INTÉGRATION RÉGIONALE

La fusion n’est pas pour demain

CEEAC-Cemac- CEPGL

Une dizaine d’années après son lancement, le processus de construction d’une Communauté économique régionale unique en Afrique centrale n’a que très peu avancé.

A quand la fin du processus de rationalisation des communautés économiques régionales (CER) d’Afrique centrale ? Dix ans après la création du Comité de pilotage de la rationalisation des Communautés économiques régionales d’Afrique centrale (Copil/CER-AC), la réponse à cette question reste peu évidente. Le 27 novembre dernier à l’ouverture de la 4e réunion de ce comité,  son président, Louis Paul Motaze, a été, lui-même, incapable de donner une date butoir: «l’Union africaine a fixé des échéances. Nous, notre rôle est d’être prêt. Nous n’allons pas forcement attendre la fin des échéances. C’est-à-dire que si nous nous pouvons aboutir à la création d’une seule communauté demain, nous n’allons pas nous en plaindre», a esquivé le ministre camerounais de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire. «De toute façon avec les ministres venant de ces Etats (les Etats d’Afrique centrale) nous travaillons aujourd’hui à faire en sorte que progressivement nous allions à une seule communauté économique», a-t-il tranché.

Actuellement, trois CER coexistences en Afrique centrale : la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). Pour les mêmes objectifs d’intégration, chacune est régie par des traités internationaux. «Et cela a des conséquences non seulement sur le plan du travail (parce que c’est le même travail qui est fait de manière dupliquée) mais cela a également des conséquences budgétaires (parce qu’il faut bien faire fonctionner chacune des communautés)», explique Louis Paul Motaze pour justifier la décision de la rationaliser les CER d’Afrique centrale prise en 2007 les chefs d’Etat de la sous-région.

Avec la crise économique actuelle, la question de la construction d’une CER unique se pose avec plus d’acuité car les Etats ont moins d’argent pour répondre à toutes les sollicitations financières nécessaires au fonctionnement des institutions communautaires. Pour donc faire avancer le processus, quatre préoccupations majeures étaient sur la table des ministres à l’occasion de cette 4e réunion du Copil/CER-AC : la généralisation de la libre circulation des personnes,  l’unification des zones de libre-échange (Zle), le rapprochement institutionnel et l’intégration monétaire.

Accord à minima

Mais au regard du communiqué final, la principale avancée a été enregistrée sur l’unification des zones de libre-échange (Zle). Sur cette question en effet, le projet de décision conjoint portant harmonisation de quatre instruments de la zone de libre-échange CEEAC-Cemac (certificat d’origine, dossier d’agrément au tarif préférentiel, formulaire de vérification de l’origine du produit et schéma type d’agrément au tarif préférentiel). Pour le reste, les décisions ont été remises à plus tard. La question de l’intégration monétaire semble même avoir été évitée par les ministres. «Concernant la note d’information sur l’intégration monétaire, les membres du Copil/CER-AC en ont pris acte et demandé au Copil/CER-AC de se concentrer sur l’objectif de création d’une CER unique en Afrique Centrale», lit-on dans le communiqué final. Une façon de dissocier l’intégration monétaire au processus de rationalisation actuelle.

La réunion de la cellule des experts, tenue du 23 au 25 novembre 2017, augurait déjà un tel résultat au regard des positions exprimées par les représentants de certains Etats. La délégation burundaise a, par exemple, posé une réserve quant à la validation d’un ensemble de questions notamment le rapprochement des cadres institutionnels. «Les chefs d’Etat de la CEPGL devraient acter sa disparition avant toute fusion avec les autres entités. Le Burundi y adhèrera complètement et sans restriction à cette condition-là», a indiqué un de ses membres.

Pour le Gabon et le Congo Brazzaville, la crise économique qui a fait planer l’ombre d’une dévaluation du francs CFA en Afrique centrale devrait provoquer une certaine rationalité. Puisque la diminution drastique des réserves monétaires (devises) fut la cause, elle devrait guider la méthodologie de choix de l’expertise consultance. Il serait donc, de leur point de vue, bénéfique pour les pays de faire plus appel à l’expertise régionale pour l’élaboration des études. Le Gabon insiste que cela devrait dorénavant faire l’objet d’un appel régional à manifestation de candidature car «le Gabon détient des compétences en la matière».

 

L’argent fait défaut

Jusqu’ici, le processus de rationalisation est principalement financé par le Cameroun. La CEEAC et la Cemac tentent sporadiquement de venir en appoint.

Depuis sa création en 2007, le Comité de pilotage de la rationalisation des Communautés économiques régionales d’Afrique centrale (Copil/CER-AC) fonctionne avec un budget a minima. En avril 2015, la troisième réunion du Copil, constatant une inquiétante insuffisance en ressource financière, avait décidé de joindre ses décisions de 2010 et de 2013. C’est-à-dire que le budget de la rationalisation se financera par les Etats et les CER à concurrence égale de 30 000 000 (trente millions) de francs CFA par an pour les Etas et 150 000 000 (cent cinquante millions) pour les CER. Ainsi, depuis 2010, le Copil aurait dû bénéficier de 3 420 000 000 (trois milliards quatre cent vingt millions) de francs CFA.

La note présentée par le secrétariat technique expose une dotation exacte de 1 251 000 000 (un milliard deux cent cinquante et un millions) de francs CFA soit 30,48% de couverture. On peut évoquer en plus, un appui (non chiffré) en matériel informatique de la CEEAC au travers de son Programme d’appui au renforcement des capacités institutionnelles (PARCI/CEEAC). De manière précise, l’Etat du Cameroun a fourni 821 000 000 (huit cent vingt et un millions) de francs CFA soit 110 000 000 (cent dix millions) francs CFA de contributions financières, la mise en disponibilité gracieuse des locaux, le mobilier de bureau et le matériel informatique. La CEEAC a offert 190 000 000 (Cent quatre-vingt-dix millions) de francs CFA et la Cemac 240 000 000 (deux cent quarante millions). Cette situation est le premier plomb dans l’aile de la rationalisation qui ne peut financer son opérationnalisation avec les points de vue critiques des Etats membres.

Douloureuse

2 169 000 000 (deux milliards cent soixante-neuf millions) francs CFA sont soit à rembourser (pour les insolvables), soit à trouver. Afin de doter la machine de la rationalisation du maximum de ressources primaires dont elle a besoin. Aujourd’hui cette institution opérationnelle est en sous-effectif et dans l’exiguïté en attente de la livraison du bâtiment siège offert par l’Etat du Cameroun. Le lead de la rationalisation semble avoir été octroyé au Cameroun par filiation. L’harmonisation des politiques, programmes et instruments d’intégration de la Cemac, de la CEEAC et de la CEPGL pour aboutir à terme à une seule CER dans la région tel que dévolue au Copil dans ses missions organiques parait non prioritaire. Pour le président de la Commission de la Cemac, Pr Daniel Ona Ondo «la grandeur des nations se mesure à l’aune des sacrifices et dynamiques qu’elles consentent à induire».

Deux attitudes ont suivi la présentation de ce tableau sombre. Au premier chef, les félicitations au Cameroun de la part de l’ensemble des Etats. Ensuite, une absence de solutions sur l’amélioration de la situation. Entre annulation d’une partie des arriérés, adoption d’une contrainte et stimulation de l’élan de solidarité les experts ont dû se résoudre à un appel à davantage de volonté venant du Président de séance. Car les motivateurs de décisions des chefs d’Etat sont ces mêmes experts.

Il est donc clair qu’aucune proposition structurelle n’a été concrètement envisagée. L’Angola, pays hors zone francs CFA, a souhaité que le montant soit converti en dollars. La proposition de la Cemac de réfléchir avec la CEEAC sur une inscription de cette demande au 11ème FED a été purement et simplement balayée. Indépendance et orgueil d’Africains oblige.

ZRM

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *