Les deux parties crient à l’incompréhension alors que le Groupe de la Banque mondiale appelle à des actions concertées pour la croissance du secteur privé.
Améliorer le dialogue entre les promoteurs d’entreprises et le gouvernement en vue de créer un meilleur environnement favorable aux affaires. Le sujet est au centre du diagnostic de la Société financière internationale (IFC) sur le secteur privé camerounais «Créer des marchés au Cameroun – libérer la croissance du secteur privé». La filiale de la Banque mondiale en fait une nécessité pour identifier les intérêts communs susceptibles d’augmenter la marge des investissements privés dans le pays. Notamment dans les secteurs habitants, l’agroalimentaire et l’économie urbaine. «Cela implique la réalisation de projets d’infrastructure (avec le secteur privé comme partenaire) dans un contexte d’optimisation des dépenses publiques et de définition de priorités d’investissement, ainsi que l’amélioration de la supervision de ces secteurs régulés»,
Ce rapport pose une feuille de route pour lever les obstacles à l’éclosion du véritable potentiel du secteur privé. Il s’agit de revoir le système de taxation en vigueur, de faciliter l’accès à la terre, au foncier et aux financements, et de réduire le poids des entreprises publiques dans les secteurs de la production et du commerce, etc.
Gouvernement et patronat ne s’accordent pas toujours sur le moyen d’atteindre ces objectifs. La première partie compte à son actif une liste non exhaustive des mesures prises pour signaler le secteur privé. Les entreprises, pour leur part, persistent de crier à l’insatisfaction. «Sur la SND30, le premier point c’est la transformation structurelle soutenue par le secteur privé. Nous avons un fonds de garantie de 200 milliards FCFA qui est là pour les entreprises. Il y a un fond de soutien à l’import-substitution de 50 milliards FCFA qui est mis en place dans le budget 2023. C’est pour les entreprises privées. Nous sommes en train de développer un partenariat, bientôt atteint, avec le secteur privé, les banques à l’effet de favoriser la convivialité entre le secteur privé et les banques pour que les financements publics servent de levier,
Incompatibilités
Le président du Gicam a saisi l’opportunité de la présentation du diagnostic du secteur privé camerounais pour relever quelques incompatibilités entre les besoins du patronat et les politiques publiques. «Sur les 200 milliards FCFA que vous avez évoqués tout à l’heure. On n’a pas utilisé un seul centime parce que les conditions d’utilisation sont simplement impossibles. Ce que nous demandons, on ne fait pas et vous faites ce que nous ne voulons pas. C’est ça le problème de fond», martèle-t-il. Célestin Tawamba décrie dans la foulée l’absence des tribunaux de commerce et la pression fiscale reçue sur les entreprises productives.
La Société financière internationale (SFI) et la Banque mondiale classent la pression fiscale parmi les contraintes qui pèsent sur les entreprises au Cameroun. Dans son diagnostic sur le secteur privé publié le 7 décembre, le Groupe soutient qu’elle a créé « de l’incertitude autour des décisions d’investissement ». D’autant plus qu’à cela s’ajoutent le manque d’infrastructures, un accès difficile à la terre et au foncier, entre autres. Reprenant les résultats d’une étude de la Direction générale des impôts (DGI), le rapport laisse à lire que «le coût des nombreuses mesures fiscales dérogatoires contenues dans la loi n° 2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’ investissement privé est supérieur au bénéfice retiré en termes de recettes fiscales ». Aussi, le Groupe de la Banque mondiale constate-t-il que «les incitations données à une centaine de n’ont pas permis de créer beaucoup d’emplois. En général, les mesures fiscales devraient être appliquées avec plus de transparence et de cohérence. La pression fiscale – et la façon dont les entreprises la gèrent par le biais des exonérations fiscales – crée d’importantes distorsions qui semblent favoriser les entreprises bien établies tout en évitant une concurrence loyale. Le manque de cohérence des politiques fiscales est également sous-optimal».
Les observations du rapport intitulé «Créer des marchés au Cameroun – Libérer la croissance du secteur privé» rejoignent les positions du Fonds monétaire international (FMI) sur le sujet. Dans le programme de réformes structurelles qu’il mène avec le Cameroun, la révision de la loi de 2013 sur les incitations à l’investissement est à l’ordre du jour. «Les subventions ou les exonérations généralisées destinées à accompagner le secteur privé sont généralement contre-productives et peuvent être source d’érosion fiscale et justifier l’écart entre les 16% de pression fiscale et le potentiel de 19% pour le Cameroun», explique mercredi Du Prince Tchakote Noubissi, représentant-résident du FMI.
La Loi du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé au Cameroun visent la création d’emplois, la transformation locale des matières premières et la création de la valeur ajoutée. Mais pour Célestin Tawamba, président du Groupement interpatronal, les mesures prises «représentent des cadeaux fiscaux inutiles et qui ne servent à rien». «Notre système fiscal aujourd’hui alimente l’informel. Aujourd’hui l’informel est obèse et cela constitue un obstacle. Le secteur privé et le gouvernement doivent voir aujourd’hui comment réduire la part de l’informel. Cela passe par le côté fiscal qui est aujourd’hui un obstacle à certaines activités. Il faut réviser la loi de 2013», déclare-t-il lors de débats autour de la présentation du rapport du Groupe de la banque mondiale. L’homme d’affaires annonce cependant des perspectives heureuses dans le cadre des travaux avec le ministère des Finances pour réformer le système fiscal. Une révision de la loi de 2006 sur les Partenariats publics-privés est aussi dans le pipe.
Louise Nsana