Pour bénéficier des appuis budgétaires dans le cadre de son programme avec le Fonds monétaire international, le pays doit réaliser un certain nombre de réformes. Celles-ci vont modifier le processus d’élaboration, de contrôle et d’exécution du budget.
Le Cameroun se prépare à une révision constitutionnelle. En effet, à en croire le ministre des Finances (Minfi), «les deux avant-projets portant transposition des directives n°6 et n°1 et relatif au Code de transparence et de bonne gouvernance et au régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, ont été introduits dans le circuit de validation interne après avis de conformité émis par la Commission de la Cemac [Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale] l’année dernière».
Pour bien comprendre les implications de cette information que Louis Paul Motaze donne le 30 mai dernier lors de la 4ème session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques, il faut savoir que cette transposition apporte deux changements majeurs par rapport au droit positif camerounais en matière de gestion des finances publiques. Il instaure les débats d’orientation budgétaire et oblige l’institution de la Cour des comptes en lieu et place de la Chambre des comptes. Et une révision de la constitution est indispensable pour opérer ces deux réformes.
Les débats d’orientation budgétaire sont des discussions qui ont lieu tout au long de la préparation du budget. Elles sont prévues dans la 2e section du Code de transparence et de bonne gouvernance qui traite des attributions et de la responsabilité des institutions. Selon cette disposition, ces échanges se font au parlement sur la base d’un rapport du gouvernement sur ses hypothèses macroéconomiques, ses grandes orientations et priorités budgétaires sur le moyen terme ainsi que ses principaux choix fiscaux et risques budgétaires pour l’année à venir. Rapport qu’il est tenu de rendre public «dans un délai raisonnable précédant le dépôt des projets de loi de finances».
Il est donc nécessaire de réviser la Constitution pour multiplier le nombre de sessions ordinaires du parlement, limité pour l’instant à trois (mars, juin, novembre). Il faudra aussi pour les mêmes raisons réviser les règlements intérieurs du Sénat et de l’Assemblée nationale. La modification de la Constitution est également nécessaire pour la création de la Cour des comptes. Car elle n’y est pas pour l’instant prévue. Yaoundé lui ayant préféré un Chambre des comptes aux pouvoirs moins élargis.
Révolutions
Comme il s’entrevoit, la transposition de ces deux directives dans le corpus juridique camerounais va induire d’importants changements dans l’élaboration, l’exécution et le contrôle du budget. Dé-sormais, les Camerounais ne découvriront plus par exemple le projet de loi de finances au parlement. Car le Code de transparence et de bonne gouvernance légalise la participation des citoyens à l’élaboration et au contrôle du budget. «La presse, les partenaires sociaux et d’une façon générale tous les acteurs de la société civile sont encouragés à participer à la diffusion des informations ainsi qu’au débat public sur la gouvernance et les gestions des finances publiques», indique le texte dans sa section information au public. Pour cela, «l’ensemble des informations et documents relatifs aux finances publiques sont publiés par les institutions compétentes sur leur site internet dès qu’ils sont disponibles», oblige le code. Ce contrôle démocratique est par ailleurs renforcé par les débats d’orientation budgétaire, qui, bien qu’ayant lieu au parlement, sont publics.
Le contrôle judiciaire se voit aussi renforcé avec l’institution de la Cour des comptes qui devient selon l’article 72 de la directive Cemac relative aux lois de finances, «l’institution supérieur de contrôle de chaque Etat». Or, jusqu’ici, en vertu de l’article 2 du décret de septembre 2013 fixant les attributions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), ce rôle est dévolu à cette structure. C’est donc à ce département ministériel que revient le contrôle des ordonnateurs de dépenses notamment les ministres. La Chambre des comptes, elle, est confinée aux contrôles des comptables publics. Dans ce schéma, c’est en effet l’exécutif qui contrôle l’exécutif.
Par conséquent, l’audit et la surveillance externes sont peu efficaces. «La Chambre des comptes ne bénéficie pas de la faculté de saisir le CDBF (Conseil de discipline budgétaire et financière) pour les fautes de gestion imputables aux ordonnateurs relevées lors de ses contrôles, faculté pourtant reconnue aux tribunaux régionaux des comptes. Ainsi, les fautes conjointes ou communes punies au niveau du comptable demeurent sans conséquence à l’égard de l’ordonnateur ou du gestionnaire», regrette l’institution judiciaire dans son rapport publié l’année dernière.
Mais quand est-ce que les projets de loi portant transposition des directives n°6 et n°1 seront envoyés au parlement ? «Avant la fin d’année», répond le Fonds monétaire international (FMI). «Le processus est en cours et il est envisagé que l’Assemblée nationale examine les textes lors de l’une de ses prochaines sessions», indique Hans-Peter Schadek, l’ambassadeur, chef de délégation de l’Union européenne au sortir de la 4e session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques. Bien avant, dans son allocution d’ouverture, Louis Paul Motaze, s’est encore montré moins précis. «Tout est mis en œuvre pour que ces textes soient adoptés dans les meilleurs délais», concède, prudent, le Minfi. Cette prudence traduit en fait l’état d’esprit des autorités camerounaises qui, en réalité, vont à pas forcés vers cette réforme.
Conditionnalités
C’est depuis 2011 que la Commission de la Cemac a adopté le Code de transparence et de bonne gouvernance et les cinq autres directives qui devront permettre son application. Mais le Cameroun ne se hâte que très lentement pour l’internalisation dans son corpus juridique de ces dispositions communautaires. Entre autres raisons évoquées pour justifier cette posture: «la transposition des directives change l’orientation des réformes déjà engagées par le Cameroun notamment avec la mise en œuvre de la loi portant régime financier de l’Etat et donne un sentiment d’instabilité», justifie-t-on au ministère des Finances. Par ailleurs, ajoute notre source, «la transposition des directives entraine une réforme institutionnelle délicate. Or l’agenda politique jusqu’ici n’était pas porté sur l’organisation institutionnelle mais plutôt sur la relance économique avec la mise en œuvre du DSCE [Document de stratégie pour la croissance et l’emploi] et la marche vers l’émergence».
Mais pour faire face à la crise économique survenue à la suite de la baisse des prix des matières premières notamment du pétrole, les pays de la Cemac souscrivent à des programmes d’ajustement avec le FMI. Les bailleurs de fonds qui doivent les accompagner dans la traversée de cette mauvaise passe conditionnent leur financement à la mise en œuvre de certaines réformes que ces pays tardent depuis plusieurs années à appliquer. Parmi ces mesures se trouvent non seulement la transposition des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac, mais également une pléthore d’autres réformes (voir page 11) qui vont également avoir un impact sur la gestion des finances publiques. Après la transposition des directives n°6 et 1, condition pour obtenir les appuis budgétaires 2018 de l’Union européenne et de la Banque africaine de développement, l’internalisation des quatre autres directives est prévu dans le plan de réforme 2019-2021 en préparation.
Aboudi Ottou
Directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac
En 2011, la Commission de la Cemac a adopté six directives visant à améliorer la transparence et la gouvernance dans la GFP et à harmoniser les finances publiques au sein de la CEMAC pour renforcer la surveillance régionale. La transposition de ces directives dans la législation nationale des États membres, initialement prévue pour 2017, est désormais prévue pour 2019. Le Cameroun a préparé six projets de texte portant transposition de directives validées par la Commission de la CEMAC.
Directive 1: lois de finances. Lignes directrices et règles régissant la présentation, la préparation et l’adoption de la loi de finances. La directive fournit aussi des orientations sur la mise en œuvre de la politique budgétaire à moyen terme et la responsabilité des gestionnaires de finances publiques.
Directive 2: règlement général sur la comptabilité publique. Règles de base régissant l’exécution du budget, la comptabilité et l’audit publics de l’ensemble des opérations financières et non financières de l’État.
Directive 3: plan comptable de l’État. Normes, principes et règles régissant la comptabilité publique et la production des états financiers de l’État.
Directive 4: nomenclature budgétaire. Règles régissant la présentation du budget général, des annexes budgétaires et des comptes spéciaux du Trésor.
Directive 5: opérations financières et non financières de l’État. Principes directeurs concernant la préparation des transactions financières et non financières des administrations publiques et méthodes de présentation du tableau des opérations financières et non financières (TOFE).
Directive 6: transparence et bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques. Principes et exigences que l’État doit respecter dans la gestion des fonds publics.
Source: FMI (2018)
Une pléthore de réformes programmées en 2018
Elles sont un préalable au déblocage des appuis budgétaires des partenaires financiers qui accompagnent le pays dans le cadre de son programme d’ajustement.
Pour financer son budget cette année, le Cameroun a besoin de 4 689,5 milliards de francs CFA. Selon la loi de finances 2018, 334 milliards viendront des appuis budgétaires. Mais pour obtenir cet argent des partenaires financiers, le pays devra mettre en œuvre plusieurs réformes en plus de réaliser les objectifs de son programme d’ajustement avec le Fonds monétaire international. Intégration a sélectionné celles qu’il considère en lien avec la gestion des finances publiques.
MESURES PREALABLES POUR L’APPUI BUDGETAIRE DE LA BANQUE MONDIALE
Action préalable 2 sur la réforme des marchés publics :
Afin d’accélérer le processus de gestion des investissements publics de manière optimale :
• procéder à la révision du Code des Marchés Publics pour entre autres, clarifier les responsabilités des parties prenantes, l’indépendance du mécanisme de gestion des plaintes, et la séparation de trois rôles dans les marchés publics : la régulation, le contrôle et le processus de passation des marchés ; et
• prendre un arrêté conjoint MINEPAT/MINMAP, fixant la rémunération des membres des Commissions de passation des marchés et des sous-commissions d’analyse sur une base forfaitaire (et non en fonction du nombre de séances comme actuellement), couplé, éventuellement à un paiement assis sur la performance.
Action préalable 3 sur la réforme de la Fonction Publique :
Afin d’améliorer la transparence et l’efficacité dans la gestion de la solde et contrôler la masse salariale,
• prendre un texte portant sur les modalités de création des commissions, comités et groupes de travail et règlementant la tenue de leurs sessions et la rémunération de leurs membres ;
• mettre en œuvre le nouveau système de gestion de la solde, SIGIPES II, dans dix (10) ministères.
Action préalable 4 sur la gestion des Entreprises Publiques :
Afin d’améliorer la gouvernance d’entreprise et la gestion des entreprises publiques,
• prendre les textes d’application des nouvelles lois détaillant les responsabilités des Etablissements Publics et des entreprises publiques par rapport aux institutions de contrôle, notamment : a) la présentation et la publication de données financières et opérationnelles ; b) les critères de sélection, de rémunération, d’évaluation et de remplacement des dirigeants ; c) les audits financiers ; d) le niveau de décision/approbation sur les questions opérationnelles et stratégiques de l’entreprise ; et
• approuver la stratégie et le plan d’action pour la réforme des entreprises publiques conformément aux nouvelles lois.
Action préalable 6 sur la réforme du secteur des transports :
Afin d’améliorer l’entretien routier et la gestion du patrimoine routier:
• adopter et prendre en compte dans le programme budgétaire et d’entretien des routes 2018/2019, l’utilisation de contrats pluriannuels pour l’entretien des grands axes routiers et corridors ;
• établir un plan d’action pour l’extension et la mise en œuvre de la politique de contrôle des charges à l’essieu sur l’étendue des routes bitumées autres que les routes récemment réhabilitées.
Action préalable 9 :
Afin d’améliorer l’efficience des dépenses du secteur de la santé, le Ministère de la Santé Publique a élargi la couverture administrative du programme PBF en introduisant au moins huit contrats de performance au niveau central du ministère de la Santé publique, y compris au moins deux hôpitaux centraux/généraux (et le financement d’au moins 50% de leur budget par ces contrats) et une extension du programme PBF au niveau opérationnel à au moins 75% de la population du pays avec des agences de contractualisation et de vérification (ACV) établies dans les dix régions.
MATRICE DES REFORMES DE L’UNION EUROPEENNE
Conditions générales de décaissement de chaque tranche
Gestion des finances publiques :
• transposition et mise en œuvre des directives CEMAC relatives à la gestion des finances publiques ;
• progrès satisfaisants accomplis dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme visant à améliorer la gestion de finances publiques, crédible et pertinent. Notamment progrès satisfaisants dans la mise en œuvre de la circulaire fixant les principales orientations de la réforme des finances publiques 2016-2018 en suivant un plan d’action adopté ;
• élaboration et validation d’ici fin 2018 d’une stratégie de réforme des finances publiques holistique en suivant les constats de l’évaluation PEFA (Public Expenditure and Financial Accountability), afin de viser une amélioration substantielle et durable du système de gestion des finances publiques ;
• existence d’un cadre de pilotage sectoriel pour les finances dynamique et régulier.
Transparence budgétaire :
• progrès satisfaisants accomplis en ce qui concerne la mise à disposition du public, en temps opportun, d’informations budgétaires exhaustives et de qualité accessible. A cet égard, la publication d’un calendrier des statistiques de finances publiques et son application sera suivie afin d’assurer que les documents stratégiques, tels que la loi de finances (LF) et ses annexes, la loi de règlement, les rapports budgétaires infra-annuels, le TOFE (TABOR), les CBMT/CDMT, soient disponibles et accessibles (en ligne) ;
• clarification de l’architecture du contrôle interne et externe en assurant l’effectivité du rôle d’une Institution Supérieure de Contrôle.
MESURES ADOSSEES A L’APPUI BUDGETAIRE DE LA BAD
Composante 1 : rationalisation du cadre de gestion des finances publiques
Sous composante 1.1. Assainissement du cadre règlementaire et institutionnel de la Gestion des Finances Publiques
• adoption par le Gouvernement et transmission à l’Assemblée nationale du projet de loi portant révision de la loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant Régime Financier de l’Etat ;
• publication et vulgarisation des rapports d’audit des marchés publics 2013 et 2014 ;
• élaboration et adoption des rapports d’audits 2015 et 2016 ;
• adoption du Code des marchés publics.
Sous composante 1.2. Renforcement du cadre de la planification stratégique et de gestion des investissements publics
• stabilisation du niveau des dépenses d’investissement public en % du PIB sur le moyen terme ;
• publication semestrielle de la liste des projets structurants d’investissement et de leurs rapports d’exécution de 2017 sur un site web du MINEPAT;
• validation du document d’orientation de la deuxième phase de la vision 2035 ;
• prise d’une circulaire du PM rendant exécutoire le Guide révisé de maturation des projets ;
• validation de l’étude diagnostic du dispositif règlementaire et institutionnel d’indemnisation pour la mise en œuvre des projets d’infrastructures ;
• mise en place d’un dictionnaire d’indicateurs de suivi de la mise en œuvre des politiques publiques (stratégie sectorielles et programmes).
Composante 2 : renforcement de la gouvernance et la compétitivité dans les secteurs productifs
Sous composante 2.1. Renforcement du cadre de la planification stratégique et de gestion des investissements publics
• finalisation de l’actualisation du plan directeur routier et du cadre de l’entretien routier ;
• prise d’un texte règlementaire portant réduction du délai de paiement par le Fonds Routier des factures des Entreprises / BET à 10 jours
• (i) signature par le MINMAP d’au moins un marché d’entretien à niveau de service respectant le DAO type au profit d’une entreprise,
• signature d’une décision portant catégorisation des entreprises et BET du secteur des BTP.
• signature d’une convention de concession de la SONATREL en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport de l’électricité ;
• opérationnalisation de la SONATREL.
Source : Comité technique
de suivi des programmes économiques
Ecarts entre directives et droit positif camerounais
1- Durée des autorisations d’engagement
La directive n°1
➜ Ne limite pas la durée des autorisations d’engagement (AE) ;
La loi portant régime financier de l’Etat (LRFE)
➜ Limite les AE à 3 ans ;
➜ Ne prend pas en compte la mise en œuvre des contrats PPP ;
➜ Cette situation est préjudiciable aux investissements ayant une durée de vie de plus de 3 ans.
2- Fongibilité des crédits
La directive n°1
➜ Souplesse de gestion des moyens accordée au responsable du programme ;
➜ Principe de la fongibilité totale et asymétrique des crédits du programme ;
➜ Fixation des plafonds d’emploi par ministère ;
La loi
➜ Fongibilité limitée à 15% au sein du programme ;
➜ Interdiction des mouvements de crédits à partir des dépenses de personnel au profit des dépenses d’une autre nature ;
➜ Ainsi, la limitation de la fongibilité dans la LFRE réduit la marge de manœuvre octroyée aux gestionnaires.
3- Statut du responsable programme
Statut du responsable programme
Les directives et la loi introduisent un nouvel acteur budgétaire qui est le responsable de programme ;
➜ La directive fixe les conditions de sa nomination et ses attributions et un régime de responsabilités propre lui est aménagé ;
➜ Par contre la LRFE ne précise pas les conditions de sa nomination ni ses attributions et le régime de responsabilité auquel il est assujetti ;
➜ La transposition doit permettre de mieux encadrer ce nouvel acteur qui est l’artisan principal du budget programme.
4- Rôle du contrôleur financier
Le contrôleur financier est un acteur budgétaire
Les directives n° 2 et n°3
➜ Consacre le contrôleur financier comme acteur budgétaire ;
➜ Définit et élargit les pouvoirs du contrôleur financier ;
➜ Introduit la possibilité de modulation de contrôle interne ;
➜ Cette option permet d’adapter le contrôle en fonction du niveau de risques et partant de le rendre plus efficace surtout dans un contexte de rareté de ressources humaines ;
Le décret portant régime général de la comptabilité publique (RGCP)
➜ Le contrôleur financier n’est pas un acteur budgétaire aux pouvoirs étendus avec un régime de responsabilité individuelle spécifique.
5- Création de la Cour des comptes
Les directives n°1, 2 et 6
➜ La directive prévoit la création d’une Cour des comptes aux compétences élargies ;
La LRFE
➜ Ces nouvelles attributions sont partiellement exercées par 2 institutions, la Chambre des Comptes et le Consupe
➜ Aucune ne remplit totalement les 8 critères de l’Organisation internationale des Cours des comptes (Intosai) ;
➜ La persistance de la dualité actuelle affaiblit la fonction contrôle;
➜ La conformité avec ces directives passe par une modification de la constitution.
6- Débat d’orientation budgétaire
La directive N°6
➜ La directive prescrit le débat d’orientation budgétaire (DOB) ;
➜ Le DOB permet de mieux comprendre l’articulation entre les lois de finances et les stratégies sectorielles de développement et de croissance ;
➜ Il renforce le pouvoir de contrôle démocratique et au-delà c’est le contrôle budgétaire du Parlement qui est renforcé
➜ Le débat intervient en séance publique ce qui contribue au renforcement du contrôle citoyen ;
La Loi
➜ La LRFE ne prévoit pas de débat d’orientation budgétaire ;
➜ Pour l’instituer, il convient de revoir dans la constitution le nombre de sessions parlementaires.
7- Fonds des partenaires au développement
La directive n°1
➜ Les bailleurs de fonds sont tenus d’informer le ministre des finances de tout financement apporté aux administrations et son approbation préalable des documents y afférents avant son acceptation ;
➜ Ces fonds sont intégrés au budget général si accordés à l’Etat;
➜ Une annexe de la loi de finances en donne le détail de l’origine et l’emploi de ces fonds ;
La Loi
➜ Pour la LRFE, aucune obligation n’est faite aux bailleurs d’informer préalablement le MINFI ni d’intégrer, le cas échéant, ces fonds dans le budget de l’Etat ;
➜ En conséquence il y a un risque de non exhaustivité de l’information budgétaire.
Source: Minfi
‘’Nous devons respecter le principe de l’équité fiscale’’
Les différentes réformes fiscales entreprises depuis sont porteuses d’un certain niveau de résultats. Mais nous pensons que le problème de l’équité fiscale reste si non entier mais profond
Le directeur du Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (Cradec) se prononce sur les réformes fiscales au Cameroun. En sa qualité de membre du réseau Tax Justice, il s’appesantit au préalable sur les enjeux de la justice fiscale et la lutte contre les flux financiers illicites (FFI) en Afrique.
Le Cradec en collaboration avec Tax Justice Network-Africa organise à Dakar du 18 au 19 juin une réunion de lancement du Projet sur la Justice fiscale et la lutte contre les flux financiers illicites en Afrique. De quoi il en retourne dans ce projet ?
Ce projet s’inscrit dans le plan stratégique 2016-2020 du TJNA et fait suite à la composante des pays d’expression anglaise (Ghana, Nigeria, Tanzanie, Zambie et Ouganda). Le projet visera à renforcer et intégrer le mouvement et la campagne de la justice fiscale contre les flux financiers illicites au niveau national dans les trois pays sélectionnés, à savoir le Cameroun, le Sénégal et la Tunisie. Cet objectif sera atteint grâce à une sensibilisation accrue, la création d’alliances, le renforcement des capacités et la génération des connaissances sur la justice fiscale et les FFI. De plus, grâce à ce projet, TJNA et ses partenaires contribueront aux objectifs de réduire la pauvreté et d’accroître la démocratisation du projet appuyé par l’Agence norvégienne de la coopération internationale (Norad).
Ainsi les objectifs spécifiques de la réunion de Dakar sont : renforcer l’appropriation et la compréhension partagée des objectifs du projet des partenaires de mise en œuvre ; examiner et harmoniser la documentation (cadre de résultats, budget et les clarifications sur la méthodologie) ; discuter et comprendre les termes et conditions de la subvention ; et intérioriser les outils ou modèles et les conditions de rapportage.
En quels termes se pose la problématique de la Justice fiscale et la lutte contre les flux financiers illicites en Afrique ?
La justice fiscale et la lutte contre les FFI en Afrique mettent en lumière plusieurs défis. Les économies africaines, caractérisées par une production de matières premières en proie à la volatilité des cours sur le marché international, sont face à un défi de mobilisation des ressources domestiques à travers la fiscalisation. L’autre défi est le phénomène de la fraude et de l’évasion fiscale des contribuables. La fausse facturation, la corruption et le détournement des deniers publics et la blanchiment des capitaux sont des facteurs favorables aux flux financiers illicites. L’assainissement du climat des affaires impose très souvent aux gouvernements des réformes pas toujours au bénéfice des budgets publics telles que des mesures d’incitation à l’investissement et l’octroi des exonérations financières. De telles mesures renvoient la charge fiscale sur les petites et moyennes entreprises nationales moins structurées ; dans le même temps les multinationales ne paient pas le juste impôt. Le faible dialogue ou l’absence de la prise en compte des problèmes du secteur privé est aussi l’une des caractéristiques la justice fiscale dans le continent.
Comment sera conduit le projet lancé à Dakar ?
En lien avec le plan stratégique de TJNA, le projet s’est fixé des objectifs au plan national dans les pays. Au Cameroun le projet vise à terme, un système fiscal plus inclusif, équitable et plus redevable vis-à-vis des citoyens. Ceci passe par plus d’ouverture du gouvernement pour une politique fiscale plus juste et une prise en compte des populations dans le respect et la mise en œuvre des recommandations de la vision minière africaine au plan national.
Vous êtes le président de la branche camerounaise du réseau pour la justice fiscale en Afrique. Quel est l’état des lieux des Flux financiers illicites au Cameroun ?
Le Cameroun est impacté par le phénomène. Les récents rapports à disposition font état des pertes budgétaires évaluées à plus de 6% du PIB au cours des 10 dernières années. Plusieurs causes allant de la fausse facturation dans les échanges commerciaux, la criminalité financière et les différents trafics illicites au sein de l’économie, jusqu’à la corruption au sein des administrations publiques sont à l’origine de ce phénomène. Tous ces déterminants sont l’objet des initiatives au plan national, mais il faut reconnaitre ces efforts sont insuffisants pour plus d’impact en faveur des politiques de développement.
En votre qualité de président de la branche camerounaise du Réseau pour la justice fiscale en Afrique, quel regard vous portez sur les récentes propositions du patronat camerounais au sujet des différentes réformes fiscales entreprises par le pays ?
Au-delà du classique Cameroon Doing Business, qui rassemble le gouvernement et le secteur privé avec pour focus principal l’amélioration du climat des affaires, le secteur privé et en particulier le Gicam, a bien voulu pousser le dialogue et la réflexion sur la fiscalisation des entreprises, en ce moment où le gouvernement est engagé dans un programme d’ajustement avec le FMI.
En considérant la situation de la justice fiscale et les FFI d’une part et les besoins en financement de notre économie face à la crise actuelle d’autre part, nous nous questionnons quant à la pertinence du contenu de ces propositions et de leur efficacité pour que le pays puisse respecter les engagements pris dans le cadre du redressement des économies de la sous-région.
Avez-vous le sentiment que certains (notamment grandes entreprises) ploient sous le poids des impôts, pendant que d’autres s’en passent ?
Le cadre légal et règlementaire offre des avantages aux grandes entreprises du fait de leur présumé poids dans l’investissement. Il y a donc des entreprises qui exploitent à bonne escient ces privilèges. Dans le même temps, on a noté que bien bénéficiant de cet environnement, des entreprises ne sont pas aussi représentatives dans l’échiquier de l’investissement et notamment en rapport avec leurs engagements. On peut donc dire que certaines entreprises échappent à leurs obligations fiscales alors que d’autres paient le prix fort. Des exemples peuvent être cités dans la politique de privatisation de certains secteurs de l’économie nationale.
Quelle analyse vous inspire les différentes réformes fiscales entreprises au Cameroun depuis quatre ans?
Les différentes réformes fiscales entreprises depuis sont porteuses d’un certain niveau de résultats. Mais nous pensons que le problème de l’équité fiscale (horizontale et verticale) reste si non entier mais profond. Pour améliorer la performance par objectif, l’administration fiscale s’appuie davantage sur la fiscalité indirecte avec la TVA qui frappe plus la consommation. Mais la fiscalité directe qui impose les individus, les richesses des personnes physiques et morales proportionnellement à leur capacité contributive, reste encore peu explorée.
Ceci créée des inégalités affectant davantage des couches dont les faibles revenus sont essentiellement orientés vers la consommation des biens courants. Les nantis à fort pouvoir d’investissement et de production sont moins ou faiblement imposés. Des réformes fiscales doivent donc être accentuées pour une fiscalité directe plus accrue pour plus de recettes fiscales du patrimoine, de la richesse. Une décentralisation fiscale rapprocherait l’administration du contribuable et ceci bénéficierait au processus de l’élargissement de l’assiette, à la formalisation, l’organisation des filières et secteurs de production et de services avec un cadastre fiscal plus structuré et juste.
Avez-vous souvent fait des propositions à la direction générale des impôts sur certaines réformes fiscales ?
Oui nous avons souvent associé la direction générale des impôts et même des douanes à nos réflexions. Mais nous devons souligner que notre administration fiscale a encore des efforts faire quant à la culture de l’écoute, surtout en direction des organisations de la société civile.
Comment en arriver au juste impôt payé par chaque contribuable ?
Pour arriver au juste impôt payé par chaque contribuable, nous devons respecter le principe de l’équité fiscale. La constitution nationale s’appuyant sur la déclaration universelle des droits de l’homme stipule que chaque citoyen doit participer aux charges publiques en fonction de ses capacités contributives. Une fois ce principe admis, l’information, l’éducation au civisme fiscal doivent être des actions permanentes en direction des contribuables pour le respect et la matérialisation de ce principe tout au long des lois de finances. D’un autre côté, le gouvernement doit manifester sa responsabilité et fidélité dans le contrat social qui s’articule autour de la redistribution de la richesse nationale à travers des services sociaux de base. Partant de là, le citoyen aura confiance vis-à-vis des pouvoirs publics qui à leur tour légitimeront leur autorité de prélèvement. Il se construirait ainsi un cercle républicain vertueux.
Votre mot de fin
Nous pensons qu’à force de sensibiliser, d’éduquer et de mobiliser pour le civisme fiscal, l’impôt bien que mal accepté par les populations, finirait par être reconnu comme un instrument de consolidation de la souveraineté des Etats africains en particulier pour la garantie de l’atteinte des objectifs de cette Afrique que nous voulons tous avec moins d’inégalités.
Interview réalisée
par Thierry Ndong