère de l’Economie et du Plan. De 1980-1991 il est directeur au Département des Statistiques et de l’informatique au secrétariat général de l’UDEAC à Bangui (RCA). De 1984-1987, il est nommé Expert des réunions de la Zone franc ; puis en 1985, il participe aux Assemblées Annuelles du Groupe FMI /BIRD. De 1991-1995, le panafricaniste est cadre au ministère de l’Economie et des Finances. En mars 1995, il prend une retraite anticipée.
Pour rappel, le panafricaniste, (prési comme certains l’appelaient affectueusement), Hubert Kamgang, sera inhumé le samedi le 31 Octobre 2020 dans son village natal à Batié au quartier Bahiala. Il s’en va après avoir lutté pour les causes nobles et justes pour son pays le Cameroun. Vu son activisme, et son militantisme, son benjamin Simo Mambou reconnait : «quiconque péri pour la patrie ne fait que dormir, car si une graine ne pourri, elle ne pourra jamais donner des fruits»
Olivier Mbessité, (Stagiaire)