Penci Sport plugin only working with the Soledad theme.

Guerre russo-ukrainienne: l’Afrique tient son canon

Les présidents Emmanuel Macron et Vladimir Poutine participent à une conférence de presse au Kremlin à Moscou, Russie, lundi 7 février 2022 - JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

«Nous ne serons jamais frères ; ni de même patrie, ni de même mère». Tels sont les mots adressés par la poétesse ukrainienne Anastasia Dmitruk au peuple russe en 2014.

 

À Moscou, c’est miroir inversé du discours de Vladimir Poutine. Lui qui ne cesse de souligner, au contraire, l’identité commune entre la Russie et l’Ukraine. Ceux qui connaissent bien cette affaire attestent que, si l’époque soviétique a créé une proximité forte entre les deux sociétés, leur passé n’est pas complètement commun, et les différences n’ont cessé de s’approfondir au cours des trente dernières années. À partir de 2014, soulignent-ils, l’annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass ont conduit à une rupture entre Russes et Ukrainiens. Les deux peuples ont cessé d’avoir la même vision d’un destin partagé. Et c’est un gouffre qui se creuse depuis le jeudi 24 février 2022. Ce jour-là, Kiev s’est réveillée dans le fracas des missiles de l’armée russe. La rage au cœur, Moscou entendait concrétiser son rêve de longue date: reprendre le contrôle de l’Ukraine. En Face, la résistance, la détermination d’un peuple qui souffre mais ne cède pas. Commence alors ce qui est décrit comme l’opération militaire la plus importante en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les Ukrainiens ont, apparemment, un but clair: reconquérir la totalité de leur territoire.

Les Russes, aussi, ont apparemment un but clair: occuper toute l’Ukraine et en refaire une province de la Grande Russie. Les Occidentaux sont, eux, dans le flou le plus total: ils voulaient d’abord tout faire pour empêcher le conflit. Puis ils ont aidé les Ukrainiens du bout des lèvres, en tremblant de voir la Russie les considérer comme des cobelligérants. Peu à peu, ils se sont engagés davantage, jusqu’à livrer des armements qu’on peut difficilement qualifier de purement défensifs. L’horreur est partout, la folie proche. Depuis un an, la diversité des enjeux et celle, qui lui est liée, des acteurs du conflit se traduisent par des modes d’appropriation de l’espace qui sont eux aussi extrêmement divers. Selon des spécialistes, l’enjeu est moins militaire qu’économique: ce qui se joue dans la guerre en Ukraine (en tant que maillon très sensible de l’économie mondiale), c’est le contrôle du monde. En un an, cet enjeu a modifié la sécurité internationale. Il a bousculé l’idée que l’on se faisait de l’avenir du continent européen. De même, il a révélé le fossé qui se creuse entre l’Ouest et les pays du Sud, avec des Occidentaux peinant à rallier le soutien de pays dits «du Sud global» qui refusent de choisir leur camp, considérant que ce conflit est avant tout européen.

Avec la volonté d’établir une démarche rigoureuse fondée sur le raisonnement géographique, l’on peut déjà, un an après le début de la crise ukrainienne, repérer l’Afrique dans cette réalité complexe et mouvante. Les positions du continent varient d’un pays à l’autre, de nombreux États adoptant une posture de «non-alignement». Près de la moitié des pays africains n’ont pas condamné publiquement l’invasion russe. Ils essaient de poursuivre leur coopération avec la Russie. Aucun pays africain ne s’est associé aux sanctions contre la Russie. L’héritage du tiers-mondisme des années 1960 et 1970 façonne encore les opinions des gouvernements et des citoyens africains. Le passé colonial de la Russie ne s’étend pas à l’Afrique, et le soutien que Moscou a pu apporter à certains mouvements de libération lui vaut davantage d’appuis qu’à l’Ukraine au sein des pays africains. Kiev est en effet souvent considéré comme un pion de l’Occident. Et de fait, de nombreux pays africains semblent se réjouir des malheurs de l’Occident en comparant l’invasion de l’Ukraine à l’invasion américaine en Irak en 2003 ou à la destitution du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord en 2011.

Jean-René Meva’a Amougou

Related posts

Alerte dans les régions du Nord, Est, Adamaoua : graves menaces sur 222 000 personnes en situation de vulnérabilité accrue

Coopération Cameroun-Allemagne : la rétrocession au cœur de la diplomatie parlementaire

5 questions sur Pâques