Gratuité payante

Arrêtons-nous un instant sur la lutte contre la pauvreté. Autour de ladite lutte, chacun vient déposer ses petits paquets d’incompréhension, d’inquiétude ou de désaccords.

 

Certains se leurrent en espérant que la pauvreté disparaitra d’elle-même avec le temps. D’autres se rebellent sans savoir comment transformer leur colère face aux autorités qui ont fait de la lutte contre la pauvreté un mot d’ordre. Fatigués, quelques-uns disent que cette fameuse lutte, c’est un satané bluff, celui qui consomme finalement beaucoup d’énergie qui aurait pu être consacrée à autre chose. Et il y en a qui évaluent plus rationnellement ces mots édictés par le gouvernement et finissent par en éprouver de l’aversion.

On a brandi au peuple la gratuité de l’école primaire publique. On a encore brandi la gratuité de la prise en charge gratuite du paludisme simple ou grave pour les enfants de 0 à 5 ans. Tout cela avait été accueilli avec une sorte de bonheur enfantin. Sauf que plusieurs années plus tard, la belle joie de départ s’est fissurée inévitablement à l’épreuve des réalités. Ces dernières font découvrir que l’école primaire publique et le traitement du paludisme chez les enfants de 0 à 5 ans ont un prix et qu’il faut payer. La gratuité ne serait-elle que la promesse d’un don impossible à tenir? Voilà la suprême ruse d’un environnement où l’argent est souverain. Dans les écoles primaires publiques ou dans toutes les formations sanitaires, la fausse gratuité est omniprésente et la vraie gratuité trop absente.

C’est qu’il y a gratuité et gratuité. La vraie et la fausse. La fausse, surtout. Vraie ou fausse, vraie-fausse, la gratuité de l’école primaire publique et celle de la prise en charge du paludisme simple ou grave chez les enfants de 0 à 5 ans est ambivalente. Il semble alors clair que la gratuité a été décrétée à l’improviste et mise en œuvre dans la plus grande confusion. Même si ceux qui ont imposé ce mot au sein de l’opinion publique répètent qu’ils ont examiné attentivement tous les aspects de la situation. Même s’ils ont scandé leur compréhension claire des besoins et exigences du peuple. Entre temps, les institutions internationales se contentent de compiler les mauvais résultats d’après les indicateurs démographiques (mortalité infantile et pouvoir d’achat des parents, par exemple). Reste que, ce que cela génère des tensions accumulées en contentieux social. Ils ont scandé leur compréhension claire des besoins et exigences du peuple.

Dans une époque où les repères et les cadres de décision se brouillent, cela génèrent des tensions accumulées en contentieux social: les colères s’insinuent ou se proclament, l’avenir est opaque, les inégalités se creusent. Sous l’effet des incertitudes, l’ambiance autour de la gratuité se décline autrement. Les parents ne versent certes plus les frais d’inscription comme c’était le cas jadis, mais ils versent d’autres frais, comme ceux de l’APEE (Association des parents d’élèves et des enseignants).

Et dans d’autres établissements, en plus des frais d’APEE, il y a des frais que les enseignants où les responsables d’établissements exigent aux parents, à la veille des examens de fin de séquences. Cet argent sert à faire des photocopies des épreuves. Et si un élève ne verse pas ces sous, il n’a pas droit aux épreuves. Dans les centres de santé, la marchandisation de la prise en charge des cas de paludisme chez les enfants de 0 à 5 ans est rampante. En fait, c’est du «gratuit-payant», sur lequel il est politiquement incorrect d’insister.

Jean-René Meva’a Amougou

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