C’est l’une des pistes explorées le 2 mars dernier à Yaoundé au cours de l’atelier organisé par le Cabinet d’expertise et de partenariat international (CEPI).
Plus d’opérateurs économiques camerounais en capacité d’acheter et vendre à l’Union européenne dans le cadre des Accords de partenariat économique (APE). Tel est l’objectif de l’atelier organisé le 2 mars dernier à Yaoundé par le Cabinet d’expertise et de Partenariat international (Cepi). Son directeur général, Laurent Tchandeu, a à ce moment-là en perspective l’insertion du Cameroun dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Il a réuni autour de lui plusieurs expertises pour concilier les deux intérêts. Le Comité chargé du suivi et de la mise en œuvre de l’APE, la délégation de l’Union européenne au Cameroun (DUE), le ministère des PME, de l’Économie sociale et de l’Artisanat (Minpmessa) et la Chambre de Commerce, de l’Industrie, des Mines et de l’Artisanat (CCIMA) ont tous fait entendre leurs voix.
Tous se sont en effet mobilisés pour délivrer le même message aux chefs d’entreprise présents. À savoir que «l’APE est une grande opportunité pour les opérateurs économiques camerounais. Pourvu qu’ils maîtrisent et s’approprient ses mécanismes», peut-on résumer. Le directeur général du Cepi y voit d’ailleurs une possibilité pour le Cameroun d’être «la porte d’entrée dans la CEEAC et la Zlecaf». Car, en alliant augmentation (quantitative et qualitative) de leurs productions et maîtrise des règles d’origine (concept également en vigueur en contexte africain pour des raisons de traçabilité), les opérateurs économiques camerounais pourraient être plus à même d’asseoir leur ascendant sur le marché sous-régional et de conquérir le marché continental. «Sous certaines conditions pour éviter les sanctions et d’être un simple comptoir de l’UE», prévient cependant Joseph Yombo Bodiong, le coordonnateur du Comité chargé du suivi. Sans remettre en cause le principe.
État des lieux
«Nous exploitons très peu la marge et le potentiel que nous pouvons vendre à l’Union européenne», commence par constater pour le déplorer le directeur général du Cepi. Chiffres à l’appui, Laurent Tchandeu se fait notamment fort de rappeler que «l’Union européenne est un marché de 500 millions d’habitants avec des revenus annuels moyens de 36 000 euros».
Or, il est constant depuis l’entrée en vigueur de l’APE en 2016, que «les importations du Cameroun en provenance de l’UE ont connu une diminution de l’ordre de 19% au cours des cinq dernières années, pour se situer à seulement 1000 milliards FCFA». Les statistiques du Cepi renseignent en outre qu’«au cours de la même période, les exportations du Cameroun vers l’UE sont également évaluées à seulement 1400 milliards FCFA». Et s’il est vrai qu’elles sont en hausse au fil des années, cela est encore loin d’être satisfaisant pour les participants à l’atelier.
Car au final, «nous avons plus de 30 000 entreprises au Cameroun et moins de 100 ont bénéficié de la préférence APE», regrette Joseph Yombo Bodiong. Le coordonnateur du Comité chargé du suivi et de la mise en œuvre de l’APE ajoute à la liste des griefs, le fait qu’en l’état actuel des choses, les mécanismes de l’Accord de partenariat économique «bénéficient plus aux multinationales qu’aux PME». La réalité étant la même à l’échelle continentale et sous-régionale.
Recommandations
Comment remédier à la situation? Plusieurs recommandations ont été formulées pour répondre à cette question de Laurent Tchandeu. Elles portent sur «l’acquisition des modalités techniques du commerce; la maîtrise des règles d’origine; l’amplification de la communication sur les APE; ou encore sur la mise à niveau des entreprises camerounaises, surtout les PME».
Il est de même envisagé «le renforcement des capacités des producteurs et un rapprochement des normes camerounaises des normes internationales et européennes en particulier», est-il également mentionné. Filippo Amato, l’un des représentants de la DUE à l’atelier, a notamment confirmé que l’UE dispose d’un programme de formation des opérateurs économiques camerounais sur lesdites normes. Le conseiller, chef de la section Commerce à la DUE s’est par ailleurs longuement appesanti sur les avantages de l’APE. En insistant sur l’«accès libre à l’ensemble du marché sans droits de douane ou taxes, sans limite quantifiable, et pour tous les produits ‘‘Made in Cameroun’’», a-t-il rappelé. Avant de s’étendre sur les mécanismes d’accompagnement dont bénéficie la partie camerounaise. Le principal étant le Dispositif d’appui à la compétitivité du Cameroun (DACC) doté de 10 millions d’euros.
Il existe toutefois à côté, le Programme d’appui à l’intégration régionale et à l’investissement en Afrique centrale (Pairiac). C’est un instrument censé doper les capacités de la sous-région. Il est financé à hauteur de 19 millions d’euros dont entre 5 et 6 millions d’euros sont consacrés à l’APE. Ces mesures d’accompagnement font en outre écho à d’autres prises au niveau local. Notamment, «la standardisation des procédures; l’enregistrement des potentiels bénéficiaires dans le fichier créé à cet effet au Minpmeesa; leur rapprochement des personnes ressources (Cepi, Minpmeesa, DUE, Comité de suivi…); la nécessité de comprendre le modèle de formulation des projets et programmes pour l’exportation des produits vers l’UE par l’approche chaîne de valeur», a résumé le Cepi. La création des chaînes de valeur fait au demeurant partie des solutions proposées par la CEA pour une meilleure appropriation de la ZLECAF par les pays de la sous-région Afrique centrale.
Théodore Ayissi Ayissi
La Cemac dans la Zlecaf
Au rythme de ses principaux corridors
Plusieurs axes ont été placés sous observation par une délégation du secrétariat de la ZLECAF en mission au Cameroun et au Gabon. L’objectif était de faire une évaluation des entraves à la libre circulation dans notre sous-région.
Une délégation du secrétariat de la ZLECAF a séjourné du 19 au 21 février 2023 au Cameroun, puis du 23 au 25 février dernier au Gabon. Deux destinations pour un seul objectif: procéder à «l’évaluation de l’effectivité et l’efficience de la libre circulation transfrontalière des marchandises au sein de la région Afrique centrale», est-il indiqué. Les experts de la ZLECAF ont concentré leur attention sur les corridors Yaoundé-Libreville et Libreville-Brazzaville. Leurs observations se sont cependant étendues à d’autres axes, Douala-Lusaka-Monbassa notamment. Le constat est le même partout: l’existence de tracasseries.
Cameroun
La délégation de la ZLECAF venue à la rencontre du ministre camerounais du Commerce (Mincommerce), Luc Magrloire Mbarga Atangana, était conduite par «la Senior Advisor Custums Demiita Gyang qu’accompagnait Emmanuel Mbarga, conseiller pour l’Afrique centrale et expert principal pour les questions d’accès au marché au secrétariat de la ZLECAF», apprend-on. Il ressort notamment de leurs échanges qu’«il existe une libre circulation sur le corridor Cameroun-Ouesso au Congo en dépit des tracasseries administratives», indiquent des sources au Mincommerce. Les experts ont ensuite fait part de leur intention «d’effectuer plus tard une visite similaire sur les corridors Douala-Bangui et Douala-Ndjamena afin de mieux comprendre l’origine des blocages tant décriés sur ces tronçons Tchad–RCA, deux pays sans Littoral», est-il indiqué.
Plusieurs éléments encourageants ressortent toutefois. La mission d’évaluation relève par exemple que «dans le cadre de la mise en œuvre de la ZLECAF, l’espace qui lui est consacré au Port autonome de Douala (PAD) et les efforts de désengorgement entrepris suscitent un sentiment de satisfaction générale». Et à en croire Demiita Gyang, «le Cameroun est en effet l’un des pays ayant prouvé le démarrage de la Zlecaf». «Nous mettrons tout en œuvre afin que le processus soit un succès. Le Cameroun a une économie variée, diversifiée, et ouverte. Il a des atouts: la création d’un Comité national et la mise en place d’une Stratégie nationale», a par ailleurs souligné Luc Magloire Mbarga Atangana. La Brigade mixte État-Cemac récemment créée à l’initiative de la Commission de la Cemac participe aussi de ces bonnes perspectives.
Gabon
Pour relever toutes les entraves à la libre circulation au Gabon, la Mission d’évaluation de la ZLECAF a passé en revue un certain nombre d’éléments sensibles. À savoir «la gestion des principaux postes aux frontières; les barrières non tarifaires existantes; la coopération entre administrations intervenant dans le processus d’import-export; le transit, les procédures administratives et les bonnes pratiques commerciales», confirment les autorités gabonaises. Les principales plateformes portuaires du pays ont également visitées. La perspective étant de «corriger les insuffisances relevées», ont rappelé les experts de la ZLECAF.
TAA