Le Gouvernement camerounais doit se ressaisir

Les Camerounais n’arrivent plus à s’en sortir devant la cacophonie Gouvernementale. Le Premier ministre Dion Ngute, chef du Gouvernement a considérablement baissé la tension au Cameroun, lorsqu’il a annoncé que le président Biya est disposé à discuter de tout, sauf de la sécession.

Implicitement, les Camerounais y ont lu l’occasion de traiter du problème fondamental du Cameroun qui est la forme de l’État, car c’est cette forme qui régit le reste : gouvernance, distribution des ressources et des responsabilités du développement, libertés publiques, etc.

Mais hier soir à France 24, une chaîne de télévision française suivie dans le monde entier, le ministre de l’Administration territoriale Atanga Nji est venu doucher cette espérance en disant que le Président peut discuter de tout, sauf de la forme de l’État.

Ce démenti cinglant fait franchement désordre.

Je crois que certains hauts responsables n’ont pas encore bien compris le problème posé au Cameroun. Ce problème s’exprime en 4 questions :

1. Que veulent les anglophones ? Ils veulent (majoritairement) un État fédéral du même type que celui de 1961, ou à défaut, une fédération généralisée du pays en 10 États. Mais ils ne veulent plus entendre parler de l’État unitaire et au besoin, ils iront à la sécession.

2. Le Cameroun peut-il les maintenir dans un État unitaire ? La réponse est non ! Il n’existe aucun moyen par lequel le Gouvernement pourrait maintenir de force les Anglophones dans un État unitaire pour au moins 3 raisons :

– ils ont bénéficié d’une autonomie fédérale dans le temps, ce qui suscite une irrépressible nostalgie de leur liberté. Et un peuple qui a été autonome n’abandonne jamais son combat pour retrouver cette autonomie;

– Ils ont une légitimité internationale, puisqu’ils sont venus au Cameroun sous l’égide des Nations unies, ce qui signifie que tout combat pour retrouver leur autonomie initiale suscitera la sympathie de la Communauté internationale ;

– Ils représentent 20 % de la population, ce qui est excessif pour qu’on puisse contrôler un mouvement sécessionniste par des moyens de contrainte, le coût économique et financier étant exorbitant.

Le Cameroun n’a donc pas les moyens politiques, économiques, financiers et diplomatiques de maintenir de force les Anglophones dans les liens d’un État unitaire.

3. Que va-t-il arriver si le Gouvernement persiste dans sa voie unitaire ? Puisque le Gouvernement ne peut pas imposer l’État unitaire aux Anglophones et que ceux-ci n’en veulent pas, le conflit va s’aggraver et s’internationaliser. La sécession va se renforcer puisqu’elle a des soutiens puissants, car le choix du Gouvernement d’aller chercher des appuis en Chine et en Russie va durcir la détermination américaine et britannique à appuyer militairement, économiquement et diplomatiquement la sécession. À terme, la sécession contraindra le Gouvernement à une négociation sur la forme de l’État qui débouchera sur une Confédération de fait.

Dans cette Confédération, les ressources stratégiques comme le pétrole seront réparties moitié/moitié, l’Armée sera également répartie moitié-moitié, et les deux Cameroun alterneront de chef d’État.

Le Gouvernement central sera terriblement affaibli.

4. Que faire ? Pour éviter ce scénario catastrophe, il faut profiter du fait que les élites anglophones préfèrent actuellement la forme fédérale de manière générique, contrairement aux sécessionnistes qui le posent sous la forme spécifique d’opposition Anglophones/Francophones. Cela signifie qu’il est possible de mettre en place un modèle fédéral qui supprime cette dangereuse focalisation entre les deux communautés linguistiques, tout en vidant la sécession de son attractivité.

Il s’agit alors de proclamer rapidement 10 États fédérés, comme le demande le SDF et surtout, comme l’a demandé en direct le vieux Roi Mukete dont on ne peut contester le nationalisme, ni soupçonner la moindre accointance avec les sécessionnistes.
Les atermoiements et les contradictions du Gouvernement sont extrêmement dangereux dans ce moment très délicat où l’avenir du Cameroun se joue. Les choses s’accélèrent ! Et si jamais le Conseil de sécurité se réunit, cette fois de manière officielle, le Cameroun est perdu : ce sera une Confédération à deux États, à savoir la République du Cameroun, et le Southern Cameroon (Ambazonie) !

Le chef de l’État gagnerait à reprendre l’initiative. Pour cela, il doit définitivement prendre acte que l’État unitaire au Cameroun, c’est terminé ! Les Anglophones ne lâcheront pas et ne baisseront jamais les armes tant que le mot « unitaire » figure dans la Constitution.

Les choses ne reviendront plus jamais comme auparavant et ceux qui tentent de bloquer cette évolution font très mal au Cameroun.

Il ne sert absolument à rien d’insister, au risque de se retrouver un jour obligés de négocier une Confédération avec des gens armés puissamment soutenus par des puissances redoutables !

 

Dieudonné Essomba

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