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Gares routières de Yaoundé : Voir grand dans le petit coin

Incursion dans les toilettes des agences de voyages interurbains de la capitale.

Scène de vie à la gare routière de Mvan

Mvan (au sud de Yaoundé), la gare routière regorge de récits alliant embarquements et débarquements des passagers en provenance de divers coins du pays, le sulfure d’un site de la pègre. «Ici, répète un chargeur, même les saints vont en enfer». Côté cour, on plonge dans une bulle suspendue, où le temps n’a plus cours, où l’espace se dilue, où les destins s’entrecroisent et les visages se confondent. Côté jardin, «rien de grave», assure la patronne d’une agence de voyages Yaoundé-Ebolowa. La petite femme replète qu’on écoute vante ses «cinq étoiles» au palmarès des agences les plus propres, ses sanitaires rénovés, son impeccable protocole anti-Covid. On attend la suite… rien. Alors on l’aide un peu: «D’où vient cette forte odeur d’urine?» La femme se fige. Puis, elle lâche: «Ne vous inquiétez pas! Cela vient du voisin (une autre agence de voyages, NDLR)».

Décor
En improvisant un besoin pressant, voici les toilettes. Revêtus d’un mortier maigre, le sol et les murs sont un cauchemar absolu. Juste à côté, un lacis de venelles boueuses fendues en leur milieu d’une rigole pour toute l’évacuation des déchets et qui se faufilent entre des masures faites de torchis et de tôles ondulées rouillées. Visiblement, l’ensemble a été conçu en fonction de l’espace disponible et témoigne d’un réel savoir-faire. Dans le couloir, un voyageur nerveux fait la leçon d’hygiène à un agent dédaigneux. Le premier dénonce systématiquement l’étroitesse de ce lieu d’aisance. Sous l’autorité aboyeuse de la chef, le second suggère le «VIP» au bruyant requérant.

Le propos, qui prête assurément à la plaisanterie graveleuse, irrite davantage l’ambiance. En lorgnant vers ce qui est désigné comme VIP, le contenu de l’anglicisme est copieusement torturé. Conditions d’hygiène plus que douteuses, matériel inadapté, voire carrément défectueux, promiscuité exacerbée… Juste à l’entrée trône une indication: «toilettes payantes 100 F». Préposé dans la même agence de voyages, un autre agent frotte à quatre pattes les w.c.. On dirait qu’il force le corps à la cadence et plie son mental à la nécessité de garder le travail. Il explique que «100 F c’est pour plusieurs choses à la fois: papier de toilette, eau, savon et le reste». À fouiner un peu, ce dernier mot désigne son salaire.

«100FCFA»
«Ce système est adopté à 90% dans les gares routières de Yaoundé», signale Pierre Tchuente. D’après l’hygiéniste-environnementaliste, secrétaire exécutif de l’ONG «Positiv Cameroon», cela permet de comprendre la cassure entre les clients-voyageurs et le service rendu par les agences de voyages. «Calculé au prorata du nombre des usagers, le salaire des préposés de toilettes en service dans plusieurs compagnies de transport interurbain est chichement payé. D’où l’importance qu’ils accordent à la somme de 100FCFA à débourser par ceux qui sont tenaillés par un besoin naturel», explique Pierre Tchuente. Notre interlocuteur ajoute: «Si dans quelques agences de voyages des progrès sont repérables ces dernières années, notamment en ce qui concerne la gratuité des toilettes, le modèle général s’est construit pour alimenter les caisses par l’illusion de la création d’un ou deux emplois».

Au bas de ce renseignement, plusieurs administrations publiques et les promoteurs des compagnies de transport interurbain se trouvent progressivement mis en accusation. Pour y répondre, certains mettent à contribution des scénarios d’excuse. «Nous sommes en train d’organiser une réponse pour cette affaire de toilettes payantes ou gratuites dans les gares routières. On va bien étudier ça» bricole un cadre de la mairie de Yaoundé.

Petit signal de contrevent
Ils n’ont peut-être pas encore réussi à mettre tout le monde d’accord. Ils ont juste ce qu’il faut pour faire la différence: des toilettes gratuites et propres. Dans une compagnie de voyages au quartier Elig-Essono, par exemple, l’on assure que «chaque jour, les prestations montent en gamme, en fonction du terminal dans lequel vous vous trouvez». En y jetant un coup d’œil, des pictogrammes trahissent une signalétique moderne. Celle-ci est même «genrée». Ici, vante-t-on, «il faut donner envie aux Camerounais d’utiliser les transports en commun en les rendant “confortables, à l’heure et propres”.

Jean-René Meva’a Amougou

Recadrage

La scène doit déménager

Selon le ministre des Transports (Mintransports), aucune disposition réglementaire n’autorise les agences de voyages de transport interurbain à mettre en place des toilettes publiques payantes.

 

Finexs Voyages, terminal de Douala. Un gendarme en civil est pris à partie par des individus. Il en est mort. Un autre gendarme qui l’accompagne est lui aussi battu et a été interné dans une formation sanitaire de la ville. À la charge du pandore décédé, révèle Felix Etoundi, le patron de la compagnie de transport interurbain, le règlement d’une facture de 100FCFA après son passage dans les toilettes de l’agence. Les faits se déroulent le 22 juillet 2020. Les images font le tour de la toile et ne manquent pas de mettre Jean Ernest Ngalle Bibehe Massena dans tous ses états. En date du 29 juillet 2020, le Mintransports a publié un communiqué radiopresse.

Dans le document, il expose sur les dispositions de la loi relativement à la gestion des toilettes publiques dans les agences de voyages de transport interurbain. Selon le ministre, plusieurs textes encadrent les activités d’exploitation des terminaux des compagnies de voyages interurbains. Sur cette base, il n’est donné aucun droit aux agences de rendre payantes les toilettes publiques. Les toilettes sont gratuites pour la clientèle et le personnel de la société. Jean Ernest Ngalle Bibehe Massena précise en outre qu’“en tout état de cause, rien n’habilite les gestionnaires de terminaux à mettre en place des toilettes publiques payantes au sein des agences de voyages interurbains, prérogatives qui du reste sont de la compétence des collectivités territoriales décentralisées”.

Jean-René Meva’a Amougou

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